Bibliographie Passerelles
Sélection d’ouvrages proposée par Passerelles.
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#atlas & cartographie, #autobiographie, #colonialisme, #enquête, #politique migratoire, #sociologie, #condition féminine, #Syrie, #travail, etc
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Zeina ABIRACHED, Le Jeu des hirondelles, Points, 2017, #mot-clé, #mot-clé
En avril 2006, sur le site internet de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), je suis tombée sur un reportage tourné à Beyrouth en 1984. Les journalistes interrogeaient les habitants d’une rue située à proximité de la ligne de démarcation, qui coupait la ville en deux. Une femme, bloquée par les bombardements dans l’entrée de son appartement, a dit une phrase qui m’a bouleversée : « Vous savez, je pense qu’on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité, ici ». Cette femme, c’était ma grand-mère. Zeina Abirached est née à Beyrouth en 1981.
Sulaiman ADDONIA, Le Silence est ma langue natale, traduction de Laurent Bury, La Croisée, 2022
Exilé d’Érythrée dans les années 1970, passé par les camps de réfugiés soudanais et l’Arabie saoudite avant de rejoindre le Royaume-Uni, Sulaiman Addonia est l’un des grands noms de la l’écriture de l’exil anglo-saxonne. Il est aujourd’hui à la tête d’une formation d’écriture créative pour les réfugiés à Bruxelles et du festival Asmara-Addis en Exil, dédié aux récits d’exil.
Michel AGIER, Méditerranée : des frontières à la dérive, Babels, Editions Le passager clandestin, 2018
La sidérante odyssée de l’Aquarius en juin 2018 montre que les frontières européennes, à l’instar des embarcations de migrants, n’en finissent pas de dériver en Méditerranée. Elles passent des espaces continentaux sud-européens aux îles puis à la mer, évoluant même inexorablement vers les rives méditerranéennes du sud et de l’est (Libye, Turquie).
Résultat d’une entreprise de dissuasion colossale, cette dérive inquiétante des frontières paraît signer le naufrage
politique de l’Europe.
Michel AGIER, La peur des autres, Essai sur l’indésirabilité, Editions Rivage, 2022
Il n’y a pas de compromis possible avec ces politiques de la peur et de la haine des autres. Une autre description du monde, un autre horizon des possibles et d’autres imaginaires sont nécessaires pour redonner à chacun et chacune le sens et le courage de la vie commune.
La peur des autres – proches ou lointains – se transforme en repli sur soi, souvent en mépris, rejet. Plus encore, elle fonde des politiques. C’est ainsi que naît l’indésirable, image spectrale et effrayante de celle ou celui qui peut être chassé à la frontière, nationale ou urbaine, voire abandonné à la mort.
Karen AKOKA, L’asile et l’exil, Une histoire de la distinction réfugiés/migrants, Editions La Découverte, 2020
La distinction entre réfugiés politiques et migrants économiques s’est aujourd’hui imposée comme une évidence, tout comme la hiérarchie qui légitime l’accueil des réfugiés au détriment des migrants. Ce livre montre que ces définitions en disent plus long sur les États qui les appliquent que sur les individus qu’elles sont censées désigner. Car il n’existe pas de réfugié en soi que les institutions pourraient identifier pour peu qu’elles soient indépendantes ou en aient les moyens.
La catégorie de réfugié se reconfigure en réalité sans cesse, au fil du temps, au gré des changements de rapports de force et de priorités politiques. Plutôt que d’analyser les parcours des exilés pour déterminer s’il s’agit de réfugiés ou de migrants, cet ouvrage dissèque l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), depuis sa création en 1952. Il établit que la chute du taux de reconnaissance du statut de réfugié est moins liée à la transformation des profils des requérants, à l’obsolescence de la Convention de Genève ou à une perte d’indépendance de l’Ofpra qu’à un changement de subordination. Alors que, pendant la Guerre froide, l’assujettissement du droit d’asile aux politiques diplomatiques et le besoin de main-d’œuvre favorisaient un taux élevé d’accords, son instrumentalisation par les politiques migratoires, dans le contexte de la construction de l’immigration comme problème, entraîne un taux élevé de rejets. En s’intéressant aux acteurs du droit d’asile, à leurs profils et à leurs pratiques les plus quotidiennes, cette socio-histoire des politiques d’asile en France apporte une contribution nouvelle à l’analyse du pouvoir d’État en actes à l’égard des étrangers.
Nouri AL-JARRAH, Une barque pour Lesbos , Moires, 2016
Une barque pour Lesbos, poème épique et polyphonique, fait des Syriens les nouveaux Troyens où la poétesse grecque Sappho prend dans ses bras, dans son giron, sur son île, Lesbos, dont elle avait été exilée en Sicile, les enfants syriens qu’elle fait siens. À ce texte essentiel de la poésie arabe de notre temps, nous avons ajouté d’autres poèmes où Nouri Al-Jarrah réécrit quelques-uns des mythes grecs à la lumière desquels l’actualité brûlante est déchiffrée. Sans doute est-ce pour nous une façon de retrouver la lumière de la mer Méditerranée, mer aujourd’hui semblable à une grosse tache de sang.
Feurat ALANI, Je me souviens de Falloujah, Edition JC Lattès, 2023
Au début des années 1970, le jeune Rami décide de fuir la dictature de Saddam Hussein. Réfugié politique en France, c’est un homme taiseux et secret sur son passé. À la fin de sa vie, alors qu’il est hospitalisé, Rami est soudain atteint d’amnésie. Ses souvenirs semblent s’être arrêtés quelque part entre l’Irak et la France. « Je me souviens de Falloujah », dit-il pourtant à son fils, Euphrate, qui y voit l’occasion de découvrir enfin l’histoire de son père. Ensuite c’est le néant. Rami a oublié la seconde partie de sa vie : celle de l’exil. Euphrate va alors raconter à son tour ce qu’il en sait, avec l’espoir de percer certains secrets. Une quête qui le plongera dans les tumultes de sa propre odyssée familiale, de Paris à Falloujah. Un premier roman chavirant sur la mémoire retrouvée, un livre inoubliable sur l’identité et la transmission dans lequel père et fils renouent le fil rompu d’un dialogue aussi bouleversant que nécessaire.
Parwana AMIRI, Mes mots brisent vos frontières, Lettres au monde depuis Moria, Editions, La Guillotine, 2020
« Nous traversons des déserts de cailloux à moto, dans des pickups ou des camions remplis de tant d’autres comme nous. Nous parcourons des kilomètres à travers les montagnes et les rivières. Nous franchissons les clôtures et les mers. Nous nous retrouvons nez à nez avec la police, les soldats, les passeurs et les voleurs. Beaucoup d’entre nous sont enfants ou mineurs, beaucoup ont fui avec leur famille, leurs grand-mères et leurs grands-pères ou des parents malades. Nous sommes des personnes différentes avec des milliers d’histoires différentes. » \ Les «Lettres au monde depuis Moria» de Parwana Amiri sont le document d’une jeune femme qui a fui l’Afghanistan et a consigné ses expériences sous forme de lettres de blog depuis le camp grec de Moria.
Jean Paul ARVEILLER, Guide du bénévolat social, Editions Eres, 2017
Réalisé à partir de plusieurs années de pratiques partenariales et en se basant sur des mots-clés et des situations concrètes, ce guide vise à soutenir le bénévole social dans sa spécificité, et à l’aider dans sa réflexion et son action au quotidien avec des personnes en situation de fragilité. Pour être efficace et éviter les erreurs, le bénévole doit se former et réfléchir à ce qu’il fait : suivez le guide !
Jean-Paul Arveiller est psychologue clinicien dans le secteur 3 de psychiatrie générale de Paris et dans l’équipe
d’appui santé mentale et exclusion sociale de l’hôpital Sainte-Anne. Il est promoteur et animateur du réseau « Groupe santé mentale » à Paris.
Henriette ASSEO, Les Tsiganes, Une destinée européenne, Editions La Découverte Gallimard, 1994
À la fin du Moyen Âge, d’étranges voyageurs arrivent en Europe, faisant à rebours l’itinéraire des Croisades. D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Ils ne le savent pas eux-mêmes. On les appelle « Bohémiens » ou « Égyptiens ». D’emblée, le mystère de leurs origines fascine. Commence alors un temps de splendeur. Du XVIe au XVIIIe siècle, en Occident et en Orient, les Tsiganes sont serviteurs de la grande noblesse, maîtres dans l’art militaire comme dans l’art divinatoire, experts en chevaux et musiciens de cour. Au XIXe siècle, le vent tourne. Le mystère laisse place au soupçon, la fascination à la défiance : le déclin matériel, la crainte populaire et le harcèlement des gendarmes, bientôt relayés par une législation d’exclusion, en font des « romanichels ».
Henriette Asséo fait revivre la force d’une culture autre, prodigieusement riche, en plein cœur de l’Europe.
Aliyeh ATAEI, La Frontière des oubliés, traduit du persan par S. Nouri, Gallimard, 2023
Neuf récits composent La Frontière des oubliés et retracent le parcours de l’écrivaine, depuis sa fuite, enfant, de la frontière afghane pour se bâtir une vie à Téhéran. Dans chacune de ces vignettes de vie qui se font écho, elle brosse le portrait de ses compatriotes exilés, des « frontaliers », souvent des femmes, qui tous portent des traces de la guerre, des plaies profondes marquées par des balles invisibles. À chaque rencontre, elle s’interroge sur la violence, l’exil et l’identité. Et en s’imprégnant de son propre vécu, Aliyeh Ataei embrasse ici plus largement le sort de tous ceux qui ont hérité des « chromosomes-douleurs », se faisant l’écho de leurs voix si peu audibles. La Frontière des oubliés nous fait découvrir une nouvelle plume puissante venue d’Iran. De son style clair et tranchant, Aliyeh Ataei dévoile des vérités qui secouent, et bouleversent.
BABELS, La police des migrants. Filtrer, disperser, harceler, Editions du Passager clandestin, 2019
Dans la gestion des migrations, les forces de police sont toujours en première ligne ; elles sont les premières représentantes de l’Etat auxquelles les populations migrantes sont confrontées. Partout en Europe et à sa périphérie, ces dernières sont filtrées, dispersées, harcelées. Un tel déploiement de l’arsenal policier pour affronter des problématiques qui le dépassent ne peut qu’entraîner l’irruption de la violence contre les personnes migrantes.
