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Bilan les murs ne servent à rien – 7 – 2023

La 7ème édition des Murs ne servent à rien s’est tenue du 22 au 24 septembre à La Halle de Dieulefit et dans deux lieux d’exposition de la ville. Une édition intense et charnière !

La fréquentation a été beaucoup plus importante que celle des années précédentes, grâce à la qualité incontestable du programme, au maintien de la gratuité, et surtout à notre travail continu de mise en lien avec les associations, institutions, réseaux d’accueil, de recherche et de réflexion autour des migrations. Cette année, le public a, comme toujours, montré un vif intérêt pour les films documentaires, mais s’est aussi montré très présent aux conférences, discussions, lectures, écoute sonore et expositions. Lors de la soirée d’ouverture, La Halle était pleine, soit plus de 250 personnes pour écouter la lecture sensible d’extraits de Bibiche de Raozy Pellerin, voir le film La Vie devant elle de Manon Loizeau et écouter l’interview de cette journaliste et réalisatrice talentueuse et engagée.

De très nombreux acteurs de l’accueil sont venus : des personnes engagées dans Alda (Valence), Singa (Valence), Le Refuge de Briançon, Espoir (Dieulefit), Soulida (Grignan), le réseau national des Maisons Accueillantes, le Diaconat protestant de Valence, Voies Libres Drôme (Die), Buis Accueil Réfugiés, le Réseau femmes à l’abri 26, Éxilés et Crestois, Solidarloc, Val de Drôme Accueil Réfugiés, Migreurop, l’Ethnopôle migration de Valence (CPA), le collectif A4, Rosmerta d’ Avignon, La Cimade. Des personnes exilées vivant sur notre territoire nous ont également rejoints, dont des habitants de la Maison d’ Élisa à Vercheny qui ont cuisiné le repas du samedi.

Bien qu’il soit impossible d’évaluer le ratio de renouvellement du public, nous pouvons avancer que, sur les trois jours, quelque 500 personnes ont suivi l’événement, et assurer que les jeunes gens étaient plus nombreux cette année que les années précédentes.

Les retours du public montrent qu’il a apprécié le fait que les thèmes soient abordés avec différents médiums et que les intervenants invités aient tissé des liens entre leurs diverses pratiques.

Des acteurs de l’accueil solidaire se sont dits « inspirés », « portés » par la pensée du psychiatre Morgan Fahmi dont l’intervention aussi pédagogique que sensible (sous la forme d’une émission enregistrée par RadioLà) était ancrée dans le réel du soin des personnes précaires en PASS (Permanence d’accès en soin de santé), tout en distillant de nombreuses notions de psychiatrie. Les documents sur la prise en charge de la santé mentale des personnes exilées édités par l’Institut Orspere Samdarra que Morgan Fahmi avait apportés ont tous disparu en quelques minutes confirmant le besoin de documentation sur ces questions.

La conversation avec Stefan Le Courant, chercheur travaillant sur la vie des sans-papiers en France, a fait magnifiquement écho à la projection de Maîtres en enrichissant le film par le récit de nombreuses expériences de terrain. Son analyse d’anthropologue a renseigné de façon très précieuse les personnes engagées dans l’accompagnement si long et si complexe des exilés en situation irrégulière.

Les membres du groupe Maison Accueillante de Dieulefit ont fait un point d’étape sur l’avancement du projet d’accueil de notre association, désormais inscrit au programme Petite Ville de Demain Dieulefit. Julia Briland, toujours aussi concise et précise, a expliqué le projet de loi Asile et Immigration ainsi que le nouveau Pacte européen des migrations, sujets brûlants s’il en est.

Nous avons à nouveau cette année projeté un film pour les élèves du collège Ernest-Chalamel le vendredi après-midi. Quatre classes de 4ème, soit environ 80 élèves, accompagnés par leurs enseignants, ont pu regarder La Vie devant elle puis questionner Chloé Peytermann sur les enjeux du film. La protagoniste de ce récit – une adolescente afghane – a le même âge qu’eux. L’expérience, selon le vœu des enseignants, sera renouvelée l’année prochaine. L’une de ces classes de 4ème, accompagnée par son professeur d’Arts plastiques, a visité l’exposition Les Chants de l’asphodèle sous la conduite des photographes en personne qui ont expliqué l’objectif de leur travail : inscrire un récit historique, celui de l’île de Lesbos, dans une œuvre contemporaine.

Cette magnifique exposition a été le point culminant de l’édition 2023. Mathias Benguigui, Agathe Kalfas et leur monteur Hugo Weber, ont travaillé trois jours durant pour l’installer In situ dans cette maison vide de trois étages, prêtée pour l’occasion, où la sensation d’abandon et les peintures des murs ont redoublé les émotions que suscite leur entreprise littéraire et photographique. L’exposition a été vue par plus de 280 personnes, un grand nombre d’entre elles ont tenu à écouter la conférence où les deux artistes ont expliqué leur approche artistique et leur expérience de Lesbos, île-carrefour des migrations.

Une seconde exposition était proposée grâce à notre partenariat avec le collectif Migreurop, ce réseau euro-africain d’associations de défense des droits réunissant des militants et des chercheurs dont l’objectif est de dénoncer les conséquences des politiques migratoires pour les personnes en migration. Elle s’intitule Expériences migratoires, repose sur un énorme travail de cartographie, et est itinérante. 175 personnes sont descendues la voir dans le Lavoir, où nous avions aussi mis à disposition pour consultation la bibliothèque Passerelles.

Le dimanche après-midi, après le documentaire sonore sur Ya Rayah, la chanson de Rachid Taha, et la projection du film A black Jesus, nous nous sommes quittés, un peu plus savants et combatifs.

Les deux tiers des livres de la librairie volante ont trouvé acquéreurs, soit 130 ouvrages (dont des livres pour le jeune public, à l’initiative de la librairie Sauts et Gambades). Sans compter les nombreuses publications militantes, que présentait l’Info-kiosque de Voies Libres Drôme.

75 nouvelles adhésions Passerelles ont été récoltées ; plus de 100 lettres de soutien à la Maison Accueillante ont été signées.

Grâce aux Murs, des coopérations avec d’autres associations ont eu lieu ou se profilent, ainsi l’exposition de Migreurop est déjà partie vers un autre festival s’inspirant de notre programmation ; ainsi Passerelles a présenté cet été le film Flee, un film d’animation sur l’exil, lors de l’ouverture de Concertina.

Cette 7ème édition a créé une réelle émulation au sein de l’association et du village. Elle a mobilisé 70 bénévoles (montage, démontage, accueil, bar, repas, gardiennage des deux expositions), certains pour la première fois. Éclats, festival de la voix à Dieulefit nous a prêté du matériel et nous a aidés à monter le barnum.

Les moments de partage (repas, cafés, dégustation des desserts confectionnés anonymement par nos soutiens pâtissiers) ont été bavards et gais.

Cette édition des Murs ne servent à rien nous a réjouis, nous organisateurs qui profitons de ce bilan pour remercier les bénévoles, tous patients, souriants, chaleureux, ainsi que tous les intervenants qui nous ont fait partager leur savoir avec générosité.

Ces rencontres sont nécessaires, aussi continuerons-nous à les organiser de plus en plus ambitieusement pour défier ces temps difficiles et faire régner l’intelligence, la tolérance, la combativité, l’humanisme.