Biographie de Babels
Le programme de recherche Babels est placé sous la direction scientifique de l’anthropologue Michel Agier, directeur d’études à l’EHESS et à l’IRD. Il réunit une quarantaine de chercheuses et de chercheurs répartis sur une quinzaine de sites en Europe et aux portes de l’Europe, et propose, à travers une ethnographie comparée des villes-frontières, des villes-refuges et des villes carrefours, de questionner l’actuelle “crise migratoire” sur notre continent.
BABELS, Entre accueil et rejet. Ce que les villes font aux migrants, Editions Le passager Clandestin, 2018
Ce livre permet de mieux comprendre la diversité et la complexité des formes de l’accueil des migrants sur notre continent. Il nous fait saisir comment cet enjeu refaçonne les liens sociaux, les valeurs et les émotions collectives, et interroge les définitions pratiques de la citoyenneté prise dans un jeu de frontières. Dans un contexte d’anxiété identitaire qui se manifeste par la fermeture des frontières, le confinement et les expulsions, ce livre montre que la ville peut constituer un pôle de résistance et de contournement, voire de renversement des décisions de l’État central.
Il est constitué d’enquêtes claires et approfondies menées dans plusieurs grandes villes européennes (Paris, Copenhague, Berlin, Barcelone, Istanbul…), et de témoignages d’acteurs concernés (migrants, militants, observateurs directs…).
Cet ouvrage a été coordonné par Véronique Bontemps, Chowra Makaremi et Sarah Mazouz.
Stéphane BEAUD, La France des Belhoumi. Portraits de famille (1977-2017), La Découverte, 2020
Pendant cinq ans, le sociologue a suivi une fratrie de huit enfants nés de parents immigrés algériens et ayant grandi en France entre 1977 et 2017, dont il retrace les itinéraires. Son récit, digne d’une série télévisée, ne verse pas dans l’eau de rose : il y est question de prison, de drogue, d’échec scolaire, de déchirements sur l’islam et de conflits de loyauté historique et de classe, mais aussi de la solidarité familiale et de l’appui des institutions scolaires et sociales. La famille Belhoumi (un nom d’emprunt) n’a aucune chance de « faire l’actualité » ni d’intéresser un ministre de l’Intérieur : les huit enfants d’immigrés ont tous un emploi durable, et leur qualité de citoyens français ne fait aucun doute. En creux, le livre raconte les impasses, les incompréhensions, et montre ce qui ne marche vraiment pas en matière d’éducation et de logement.
BARU, Bella Ciao, Futuropolis, tome 1, 2020
« Bella ciao », c’est un chant de révolte, devenu un hymne à la résistance dans le monde entier… En s’appropriant le titre de ce chant pour en faire celui de son récit, en mêlant saga familiale et fiction, réalité factuelle et historique, tragédie et comédie, Baru nous raconte une histoire populaire de l’immigration italienne. « Bella ciao », c’est pour lui une tentative de répondre à la question brûlante de notre temps : celle du prix que doit payer un étranger pour cesser de l’être, et devenir transparent dans la société française. L’étranger, ici, est italien. Mais peut-on douter de l’universalité de la question ? Teodoro Martini, le narrateur, reconstruit son histoire familiale, au gré des fluctuations de sa mémoire, en convoquant le souvenir de la trentaine de personnes qui se trouvaient, quarante ans plus tôt, au repas de sa communion. Le récit se développe comme la mémoire de Teodoro, tout en discontinuité chronologique.
Tome 2, 2021
Dans ce tome 2, Teo, le narrateur, poursuit le récit familial, que ses souvenirs en marabout d’ficelle restituent en autant d’histoires vives et hautes en couleur. Des histoires qui n’en forment qu’une, celle des ouvriers italiens et de leurs familles, immigrés en Lorraine.
Tome 3, 2022
Dans ce troisième et dernier tome, Teo, le narrateur, conclut le récit familial.
Anton BERABER, La grande idée, Editions Gallimard, 2018
Son nom parcourt le livre comme une incantation, et pourtant Saul Kaloyannis reste une énigme. Qui était-il, cet homme aux yeux emplis de ténèbres : un idéaliste, un traître, ou le dernier des héros ?
Dans les années 70, un étudiant part à la recherche de ce survivant d’une guerre perdue un demi-siècle auparavant.
Les témoins qu’il retrouve, tous des laissés-pour-compte de l’Histoire, se succèdent pour retracer le destin de Kaloyannis, son voyage sans retour des confins de l’Orient à la baie de New York.
En des temps où les régimes répriment l’extraordinaire, la légende galopante du contestataire embrase déserts, îles des Cyclades, forêts de sauges géantes, villes sous les vagues…
Ce roman d’aventures déployant un imaginaire infini est porté par une écriture magnifique, ample, visionnaire, qui dans son fleuve obstiné allie le trivial et le précieux, le réalisme et la poésie.
Abdennour BIBAR, Lettre ouverte au monde musulman, Editions Les Liens qui Libèrent, 2015
Face au djihâdisme meurtrier, les consciences du monde musulman se sont indignées : “pas en mon nom”, ont-elles crié pour refuser la confusion entre la barbarie de cet islamisme et la civilisation de l’Islam. Mais cette indignation est-elle suffisante ? Ne faut-il pas aussi que le monde musulman se remette en question ? Qu’il se demande pourquoi le monstre terroriste a choisi de lui voler son visage plutôt qu’un autre ? Est-ce réellement un hasard si la barbarie a surgi cette fois-ci dans l’histoire humaine du côté d’un Islam en proie à une crise profonde, ouverte depuis les Printemps arabes de 2011, et qui porte justement sur la place dans la société d’une religion que le djihâdisme voudrait totalitaire ? Il fallait oser cette interpellation critique du monde musulman, qui prend ici la forme d’une Lettre ouverte au monde musulman écrite avec l’esprit critique du philosophe et le cœur d’un musulman attristé de voir sa culture si mal en point.
Il fallait l’oser aussi à cause d’une urgence : celle d’une discussion sans concession entre l’Islam et l’Occident, qui lui non plus n’est pas très au clair à ce sujet, sur ce que nous voulons considérer comme sacré ? Les droits de l’homme ou les droits de Dieu ? La liberté d’expression ou la soumission à la loi de Dieu ? C’est devenu, au niveau mondial, un débat crucial. Pour l’heure, entre un Occident désenchanté et un Islam profondément divisé contre lui-même, rien ne suffit à créer sur le sujet un universel partagé… Et tout reste donc à faire !
Anne-Catherine BLANC, D’exil et de chair, Mutine, 2017
1938 : Mamadou Diamé, tirailleur sénégalais juste débarqué d’un transport de troupes, affronte le vent et le froid dans une France au bord de la tempête.
1939 : Soledad Juarez, paysanne espagnole, franchit les Pyrénées dans la neige, son fils dans les bras, puis échoue sur une plage, dans une enceinte de barbelés.
2012 : Sur une pirogue de haute mer, puis sur le plateau d’un camion, Issa Diamé, graphiste et graffeur, poursuit son rêve d’artiste de l’Atlantique au désert libyen. Trois êtres humains marqués dans leur chair, symboles d’un nouvel âge de l’errance, se suivent et s’entrecroisent sur les routes d’une planète d’exil.
Emmanuel BLANCHARD, Histoire de l’immigration algérienne en France, La Découverte, 2018
Les relations entre la France et l’Algérie sont souvent considérées comme « passionnelles » en raison, notamment, du poids des années de guerre (1954-1962). Or ce sont 130 ans de colonisation et près de deux siècles de migrations qui ont tissé de multiples liens : avec des départs de la France vers l’Algérie d’abord, avant que les traversées dans l’autre sens se multiplient à partir des années 1900. Aujourd’hui encore, les Algériens forment le principal groupe d’étrangers installé en France alors même que des générations de descendants d’immigrés ont acquis la nationalité française. Le droit de la nationalité, les politiques d’immigration, les imaginaires, mais aussi les sociabilités populaires ont largement été marqués par cette présence. La prise en compte d’une situation coloniale, puis postcoloniale, permet d’expliquer les discriminations structurelles et les luttes qu’elles ont engendrées. En laissant toute sa place à une histoire sociale ouverte à la diversité des pratiques (religieuses, culturelles, professionnelles, etc.) et des trajectoires, l’auteur restitue la diversité d’une immigration souvent réduite à quelques stéréotypes ou à sa seule histoire politique.
J.-J. BOLA, Nulle part où poser sa tête, traduit de l’anglais par Antoine Bargel, Mercure de France, 2022
Avant de devenir les protagonistes de Nulle part où poser sa tête, Papa, Mami, Jean et Marie ont pris forme dans Refuge, poème écrit en 2013. Son auteur, J.-J. Bola, y explorait la condition de réfugié. Celle-ci taraude l’écrivain, né à Kinshasa en 1986 et venu vivre à Londres avec sa famille au début des années 1990. Il faut plus qu’un poème pour l’épuiser. Désireux d’en écrire un second, J.-J. Bola s’y attelle en 2014 ou 2015 – il ne sait plus exactement. Il l’imagine dans la même veine, mais davantage centré sur l’histoire d’amour de Papa et Mami, qui se sont rencontrés dans la capitale de la République démocratique du Congo au cours des années 1970, avant de fuir la dictature de Mobutu pour Londres, vingt ans plus tard, et d’y élever leurs deux enfants. « Plus j’essayais de l’écrire, plus je réalisais que ça n’allait pas être un poème, mais un roman », explique l’auteur.
Behrouz BOOCHANI, Témoignage d’une île-prison. De l’exil aux prix littéraires, Editions Hugo Doc, 2019
Journaliste, cinéaste et poète, Behrouz Boochani a fui l’Iran pour s’exprimer librement et échapper à la prison dont il était menacé en raison de son engagement politique en faveur de la cause kurde. Mais en 2013, le bateau qui devait le conduire en Australie a été intercepté par les autorités. Behrouz Boochani est depuis détenu sur l’île de Manus, un goulag à ciel ouvert au nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Sous la forme de milliers de SMS envoyés à un ami traducteur, Behrouz Boochani a documenté la vie dans ce camp monstrueux, les multiples violations des droits humains, les conditions de vie déplorables, l’incompréhension et le désespoir des prisonniers innocents.
Comme tant d’autres sans-papiers il a été dépouillé de son identité, de son humanité et de son individualité. Behrouz Boochani a réussi à faire entendre dans une oeuvre magistrale la révolte silencieuse des migrants injustement traités à travers le monde. Ceux qui, comme le peuple kurde, n’ont plus que la montagne pour alliée.
Ce texte, traduit du farsi par Omid Tofighian, a remporté de nombreux prix littéraires en Australie, dont le Victorian Prize for Literature ainsi que le National Biography Award.
Angie et Nicole BORELLI, Le FLE au quotidien. Dialogues de la vie courante, Editions Ellipses, 2011
Vous apprenez le français depuis au moins un an et les mots de tous les jours vous manquent souvent pour pouvoir vous exprimer au quotidien dans vos démarches, chez les commerçants, à l’école… ? Cet ouvrage est pour vous !
Représentatifs du quotidien de nombreux Français (à différents moments de la journée : à la maison, en ville, à l’école, en vacances…), les 100 dialogues à lire dans ce volume et à écouter vous permettront à la fois de vous familiariser avec le vocabulaire français courant et d’améliorer votre expression à l’écrit comme à l’oral.
Bonus : • 100 fichiers audio à télécharger gratuitement sur le site des éditions Ellipses (www.editions-ellipses.fr)
• corrigé des questions et des missions
Nejma Brahim, 2 € de l’heure, La face cachée de l’« intégration » à la française, Le Seuil, 2024.
Imam Hassen CHALGHOUM, 100 idées reçues sur l’Islam, Editions Le Cherche-Midi, 2015
« Celui qui tue un homme, tue toute l’humanité toute entière »
[verset du Coran]
Jihad, fatwa, frères musulmans, islamistes, salafistes… Des mots qui circulent partout, inondent l’actualité. On se perd dans ce vocabulaire, tant utilisé par Daech, Aqmi et les médias, que sur Internet, cette belle avancée de notre siècle qui est aussi source de dérives. N’importe qui s’octroie le droit d’interpréter la langue sacrée d’Allah, donnant de fausses définitions et des explications douteuses, dangereuses. Des sites en profitent et « hypnotisent » certains de nos enfants jusqu’à leur arrivée fatale en Syrie.
Depuis les attentats de Charlie Hebdo, nous portons tous le deuil. J’ai pris position contre ces crimes qui menacent nos sociétés, nos libertés et nos vies. Le terrorisme a pris l’islam et la communauté musulmane en otage, affirmant agir au nom d’Allah, s’appropriant les paroles saintes du Coran, les détournant de leur sens originel.
Ce livre rétablit la vérité. Il y a urgence. Si les intégristes tuent en son nom, rappelons que l’islam prône paix, tolérance et respect. Nous, Français musulmans, déclarons au monde ce que le Coran a révélé au prophète Muhammed voilà quatorze siècles : « Si tu n’es pas mon frère dans la religion, tu es mon frère dans l’humanité. »
H. C.
Mehdi CHAREF, Rue des Pâquerettes, Pocket, 2020
1962. Un hiver terrible enserre les bidonvilles de Nanterre. La Seine est gelée. C’est donc cela la France, cette terre d’accueil dont son père lui a tant parlé ? Le froid partout, les regards en biais, les chantiers pour horizon, l’usine, au mieux ? À l’école des Pâquerettes, on doute qu’un petit Algérien de 10 ans, tout juste déraciné, puisse rattraper son retard et rêver mieux. C’est compter sans les livres, le cinéma du quartier et le pouvoir des mots.
Mehdi CHAREF, Vivants, Hors d’atteinte, 2020
Vivants est le sixième roman de Mehdi Charef, qui a notamment publié Le Thé au haremd’Archi Ahmed et réalisé onze films. Entre souvenirs d’une Algérie qui s’éloigne et expériences d’une France pas toujours accueillante, dans une cité de transit où le provisoire s’éternise, des enfants, des femmes et des hommes fêtent des naissances et des mariages, s’équipent en télévisions et en machines à laver, découvrent la contraception et les ambulances, rient, pleurent, s’organisent, s’entraident… et vivent. Né en Algérie en 1952, romancier, scénariste et cinéaste, Mehdi Charef est arrivé en France en 1962.
Mehdi CHAREF, La Cité de mon père. Hors d’atteinte, 2023
« Dans le hall d’entrée, mon père s’arrête face aux boîtes aux lettres. Il y en a trente-deux. Il les fixe, cherche notre nom. Soudain ému, il avance d’un pas et tend un doigt vers l’étiquette blanche où est écrit ‘Charef’. Je ne dis rien. Mon père voit son nom à la hauteur de ses yeux et déjà, il n’en revient pas. L’exil qu’il nous a fait subir, les bidonvilles, la sordide cité de transit, il sait qu’on en a souffert. Mais il a réussi, mon papa. Maintenant il respire, et nous aussi. » Années 1970. À l’usine où le fils travaille pour compléter la paie du père, au HLM où toute la famille est enfin installée, s’ajoutent les cheveux longs, les bottes à talons, les virées en boîte, Jimi Hendrix et Janis Joplin. Dans cette cité mille fois rêvée, enfin habitée, souffle un nouveau vent de liberté. La Cité de mon père est le septième roman de Mehdi Charef.
Collectif (directeurs Stefan Le Courant et Michel Agier), Babels, enquête sur la condition migrante, Points, 2022
À partir de 2015, une quarantaine de chercheuses et chercheurs en sciences sociales se sont mobilisés pour comprendre la « crise migratoire » en France, en Europe et en Méditerranée. De Lesbos à Calais, de Beyrouth à Berlin, de Lampedusa à Paris, ils ont suivi les parcours des exilés poussés sur les routes par les troubles politiques, sociaux, environnementaux. Les relations qui lient ces migrants aux États, aux villes et aux sociétés d’accueil font naître les Babels de demain.
Pour le débat public et au-delà, ce livre offre une nouvelle compréhension de la condition migrante contemporaine.
Collectif (Mustapha El Miri, Delphine Mercier et Kamel Doraï), Comment l’Europe a sous-traité « l’encampement » des réfugiés syriens au Moyen-Orient, Le Bord de l’eau, 2023
Réunissant deux sociologues, Mustapha El Miri et Delphine Mercier, et un géographe, Kamel Doraï, spécialistes des questions migratoires en lien avec les marchés du travail et l’habitat, ce livre se concentre sur la situation de ces millions d’exilés syriens, réfugiés en Jordanie et au Liban depuis 2011, devenus une « monnaie d’échange » dans le « jeu géopolitique euro-méditerranéen ».
Collectif (Véronique Bontemps, Chowra Makaremi et Sarah Mazouz), Entre accueil et rejet, ce que les villes font aux migrants, Le Passager clandestin, « Babels », 2018
Ce livre permet de mieux comprendre la diversité et la complexité des formes de l’accueil des migrants sur notre continent. Il nous fait saisir comment cet enjeu refaçonne les liens sociaux, les valeurs et les émotions collectives, et interroge les définitions pratiques de la citoyenneté prise dans un jeu de frontières. Dans un contexte d’anxiété identitaire qui se manifeste par la fermeture des frontières, le confinement et les expulsions, ce livre montre que la ville peut constituer un pôle de résistance et de contournement, voire de renversement des décisions de l’État central. Il est constitué d’enquêtes claires et approfondies menées dans plusieurs grandes villes européennes (Paris, Copenhague, Berlin, Barcelone, Istanbul…), et de témoignages d’acteurs concernés (migrants, militants, observateurs directs…).
« Babels » : Le programme de recherche Babels est placé sous la direction scientifique de l’anthropologue Michel Agier, directeur d’études à l’EHESS et à l’IRD. Il réunit une quarantaine de chercheuses et de chercheurs répartis sur une quinzaine de sites en Europe et aux portes de l’Europe, et propose, à travers une ethnographie comparée des villes-frontières, des villes-refuges et des villes carrefours, de questionner l’actuelle « crise migratoire » sur notre continent.
COLLECTIF, Laurence Campa (dir.), Mémoires de nos mères. Des femmes en exil. Textuel, 2022
Un beau livre anthologique, un livre d’art à la riche iconographie, conçu et dirigé par Laurence Campa. Assistée de filles ou petites-filles mémorieuses – Denitza Bantcheva, Amanda Devi, Hélène Frappat, Sorour Kasmaï, Leïla Sebbar, Véronique Tadjo, Jeanne Truong et Laura Ulonati –, elle explore la mémoire des mères ou grands-mères en parcourant de vastes territoires d’ancrage et d’exil.
COLLECTIF, « Paroles, expériences et migrations », Le parcours du combattant, Edition Les Presses de Rhizome, 2022
« Le parcours du combattant », ce sont les termes employés par Omar, résidant en France depuis plusieurs années, pour décrire son expérience de la demande d’asile. Ils synthétisent le vécu des personnes en situation de migration, dans un contexte parfois identifié comme hostile.
Comment les personnes qui arrivent sur le territoire français parviennent-elles à surmonter les difficultés ? Par ailleurs, dans ce contexte éprouvant, quelles ressources et quels soutiens sont mobilisés pour « faire face » ?
Collectif, La Police des migrants, filtrer, disperser, harceler, Editions du Passager clandestin, « Babels », 2019
Dans la gestion des migrations, les forces de police sont toujours en première ligne ; elles sont les premières représentantes de l’Etat auxquelles les populations migrantes sont confrontées. Partout en Europe et à sa périphérie, ces dernières sont filtrées, dispersées, harcelées. Un tel déploiement de l’arsenal policier pour affronter des problématiques qui le dépassent ne peut qu’entraîner l’irruption de la violence contre les personnes migrantes.
« Babels » : Le programme de recherche Babels est placé sous la direction scientifique de l’anthropologue Michel Agier, directeur d’études à l’EHESS et à l’IRD. Il réunit une quarantaine de chercheuses et de chercheurs répartis sur une quinzaine de sites en Europe et aux portes de l’Europe, et propose, à travers une ethnographie comparée des villes-frontières, des villes-refuges et des villes carrefours, de questionner l’actuelle « crise migratoire » sur notre continent.
COLLECTIF, (dont Catherine Wilthold de Wenden), Un squat sur un plateau (Lyon), Ginkgo éditeur, 2022
Un ouvrage témoignage sur le squat Maurice-Scève, un ancien collège désaffecté construit sur l’emblématique plateau de la Croix-Rousse à Lyon (à l’emplacement de la maison natale de l’abbé Pierre !). Ce squat, ouvert par un collectif à l’automne 2018 pour mettre à l’abri des mineurs isolés à la rue, était prévu pour accueillir une cinquantaine de réfugiés. Au plus fort, ils seront 450 à l’été 2020 ! Outre les questions de gestion quotidienne (remise en état des locaux, approvisionnement, cuisine, suivi sanitaire, accompagnement administratif…), le livre aborde les rapports avec la Métropole de Lyon – de l’opposition franche durant l’« ère Collomb » à un dialogue tendu mais constructif avec ses successeurs ; la gestion remarquable du confinement du printemps 2020 et les nombreux débats qui animèrent les lieux.Le plus important, peut-être, fut la mise en place d’un fonctionnement autogestionnaire par ses habitants, avec des référents, tentant de rendre vivable un lieu à vocation transitoire, et peuplé de personnes d’origines et de cultures contrastées. De nombreux témoignages d’habitants du squat, de soutiens citoyens, d’habitants du quartier, ainsi que des documents illustrent les différents chapitres.
COLLECTIF – Zemmour contre l’histoire – 02/2022 – Editions Tracts Gallimard
« Faire mentir le passé pour mieux faire haïr au présent… et ainsi inventer un futur détestable. » Éric Zemmour aime à se faire passer pour un intellectuel et l’histoire occupe une place à part dans la construction de sa figure publique. Conscient de la force de frappe idéologique de l’histoire et de son attrait auprès du public, il se targue d’un savoir sur le passé qui lui donnerait une compréhension intime et profonde des dynamiques à l’œuvre aujourd’hui. Mais Éric Zemmour ne fait que déformer l’histoire pour la mettre au service de ses visions idéologiques. Aux travaux des historiennes et historiens, il prétend opposer un « roman national » idéalisant les gloires passées de la nation. De la première croisade à l’assassinat de Maurice Audin, de Clovis aux mutinés de 1917, de saint Louis au maréchal Pétain, cette histoire déborde d’erreurs, d’interprétations tendancieuses, voire de mensonges grossiers. Ignorant les sources et méprisant la recherche savante, le polémiste asservit l’histoire au profit d’un discours agressif, raciste et complotiste. Face à cette offensive, un collectif d’historiennes et d’historiens a décidé de répondre en corrigeant, point par point, les plus flagrantes et les plus dangereuses erreurs historiques d’Éric Zemmour.
Textes écrits par un collectif d’historiennes et d’historiens rassemblant : Alya Aglan – Florian Besson – Jean-Luc Chappey – Vincent Denis – Jérémie Foa – Claude Gauvard – Laurent Joly – Guillaume Lancereau – Mathilde Larrère – André Loez – Gérard Noiriel – Nicolas Offenstadt – Philippe Oriol – Catherine Rideau-Kikuchi – Virginie Sansico – Sylvie Bénault.
Jean-François CORTY, La France qui accueille, Editions de l’atelier, 2018
Un tour de France des expériences réelles d’accueil de réfugiés et de migrants qui ont lieu aujourd’hui en France. Une dizaine de récits d’expérience donne la possibilité de mettre un pied dans le réel. En racontant l’accueil, ce livre sort du simple débat d’idées du pour ou contre.
En partenariat avec Emmaüs France, Emmaüs Solidarité, Fonds de dotation agnès b., Médecins du Monde, Secours Catholique.
Marie COSNAY, Comètes et perdrix, Editions de l’Ogre, 2021
Comètes et Perdrix est l’histoire incroyable de deux enfants juifs, Robert et Gérald Finaly, dont les parents ont été déportés et exterminés par les nazis. À la Libération, la tante des deux orphelins, installée en Israël, réclame ses neveux auprès d’Antoinette Brun à qui ils avaient été confiés. Celle-ci refuse de les rendre, plaidant qu’elle les a sauvés, élevés et baptisés. L’affaire est alors portée en justice. Pendant huit ans, de 1945 à 1953, l’affaire Finaly va diviser l’opinion et la presse internationale tout entière, partager le monde intellectuel et judiciaire, provoquer une véritable crise diplomatique qui opposera juifs et catholiques, cléricaux et laïcs, impliquer Franco, le dictateur espagnol, compromettre l’Église de France et le Vatican. C’est un fait divers devenu affaire d’État, qui révèle un autre antisémitisme, celui qui voudrait protéger des enfants juifs de leur propre religion, et qui pose la question intemporelle de l’accueil. Que fait-on quand on accueille ? Que protège-on quand on cache deux enfants juifs en 1953 ?
L’entreprise, à la fois historique et littéraire, qui marque l’œuvre de Marie Cosnay, n’est pas de raconter de manière linéaire et chronologique des faits qui ont conduit à une situation donnée mais plutôt d’explorer les mécanismes intimes, historiques et politiques qui y ont conduit. À l’origine de ce livre il y a donc ce désir d’enquête, mais aussi un territoire, le Pays basque, les Pyrénées, ses cols et ses frontières. Marie est landaise, vit à Bayonne, et connaît parfaitement les lieux dont il est question. Et surtout, depuis de nombreuses années, Marie participe et organise l’accueil d’exilés qui passe les cols du Pays basque. Elle tire de son expérience une sensibilité et une acuité rares face à ces questions qui sont au cœur de son travail d’écriture.
Marie COSNAY et Mathieu POTTE BONNEVILLE, Voir venir. Ecrire l’hospitalité, Editions Stock, 2019
« La question des frontières et de l’exil est la question cardinale de notre temps.» M. Potte-Bonneville « Il y a comme une addiction de l’accueil. Tu commences, tu ne peux plus arrêter. Parce que c’est immense, ce qu’il y a à faire. Parce que c’est une des conditions de l’hospitalité, l’inconditionnalité, l’immensité, l’illimité. » M. Cosnay
Cette correspondance entre deux auteurs impliqués à titre personnel depuis plusieurs années dans l’accueil de migrants chez eux (à Paris et à Bayonne) est habitée par le pressentiment que nous sommes en train de vivre une catastrophe :
celle d’une Europe « devenue criminelle », déployant une politique aussi absurde que cruelle en matière d’immigration, et laissant mourir des milliers de personnes dans l’indifférence quotidienne.
Une politique hostile qui semble en contradiction avec les élans de celles et ceux qui, un peu partout, accueillent les personnes exilées sans conditionner leur hospitalité, et finissent par former des réseaux de liens et d’entraide. Une résistance dont il s’agirait aujourd’hui de faire entendre la voix.
S’il alterne développements philosophiques et discussions politiques avec des passages poétiques et lyriques, ce texte est profondément ancré dans le réel. Les auteurs évoquent le parcours du combattant et les situations administratives kafkaïennes des nouveaux arrivants, mais également les aspects très concrets et pratiques de l’accueil de tous les jours.
Y abondent récits, épisodes et anecdotes permettant d’entrevoir le quotidien (les difficultés, les découragements, mais aussi les joies) des accueillants et des accueillis.*La décolonisation faite, cet essai de compréhension du rapport Noir-Blanc a gardé toute sa valeur prophétique : car le racisme, malgré les horreurs dont il a affligé le monde, reste un problème d’avenir.
Il est ici abordé et combattu de front, avec toutes les ressources des sciences de l’homme et avec la passion de celui qui allait devenir un maître à penser pour beaucoup d’intellectuels du tiers monde.
Armando COTE, Jacky ROPTIN, Rêves et Cauchemars des personnes exilées, ERES, 2022
« Malheur à celui qui rêve, le réveil est la pire des souffrances », disait Primo Levi, tandis que Imre Kertész affirmait, « Tant que l’homme rêve – qu’il s’agisse de cauchemars ou de beaux rêves –, il y a littérature. La véritable crise, c’est l’oubli parfait, la nuit sans rêve ». Pour les cliniciens, les cauchemars et les rêves sont des manifestations de l’inconscient, voire d’un désir. Chez les personnes exilées, ils accompagnent une tentative toujours avortée d’oublier les mauvaises rencontres avec le réel. Ce que le contexte actuel nous rappelle, c’est que l’histoire est un « cauchemar dont on essaie toujours de se réveiller », selon les mots de Lacan dans sa lecture de Joyce. L’équipe pluridisciplinaire du Centre Primo Levi ainsi que des médecins, psychologues et chercheurs en sciences humaines proposent une réflexion sur cette « longue nuit » qui traverse toute expérience de soin ou d’accompagnement des personnes exilées, victimes de la torture et de la violence politique.
Delphine COULIN, Samba pour la France, Points, 2014
« Cours, Samba, cours ! Ainsi parlait l’oncle Lamouna au village quand ils jouaient au cerf-volant. Samba n’est plus au Mali, il est à Paris. Il aime la France, il s’est battu pour y entrer et a travaillé dur. La France ne veut plus de lui : sans carte de séjour, il ne peut pas rester. Cours, Samba, pour échapper aux policiers, à la misère, à l’amertume… Si tu veux survivre, cours, Samba, cours ! »
Ljubisa DANILOVIC, Georgia, une histoire des migrations, Lamaindonne, 2022
Georgia, c’est le nom du bateau dans lequel embarqua en 1906 un certain Ljubisa Danilovic, jeune Monténégrin rêvant d’un ailleurs plein de promesses. C’est à Butte, ville minière des Etats- unis, dans le Montana, qu’il débarqua finalement, comme nombre de Monténégrins ou d’Italiens à l’époque. De cet homonyme dont il ne sait rien, à part la mention de son nom sur un document d’époque listant les passagers du Georgia, Ljubisa Danilovic imagine en 2021 le trajet qui le mènera de son Monténégro natal aux États-Unis, refaisant ainsi un voyage en tous points comparable à ceux que doivent aujourd’hui entreprendre des milliers de migrants à travers le monde. En mêlant dans cet ouvrage des photographies de Butte, d’un Monténégro n’offrant pas d’horizon aux jeunes adultes rêvant d’ailleurs, d’un Monténégro nostalgique de son enfance, des migrants rencontrés à Paris, Calais ou Sarajevo, et d’autres ayant passé leur vie loin de leur pays de naissance, Ljubisa Danilovic parle d’une même voix de la petite histoire mais bien sûr aussi de la Grande Histoire.
Ivy DAURE et Odile REVEYRAND-COULON, Le migrant et sa famille, Défits interculturels en psychologie clinique, Editions ESF, 2019
Comment parler de nos différences sans discriminer autrui ? Comment évoquer notre universalité sans nier nos différences ? Comment construire son identité au sein d’une double appartenance ? Quel accompagnement
pour les couples mixtes ? Qu’impliquent les contacts de culture sur notre économie psychique et relationnelle ?
S’appuyant sur de nombreuses recherches et leur expérience thérapeutique, les auteures proposent ici une réflexion théorique et clinique essentielle à tous les professionnels concernés par les questions liées aux trajectoires migratoires. Elles actionnent les leviers thérapeutiques qui transforment des vécus traumatiques – coupures, deuils, accueils possiblement douloureux et synonymes de désillusion – en ressources constructives et évolutives.
Ivy Daure et Odile Reveyrand-Coulon démontrent la complémentarité des approches inter et transculturellesen redéfinissant leurs contours et en offrant une lecture renouvelée des phénomènes migratoires au sein des familles. Elles offrent de nombreux exemples cliniques abordant les questions d’intégration, d’appartenance, des retours ou encore des héritages.
‘’Le migrant et sa famille ‘’
… ‘’ Toutefois, tout en nous y référant, nous devons nous méfier d’essentialiser le sujet
migrant en l’assignant à sa culture première. Certes, l’attention portée à la culture ini-
tiale peut éventuellement servir à comprendre une tendance, un propos, une croyance.
Fondamentalement, il nous faut être à l’écoute de la place et du sens que le sujet,
lui-même, accorde à « sa » culture. Comme l’écrit A. Konitcheckis (1998) : « Il est
important de se demander non pas seulement quelle langue cette personne parle mais
surtout quelle langue lui parle. »
Qui plus est, dans la rencontre interculturelle, pour le praticien, il est indispensable
de déployer sa capacité à « se décentrer ». Cette posture me semble capitale. « Se
décentrer », c’est faire un pas de côté, quitter momentanément sa base de sustentation subjective et culturelle. C’est par là admettre la complexité de l’objet et se défendre des jugements de valeurs, faire effort pour dépasser ses archétypes, afin de ne pas réduire l’autre à ses évidences, modèles et normalités. ‘’
Cet ouvrage nous invite à repenser les défis migratoires auxquels la société est confrontée et notamment les évolutions identitaires et relationnelles qu’ils impliquent.
Vincent DELECROIX, Naufrage, Gallimard, 2023.
« On aurait voulu que je dise, je le sais bien, on aurait voulu que je dise : Tu ne mourras pas, je te sauverai. Et ce n’était pas parce que je l’aurais sauvé en effet, pas parce que j’aurais fait mon métier et que j’aurais fait ce qu’il fallait : envoyer les secours. Pas parce que j’aurais fait ce qu’on doit faire. On aurait voulu que je le dise, au moins le dire, seulement le dire.
Mais moi j’ai dit : Tu ne seras pas sauvé. »
En novembre 2021, le naufrage d’un bateau de migrants dans la Manche a causé la mort de vingt-sept personnes. Malgré leurs nombreux appels à l’aide, le centre de surveillance n’a pas envoyé les secours. Inspiré de ce fait réel, le roman de Vincent Delecroix, œuvre de pure fiction, pose la question du mal et celle de la responsabilité collective, en imaginant le portrait d’une opératrice du centre qui, elle aussi, aura peut-être fait naufrage cette nuit-là. Personne ne sera sauvé, et pourtant la littérature permet de donner un visage et une chair à toutes les figures de l’humanité.
C’est une œuvre de « pure fiction », qu’il ne faut lire qu’après avoir écouté la courte interview que Vincent Delecroix a donnée à France Inter le 16 août 2023. Ecouter l’interview….
Jean-Paul DEMOULE, Homo Migrans, de la sortie d’Afrique au grand confinement, Payot, « Histoire », 2022
Au commencement, les Homo erectus décidèrent d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte et sortirent d’Afrique il y a environ deux millions d’années. Puis, les Homo sapiens firent de même, inventèrent l’agriculture, essaimèrent à peu près partout et peuplèrent la planète. De plus en plus nombreux, ils bâtirent des empires, par définition multi-ethniques et en perpétuelle extension, entraînant à l’ère de la mondialisation toujours plus de conquêtes, de répressions, de déportations, d’exils et de brassages de populations.
Daniel DERIVOIS, Clinique de la mondialité, Editions DeBoeck Supérieur, 2017
Cet ouvrage propose des réflexions sur la difficulté mais surtout la possibilité d’être et de vivre ensemble avec soi-même et avec les autres. La clinique de la mondialité pense la place de l’individu singulier dans cet environnement-monde et l’inscription du mondial/global au sein de cet individu.
Le vivre ensemble avec les autres se construit à partir du vivre ensemble avec soi-même. Face aux mutations identitaires dans un monde globalisé qui traverse les postures citoyennes et professionnelles, un changement d’échelle d’observation, d’analyse et d’intervention est proposé à partir d’une clinique de la mondialité. La clinique de la mondialité est une posture dynamique transdisciplinaire dans laquelle le clinicien – ou n’importe quel professionnel de la relation humaine – se préoccupe de penser le sujet singulier dans le monde et en même temps de repérer et de prendre en compte ce qui relève du mondial dans les moindres expressions (comportement, geste, parole, symptôme, etc.) de ce sujet singulier. Elle vise principalement à amener le « sujet », le « patient », le « citoyen » à se penser dans le monde en même temps qu’il se pense dans le pays où il vit, dans ses groupes d’appartenance (familles, institutions, etc.), dans la relation interpersonnelle et dans son intimité psychique propre.
Car le lit de la clinique a changé. Désormais, c’est au pied du monde voire au bord d’un monde qui s’effondre, un monde qui espère et se réorganise aussi, que le patient attend le clinicien. Être clinicien dans un monde globalisé représente alors un défi épistémologique, géopolitique et éthique. Il convient de penser la place de l’individu singulier dans l’environnement-monde et l’inscription du mondial/global au sein de cet individu, notamment en interrogeant l’influence du monde sur notre psyché individuelle, l’héritage de nos histoires collectives et personnelles ainsi que de nos outils de pensée.
Ce livre s’adresse aux cliniciens et aux politiques, aux patients et aux citoyens du monde, ainsi qu’aux étudiants, universitaires et professionnels des milieux socio-judiciaires, éducatifs et sanitaires impliqués dans le travail du vivre ensemble dans nos sociétés plurielles.
Daniel DERIVOIS, Voyager avec les Mineurs non accompagnés. Repères pour une pratique décentrée en Protection de l’enfance, Editions Chronique Sociale, 2021
Tout aurait commencé à bord du Navire… au moment où la planète migratoire a essaimé des êtres humains par-delà des terres et des mers, pour le meilleur et pour le pire.
Le pire est-il devant ou derrière nous ? Telle est la question en suspens chez les Mineurs non accompagnés qui nous invitent à nous remettre en question. Ces adolescents et jeunes du monde nous renseignent non seulement sur la complexité de leurs trajectoires mais aussi sur l’histoire et le fonctionnement psychique de notre monde, de nos sociétés et de nos institutions. Ils nous invitent à nous décentrer de nos oeillères idéologiques, de nos pratiques cliniques et éducatives habituelles pour saisir la dimension citoyenne, humaine à l’oeuvre dans la clinique de la mondialité.
La Protection de l’enfance est comme un grand Navire où sont transportés et accompagnés des enfants, des adolescents et des familles fragilisés pendant la traversée de certains moments de leur vie. À l’image de ces jeunes Mineurs non accompagnés qui ont affronté vents et marées pendant leur traversée, murs et barbelés pendant leur périple, épuisement et espoir pendant leur trajectoire, les équipes éducatives s’efforcent de développer des stratégies pour tenir et s’entretenir entre demande affective de la part de ces jeunes, exigence des cadres éducatifs et logiques financières répressives de certaines instances politiques.
Chaque acte professionnel devient ainsi l’occasion d’un voyage risqué, inorganisé, imprévisible où le meilleur est toujours possible.
Jacques DERRIDA, Anne DUFOURMANTELLE invite Jacques Derrida à répondre, De l’hospitalité, Calmann-Lévy, 1997
Anne Dufourmantelle assiste au séminaire de Jacques Derrida. Il y traite de l’hospitalité, mais aussi de l’hostilité, de l’autre et de l’étrange. Sensible à l’actualité des thèmes, à la force et à la limpidité du langage, Anne Dufourmantelle invite le philosophe à lui confier deux séances datées. On pourra suivre ainsi le rythme insolite, tour à tour patient ou précipité, d’un enseignement gardé intact. Sont médités, comme en aparté, de page en page, des griefs, des plaintes et des souffrances de notre temps. Le séminaire leur donne quelques noms : Antigone en 1996 ou le deuil impossible, Œdipe à Colone et les « télétechnologies », E-mail ou Internet, le procès de Socrate et les funérailles de Mitterrand à la télévision, la guerre et le marché des langues, les butées de la citoyenneté, la machine policière, l’interruption du chant, l’interception de la parole.
Jacques DERRIDA, Anne DUFOURMANTELLE invite Jacques Derrida à répondre, De l’hospitalité, Calmann-Lévy, 1997
Anne Dufourmantelle assiste au séminaire de Jacques Derrida. Il y traite de l’hospitalité, mais aussi de l’hostilité, de l’autre et de l’étrange. Sensible à l’actualité des thèmes, à la force et à la limpidité du langage, Anne Dufourmantelle invite le philosophe à lui confier deux séances datées. On pourra suivre ainsi le rythme insolite, tour à tour patient ou précipité, d’un enseignement gardé intact. Sont médités, comme en aparté, de page en page, des griefs, des plaintes et des souffrances de notre temps. Le séminaire leur donne quelques noms : Antigone en 1996 ou le deuil impossible, Œdipe à Colone et les « télétechnologies », E-mail ou Internet, le procès de Socrate et les funérailles de Mitterrand à la télévision, la guerre et le marché des langues, les butées de la citoyenneté, la machine policière, l’interruption du chant, l’interception de la parole.
Altair DESPRES, Zanzibar, Julliard, 2023
Sur la carte, Zanzibar ne ressemblait à rien. Un bout de terre à peine visible, parasite traînant au large des côtes d’une Afrique colossale. C’est pourtant pour cette île qu’elle avait décidé de tout lâcher. Elle allait se tirer au soleil, se construire une carrière digne de ce nom.Là-bas, son corps aussi prendrait sa revanche. Ce roman raconte une île tropicale d’une beauté franche et sale, théâtre de rencontres exaltées entre des jeunes Européennes qui ont tout plaqué pour tenter leur chance loin de chez elles et des beach boys ambitieux, décidés à saisir les opportunités laissées par un tourisme écrasant. Il nous parle, sans détours, de ces têtes brûlées d’aujourd’hui, de leur désir forcené de réussir.
Georges DIDI-HUBERMAN et Niki GIANNARI, Passer quoiqu’il en coûte, Minuit, 2017
« Apatrides, sans-foyer. Ils sont là. Et ils nous accueillent Généreusement dans leur regard fugitif, nous, les oublieux, les aveugles. Ils passent et ils nous pensent. » (Niki Giannari) « Passer. Passer quoi qu’il en coûte. Plutôt crever que ne pas passer. Passer pour ne pas mourir dans ce territoire maudit et dans sa guerre civile. Avoir fui, avoir tout perdu. Passer pour tenter de vivre ici où la guerre est moins cruelle. Passer pour vivre comme sujets du droit, comme simples citoyens. Peu importe le pays, pourvu que ce soit un Etat de droit. Passer, donc, pour cesser d’être hors de la loi commune. Dans tous les cas : passer pour vivre. Mais là où vous avez fui les murs clos des caves bombardées, vous avez trouvé une frontière close et des barbelés au camp d’Idomeni. » (Georges Didi-Huberman)
Sophie DJIGO, Les Migrants de Calais, enquête sur la vie en transit, Agone, 2016
« Calais » est le nom d’une absurdité, produit de la cacophonie des politiques internationales d’immigration : ni le gouvernement français, ni la municipalité ne veulent que s’installent ces hommes et ces femmes qui, coincés dans les « jungles », ne cherchent qu’à poursuivre leur chemin vers l’Angleterre. Ce que les migrants nous donnent la charge de penser, c’est tout à la fois la difficulté de vivre dans un lieu qu’on n’a pas choisi et notre responsabilité dans cette situation (devenue) invivable. Que signifie une vie en transit ? Quelle alternative peut-on raisonnablement envisager ? Indissociablement enquête sociologique et philosophique, ce livre explore la condition des migrants, en adoptant leur point de vue, à travers une analyse du vocabulaire où on les enferme, depuis lequel on les regarde et par lequel ils se racontent. Leur traitement révèle la politique d’accueil de l’État français, ses liens contradictoires avec l’idée même de démocratie et la façon dont la France, en dépit de sa longue tradition de défense des libertés et des droits humains, ne représente plus un « bien » pour les êtres en quête d’asile.
Sophie DJIGO, Aux frontières de la démocratie. De Calais à Londres, sur les traces des migrants, Le Bord de l’eau, 2019
« Des spectres hantent l’Europe. » Telles sont ces silhouettes errantes bloquées aux frontières, là où le capitalisme triomphant poursuit son expansion, levant toutes les barrières. Ces corps étrangers, racialisés, fantômes d’autres oppressions passées, s’entassent dans des zones-frontières devenues lignes de front, antichambres d’États-nations de plus en plus fermés. Confrontés à la violence du refus de l’asile et de l’accueil, les exilés élaborent des contre-conduites pour résister à leur déshumanisation programmée, à la politique qui vise à les faire disparaître. Ici et là, des mouvements citoyens essaiment et défendent de nouvelles formes d’hospitalité militante, dessinant les contours d’une contre-Europe de l’accueil. Le livre entreprend de redonner un nom et une histoire à ces figures spectrales. Derrière ces ombres, il y a Abiy, jeune Éthiopien de 20 ans, ou encore Hamada, Érythréen à peine plus âgé. Comment ont-ils survécu à la « jungle » de Calais ? Pourquoi ont-ils transité par La Chapelle ? Qu’est-ce qui les a conduits en Belgique et dans quelles conditions ont-ils vécu là-bas ? Que pensent-ils de leur nouvelle vie en Angleterre ? En suivant un petit groupe d’exilés de Calais à Londres, le livre nous fait éprouver les conditions de vie que le gouvernement impose aux migrants sans statut, les effets concrets des politiques européennes de non-accueil, la façon dont les exilés s’y adaptent et résistent, leurs relations avec les bénévoles, les citoyens, leurs motifs, leurs craintes et leurs rêves.
Fanta DRAME, Ajar-Paris. HarperCollins, 2023
Tout le propos de Fanta Dramé tient peut-être dans le trait d’union du titre de son roman qui incite au va-et-vient entre Ajar et Paris. Ajar, un village du sud de la Mauritanie d’où est originaire sa famille, et Paris, où cette professeure de lettres dans un établissement de la Seine-Saint-Denis est née et où elle vit. Plus qu’un roman, le livre tient davantage de ce qu’en sociologie on appelle « histoire de vie », mais c’est aussi une déclaration d’amour à son père, qui, dans les années 1970, « tel un Rastignac du XXe siècle, avait quitté son foyer pour tenter de réussir ailleurs ». Au moyen d’une écriture simple, mais d’autant plus efficace, Fanta Dramé fait de son père, qui a triomphé de toutes les épreuves d’un parcours de migrant pour devenir éboueur de la ville de Paris, le « héros d’un récit initiatique ».
Dominique DUPART, La vie légale, Editions Actes Sud, 2021
Au lendemain de la Catastrophe qui a ouvert les années 2000 sur les images de deux tours en feu, la jeune Joséphine
patiente devant les guichets de l’administration française. Face à elle, les soldats de Vigie Pirate et parmi eux Selim, réfugié du bon côté de la loi après avoir grandi en banlieue. Son devoir, c’est celui de l’ordre face au chaos d’une société désunie. Aux périphéries, il y a tous les autres.
Du parvis de la Préfecture à la Légion étrangère, en passant par la dalle du quartier des Orgues, où les herbes folles
n’ont d’autre choix que celui de pousser de travers, se déploie une humanité aux prises avec le réel des grands débats
nationaux. Pour qui l’identité fracturée, la violence, les trafics, le mensonge, la religion – voire l’amour – sont des
épreuves de la vie. Pour qui la légalité reste un territoire à conquérir.
Avec une voix nouvelle, Dominique Dupart écrit un grand contre-roman national qui raconte la France du XXIe siècle en confrontant l’histoire d’un pays à ses échecs et à ses renoncements.
Najat EL-HACHMI, Mère de lait et de miel, traduit du catalan par Dominique Blanc, Verdier, 2023
Née en 1979 à Nador, au Maroc, puis élevée en Catalogne à partir de l’âge de 8 ans, Najat El Hachimi construit une œuvre distinguée par plusieurs prix mais encore peu traduite en France. Elle ne cesse, de livre en livre, de jeter des ponts entre les deux cultures dont elle est issue. Mère de laitet de mieldébute par une dédicace à sa mère et fait écho à la destinée que l’écrivaine réserve dans le roman à Sara,la fille de Fatima : « À ma mère qui, sans savoir lire, m’a appris à écrire ».
Jenny ERPENBECK, Je vais, tu vas, ils vont, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, Fayard, 2022
L’autre, c’est nous… Comment supporter le temps qui passe quand on est forcé à l’inactivité ? Que faire quand on ne peut plus exercer le métier qui a donné un sens à notre vie pendant des décennies ? Existons-nous encore quand personne ne nous voit ? Autant de questions que se pose Richard, professeur de lettres classiques fraîchement retraité et totalement désœuvré. Un jour, en passant sur l’Oranienplatz, à Berlin, il croise par hasard le chemin de demandeurs d’asile. Et s’il trouvait les réponses à ses interrogations là où personne ne songe à aller les chercher ? Auprès de jeunes réfugiés venus d’Afrique qui ont échoué à Berlin et qui, depuis des années, sont condamnés à attendre qu’on les reconnaisse – qu’on les voie, tout simplement. Mettant face à face deux réalités en apparence totalement opposées, Jenny Erpenbeck nous montre qu’à des périodes différentes, dans des pays différents, la fuite, la peur, la guerre ainsi que le sentiment d’être apatride peuvent définir le parcours de tout un chacun, quelle que soit son origine.
Frantz FANON, Peau noire, masques blancs, Editions du Seuil, Points, 2015
La décolonisation faite, cet essai de compréhension du rapport Noir-Blanc a gardé toute sa valeur prophétique : car le
racisme, malgré les horreurs dont il a affligé le monde, reste un problème d’avenir.
Il est ici abordé et combattu de front, avec toutes les ressources des sciences de l’homme et avec la passion de celui qui allait devenir un maître à penser pour beaucoup d’intellectuels du tiers monde.
Frantz Fanon (1925-1961) Né à Fort-de-France, il s’engage dans les Forces française libre en 1943, puis étudie la médecine, la philosophie et la
psychologie à Lyon. Il devient médecin-chef de l’hôpital psychiatrique de Blida, mais il est expulsé d’Algérie en 1957
et s’installe à Tunis où il reste lié avec les dirigeants du GPRA. Il meurt d’une leucémie après avoir publié deux autres
ouvrages consacrés à la révolution algérienne et à la décolonisation.
Didier FASSIN, Mort d’un voyageur, Points, 2023
C’est une histoire simple. Un homme de trente-sept ans de la communauté du voyage est abattu par des gendarmes du GIGN alors qu’il n’a pas réintégré la prison après une permission de sortie. Deux versions des faits s’affrontent : celle des militaires, qui invoquent la légitime défense, et celle des parents, présents sur les lieux, qui la contestent. L’information judiciaire se conclut par un non-lieu. La famille continue pourtant de se battre, réclamant justice et vérité. Interrogeant les protagonistes du drame et réexaminant les pièces du dossier, Didier Fassin reconstitue d’abord les récits contradictoires de l’événement, puis, au terme d’une contre-enquête minutieuse, propose une autre lecture des faits que celle retenue par les magistrats. Il contribue par ce travail à rendre aux voyageurs un peu de ce dont la société les prive : la respectabilité.
Didier Fassin est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Questions morales et enjeux politiques dans les sociétés contemporaines », il est également professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d’études à l’EHESS.
Didier FASSIN, La Recherche à l’épreuve du politique, Textuel, 2023
Ce livre permet de se faire une idée très claire des menaces qui pèsent sur la liberté de la recherche y compris dans les sociétés démocratiques. Le professeur au Collège de France y relate le contexte d’intimidation juridique de la part des pouvoirs publics dans le cadre d’une enquête sur la mort d’un homme de la communauté du voyage abattu par le GIGN, qui a donné lieu à Mort d’un voyageur.
Cynthia FLEURY, Le soin est un humanisme, Editions Galimard, 2019
Tel est le chemin éternel de l’humanisme : comment l’homme a cherché à se construire, à grandir, entrelacé avec ses comparses,
pour grandir le tout, et non seulement lui-même, pour donner droit de cité à l’éthique, et ni plus ni moins aux hommes. Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien.
Cynthia Fleury
Soigner, la chose est ingrate, laborieuse, elle prend du temps, ce temps
qui est confisqué, ce temps qui n’est plus habité par les humanités. Ici se déploie une tentative de soigner l’incurie du monde, de poser au cœur du soin, de la santé, et plus généralement, dans nos relations avec les autres, l’exigence de rendre la vulnérabilité capacitaire et de porter l’existence de tous comme un enjeu propre, dans toutes les circonstances de la vie.
Cynthia Fleury expose une vision humaniste de la vulnérabilité, inséparable de la puissance régénératrice des individus ; elle conduit à une réflexion sur l’hôpital comme institution, sur les pratiques du monde soignant et sur les espaces de formation et d’échanges qui y sont liés, où les humanités doivent prendre racine et promouvoir une vie sociale et politique fondée sur l’attention créatrice de chacun à chacun.
Spyros FRANGUIADAKIS, Jacques ION et Pascal VIOT, Militer aujourd’hui, Editions Autrement, 2015
Militer. Ce verbe a-t-il encore un sens dans le monde d’aujourd’hui, déserté, rappelle-t-on à l’envi, par les grandes idéologies qui structuraient, hier encore, notre espace politique? En dépit des augures qui, à intervalles réguliers, annoncent la fin des militants, on s’engage encore aujourd’hui, mais peut-être plus comme hier. De l’écologie à l’humanitaire, de la mobilisation des malades à celle des chômeurs et des “sans”, par-delà la diversité des causes, se dessine un objectif commun: faire évoluer les choses à court terme. Autrement dit, l’action immédiate est devenue centrale et modèle les formes d’organisation: les militants se mobilisent dans des opérations “coups de poing”, font du bruit, médiatisent leurs causes pour obliger la sphère politique à parer à l’urgence, à changer le droit. Car l’idéal d’un avenir meilleur n’a pas forcément disparu. Oui, militer a encore du sens aujourd’hui, d’autant qu’on s’engage rarement pour une seule cause: on peut être syndicaliste, adhérent d’un parti politique et membre d’ATTAC, manifester avec les comités de chômeurs et s’attaquer aux OGM, se battre avec les Restos du coeur ou se mobiliser contre le SIDA; et s’investir différemment dans chacun de ces lieux. Le verbe militer se conjugue désormais au pluriel.. Les auteurs de cet essai dressent un état des lieux des formes de l’engagement, s’intéressant prioritairement à la façon dont on est militant aujourd’hui, au comment plutôt qu’au pourquoi. Une enquête précise et éclairante, qui bat en brèche nos idées toutes faites sur un monde qui serait promis au désenchantement…
FORUM REFUGIES, L’asile en France et en Europe, 2000-2020 état des lieux et perspectives, Editions Forum réfugiés, 2020
Forum réfugiés-Cosi publie chaque année depuis 2001 un rapport dressant un état des lieux de l’asile. S’attachant aux faits et aux thèmes les plus significatifs tant en France qu’en Europe, il décrit et analyse les modalités d’accueil des personnes qui fuient leur pays, les moyens qui y sont affectés et le niveau de protection qui leur est accordé. Il propose également un aperçu de la situation géopolitique de certaines régions du monde d’où sont originaires un nombre important de demandeurs d’asile. Ce rapport s’adresse aux spécialistes comme au public sensibilisé à la question de l’asile et à la protection des réfugiés.
En cette année 2020, nous publions la 20ème édition de cet ouvrage. À cette occasion nous avons conçu une édition spéciale permettant à la fois de dresser un bilan de 20 ans d’asile, de faire un état de lieux de la situation actuelle, et de s’interroger sur l’avenir de ce droit fondamental. Plusieurs experts de haut niveau ont contribué à cette édition exceptionnelle, préfacée par le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi.
FORUM REFUGIES, L’asile en France et en Europe. État des lieux 2022, Editions Forum Réfugiés, 2022
Le 20 juin 2022, l’association Forum réfugiés publie son 22ème rapport annuel, qui dresse l’état des lieux de l’asile en France et en Europe sur l’année écoulée. Il intègre les contributions de 32 experts et constitue un outil de travail, à la fois pour les spécialistes et pour le public sensibilisé à la question de l’asile et de la protection des réfugiés.
Dans le monde, les déplacements forcés à un niveau recordLa premier chapitre du rapport présente tout d’abord un panorama statistique des déplacements forcés dans le monde, et indique que plus de 100 millions de personnes sont actuellement déracinées, un chiffre sans précédent.
En Europe, un niveau de protection en baisse et des évolutions politiques préoccupantesLe deuxième chapitre du rapport fait le bilan de la demande d’asile et de la protection des réfugiés en Europe.
En France, des défaillances persistantes dans l’accueil des demandeurs d’asileLe troisième chapitre du rapport concerne l’exercice du droit d’asile en France, et analyse le traitement des demandeurs à chaque étape du parcours d’asile.
En Afghanistan puis en Ukraine, des crises exceptionnelles entraînant des réponses inéditesLa quatrième et dernière partie du rapport porte sur les dispositifs exceptionnels d’accueil mis en place pour les réfugiés afghans et ukrainiens.
Mathieu GABARD, CRA, 115 propos d’hommes séquestrés, Les Lisières, 2019
Sur la base d’entretiens réalisés en Centres de Rétention Administrative (CRA) entre 2016 et 2019, Mathieu Gabard donne voix à des hommes séquestrés et à leurs familles.
« Il y a le grand bavardage des paroles autorisées, légitimes, sérieusement officielles ou gentiment distrayantes, qui ne disent rien, et il y a les paroles qu’on va lire, empêchées, interdites, sans oreilles, qui disent tout. Elles ne racontent pas, ne décrivent pas, ne commentent pas le réel, elles sont le réel. Ordinairement empêché et sans voix. Pour une fois vous allez entendre le réel parler. La preuve : nul lecteur n’en sortira indemne.» Jean-Pierre Siméon.
Fabio GEDA, Dans la mer, il y a des crocodiles, l’histoire vraie de Enaiatollah Akbari, traduit par Samuel Sfez, J’ai lu, 2022
Dix ans, ou peut-être onze. Enaiat ne connaît pas son âge, mais il sait déjà qu’il est condamné à mort. Être hazara, une ethnie haïe en Afghanistan par les Pachtounes et les talibans, est son seul crime. Pour le protéger, sa mère l’abandonne de l’autre côté de la frontière, au Pakistan.
Commence alors pour ce bonhomme « pas plus haut qu’une chèvre » un périple de cinq ans pour rejoindre l’Italie en passant par l’Iran, la Turquie et la Grèce. Louer ses services contre un bol de soupe, passer les frontières dissimulé dans le double-fond d’un camion, braver la mer en canot pneumatique, voilà son quotidien. Un quotidien où la débrouille le dispute à la peur, l’entraide à la brutalité. Mais comme tous ceux qui témoignent de l’insoutenable, c’est sans amertume, avec une tranquille objectivité et pas mal d’ironie, qu’il raconte les étapes de ce voyage insensé.
Fabio GEDA, Histoire d’un fils, traduit par Samuel Sfez, Slatkine et Cie, 2023
L’histoire d’Enaiatollah Akbari se termine en 2008, lorsque Enaiat parle à sa mère au téléphone pour la première fois après le long et aventureux voyage d’Afghanistan à Turin. Mais qu’est-il arrivé à sa famille avant ce coup de fil ? Comment ont-ils été impliqués dans la guerre contre le terrorisme qui a débuté en 2001 ? Maintenant qu’il n’est plus un enfant, mais de la même voix chaude, Enaiat nous emmène à travers sa vie et au-delà, le long d’un morceau d’histoire qui nous concerne tous. La relation à distance avec sa mère ; la violence du fondamentalisme ; l’amour et les amitiés italiennes ; le retour au Pakistan ; un second retour en Italie ; une nouvelle maison ; une douleur atroce et la joie énorme et inattendue de rencontrer Fazila. Avec légèreté, Fabio Geda revient pour raconter une histoire pure, délicate et nécessaire, dans laquelle la douleur de la perte se mêle à l’émotion naïve de ceux qui survivent.
GISTI, Sans papier mais pas sans droits, 2019
Sans-papiers, mais pas sans droits s’adresse aux sans-papiers et aux personnes qui les accompagnent.
Contrairement à ce que l’on croit trop souvent, les étrangers et étrangères en situation irrégulière ou précaire sur le territoire français ont des droits fondamentaux.
Cette note pratique recense et explicite ces droits.
Elle est constituée de fiches synthétiques et thématiques réunies par catégorie de droits ou de thèmes : Citoyenneté (aide aux sans-papiers, contrôle d’identité, droit d’association et droit syndical), Santé (assurance maladie, AME, dispositif soins urgents et vitaux, lieux de soins, IVG), Vie quotidienne (domiciliation, compte bancaire, services postaux, impôt, aide juridictionnelle, culture), Couples (mariage, pacs, concubinage), Enfants (naissance et reconnaissance, ASE, PMI, école, bourses scolaires, cantine et activités périscolaires), Aides diverses (collectivités locales, transports), Hébergement, Logement, Travail (accident du travail, emploi illégal, régularisation, conseil de prud’hommes).
Sans-papiers, mais pas sans droits a aussi pour vocation d’inciter à faire valoir ces droits, notamment au moyen
d’actions collectives, à ne pas s’arrêter aux éventuels risques encourus et, surtout, à ne pas céder aux abus commis, notamment par les autorités administratives.
Cette publication est une invitation à un combat citoyen.
Edouard GLISSANT, Le Sel noir, Le Sang rivé, Boises, Gallimard, Poésie, 1983
« […] la raison à quoi tendent les pages du Sel noir, c’est une raison marronnante et succulente, une raison de forêts et de lianes, et pourtant qui s’offre aux défrichements de la liberté. Une raison qui certes ne s’assurera de sa propre justesse qu’à une certaine consonance entre elle-même et le monde. De là, dans un premier temps, le risque de ne sonner que pour elle seule : et c’est pourquoi il lui faut recourir aux arbitrages de l’histoire. Aussi Glissant : Je suis dans l’histoire, écrit-il, jusqu’à la moindre moelle. Ainsi l’île, au lieu de se laisser découvrir par les autres, entend-elle découvrir le monde à son tour. Imaginons qu’au rebours de l’éruption de la montagne Pelée, ce soit en rêves, en chairs vivantes, en verdures, en humus qu’explosent les profondeurs de la Martinique, et cela dans le déploiement d’un signe ternaire : depuis toujours l’appel caraïbe d’un Nouveau Monde d’indianité ; déjà l’Afrique… Moins une Afrique retrouvée, d’ailleurs, qu’une référence, contraire et complémentaire à celle de l’Europe, et dont j’use surtout pour dégager ma propre vérité et celle des miens. Voilà les trois branches d’un étoilement dont une identité insulaire serait le foyer et la résultante. En définitive, ce qui émerge du recueil d’Édouard Glissant, c’est la requête de l’identité. Non plus rivage d’au-delà de la mer, puisque désormais c’est elle qui regardera l’horizon de mer. Et non plus Eldorado, Hespérides pour les autres, mais Atlantide revenue des abysses du monde pour devenir construction de soi. » Jacques Berque
Julien GOUDICHAUD, Nicolas Torrent, Les Plages de l’embarquement. J’ai passé sept ans avec les migrants et les passeurs dans le Nord de la France, Les Arènes, 2023
Il y a huit ans, j’ai découvert une ville de tôles baptisée « la Jungle de Calais ». Les migrants étaient pour moi un sujet de reportage comme un autre. Mais j’ai été happé par leur obstination, leur errance et leur créativité pour surmonter chaque obstacle sur la route de l’exil vers l’Angleterre. Les migrants m’appelaient Joulian, Jiloun ou John. Afin de leur rendre ce qu’ils m’offraient, j’ai eu besoin d’embarquer avec eux sur un canot pneumatique pour traverser la Manche. Cette histoire, c’est leur vie, la mienne, un univers fou, à deux heures d’autoroute de Paris.
Jean-Christophe HANCHE (photos) et Adeline HAZAN (testes), Les Enfermés, Editions Light Motiv, 2020
Les Enfermés est un ouvrage qui entraîne le lecteur sur l’autre face de notre société. En prison, en hôpital psychiatrique, en centre de rétention… Basé sur les observations photographiques de Jean-Christophe Hanché, photographe et contrôleur des lieux de privation de liberté, le livre est instructif, choquant et sincère sur les conditions de vie souvent indignes, rapportées depuis ces lieux peu visibles.
L’ensemble des images est corroboré régulièrement par des extraits terribles de lettres envoyées par les détenus au CGLPL, et par des extraits argumentés de rapports de visite ou de recommandations en urgence émises par le CGLPL. Se dessine ainsi un «paysage de l’écart» que le livre donne à voir, la réalité brute des lieux où vivent les enfermés. Adeline Hazan, à la tête du CGLPL, signe une préface engagée, à l’image de l’action courageuse qu’elle y mène.
« Cet ouvrage se veut à la fois un vecteur d’information et un levier pour l’amélioration de la situation des personnes privées de liberté. […]
A la lumière des images, des constats et des témoignages qu’il trouvera dans ce livre, j’invite le lecteur à se demander si les conditions d’enfermement qu’a connues la France au cours des dix dernières années préparent de manière pertinente un retour des « enfermés » à la liberté. » Adeline Hazan
« Accéder ainsi aux lieux d’enfermement, aussi longtemps que nécessaire, sans restriction d’accès, est une chance rare dans ma profession de photographe. Je me le répétais sans cesse afin de rendre compte de ce que je voyais au plus près, au plus juste, sans en rajouter ni en soustraire. […] L’immersion sensible dans la plupart de mes photographies n’est pas due à mon audace ou à un engagement téméraire mais uniquement à tout ce temps, invisible et patient, de rencontre avec les personnes qui deviennent les sujets de mes images.
Si l’enfermement est malheureusement le principal moyen de punir, il n’en reste pas moins le plus excluant. C’est à l’écart du monde que les personnes privées de liberté poursuivent leur vie, rendant leur future réinsertion d’autant plus délicate. […] Photographier ces personnes permet de les sortir de l’invisibilité au monde extérieur, de tourner leur situation vers un extérieur salutaire, mettant ainsi en exergue leurs droits fondamentaux. » Jean-Christophe Hanché
François HERAN – Immigration : le grand déni – 03/03/2023 – Editions Seuil – La République des idées
Par un étrange paradoxe, ceux qui s’imaginent que la France ferait face à un « tsunami » migratoire, par la faute des politiques, de l’Union européenne ou des juges, sont également convaincus que la migration est une anomalie dont la France pourrait se passer. On grossit l’immigration pour mieux la dénier. Pour dissiper ces illusions, il faut en revenir aux faits. Oui, la population immigrée a progressé en France depuis l’an 2000, mais moins que dans le reste de l’Europe. Non, notre pays n’a pas pris sa part dans l’accueil des réfugiés. La hausse vient d’abord de la migration estudiantine et économique, tandis que la migration familiale a reculé. En exposant les enjeux de la loi Darmanin de 2023, en rappelant combien la frontière est mince entre séjour régulier et séjour irrégulier, ce livre propose une approche résolument nouvelle de la question migratoire.
Professeur au Collège de France sur la chaire « Migrations et sociétés », François Héran anime l’Institut Convergences Migrations. Il a notamment publié Avec l’immigration (La Découverte, 2017), Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression (La Découverte, 2021) et codirigé la 4e édition de Controlling immigration. A comparative perspective (Stanford, 2022).
Alexandre HMINE, Grains noirs, traduit par Lucie Tardin, Zoé, 2022
D’origine marocaine, le narrateur grandit loin de sa famille, dans un village de Suisse italienne. Il raconte ses premières années, petit garçon, adolescent puis jeune adulte, confronté malgré lui à son identité complexe : comment conjuguer le hockey sur glace, le dialecte tessinois et les sandwichs au salami avec les règles du Coran que sa mère s’efforce de lui inculquer lors de ses visites intermittentes ? Des jeux d’enfant aux premières expériences amoureuses, des voyages au Maroc aux études in Italie, Grains noirs se déploie autour de sensations marquantes qui insufflent une puissante dynamique au récit. Un portrait pointilliste et intime, raconté dans une langue tissée d’italien, de dialecte, d’arabe et de français.
Revue HOMMES ET MIGRATIONS, L’enfance en exil, Editions Cnhi (Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration), 2021
L’histoire des mobilités juvéniles hors du cadre familial ne date pas d’hier. Aujourd’hui, d’après l’Unicef, un migrant sur huit dans le monde est un enfant. Ce numéro nous plonge au cœur des dispositifs publics français d’accueil des mineurs non accompagnés à partir du vécu de ces adolescents et d’une analyse critique des pratiques professionnelles des travailleurs sociaux en charge de ce public considéré comme “incasable”. Il interroge également les artistes et les acteurs culturels qui tentent de donner la parole à ces jeunes tout en les aidant à panser leurs traumatismes par un travail de résilience et de consolidation de leur projet de vie future.
Revue HOMMES ET MIGRATIONS, Exposer le racisme et l’antisémitisme, Edition – Musée de l’histoire de l’immigration, 2021
Issus du colloque international co-organisé en mai 2021 par la plateforme PIRA (FMSH/EHESS) et le Musée national de l’histoire de l’immigration, ce numéro compare des démarches muséographiques sur le fait d’« exposer le racisme et l’antisémitisme », à savoir des actes et les idées inscrites dans des processus d’exclusion, de discrimination ou de destruction de l’autre. Regards historiques, focus sur des musées, des mémoriaux (Kazerne Dossin, Musée juif de Berlin, au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, au MuCEM, etc.) et des expositions, sont complétés par une sélection commentée des collections du Musée national de l’histoire de l’immigration portant sur une partie des thématiques du colloque et esquissent utilement des pistes et des erreurs à éviter.
Revue HOMMES ET MIGRATIONS, Femmes engagées – hommes et migrations, Edition – Musée de l’histoire de l’immigration, 2020
Le rôle des femmes immigrées dans les mouvements sociaux des sociétés où elles vivent en exil émerge comme nouveau domaine de recherches. L’engagement de ces femmes s’affirme sur tous les fronts. Ce numéro analyse la chronologie de leurs mobilisations depuis les années 1970, à la suite d’un travail de politisation des enjeux rattachés à leurs réalités migratoires et montre comment les luttes des jeunes générations font des identités multiples le terrain de leur émancipation.
Revue HOMMES ET MIGRATIONS, Saisir le murmure du monde, Récits de soi en migration, Open Editions, 2021
Placé dans la lignée d’une histoire « par en bas », attentive aux voix des « invisibles », la revue aborde l’histoire des migrations à travers les récits personnels, approchés dans leur diversité : ceux des migrants, entrelaçant générations, genre, statuts, temporalités et territoires, mais aussi ceux des porte-parole, des intermédiaires et tous ceux qui écoutent (ou pas) la voix des migrants.
Juliette KAHANE, Jours d’exil. Une saison au lycée Jean-Quarré, L’Olivier, 2017
« … alors que pardon, ironise-t-elle, mais vivre en autogestion et en dissidence, je n’ai pas l’impression que c’est ce qu’ils viennent chercher chez nous, les réfugiés. Ils ne comprennent pas pourquoi c’est si mal organisé ici mais en attendant mieux ils supportent, ils ne sont plus obligés de dormir dans la rue, ils ont moins faim… Et personne, ni les bénévoles naïfs qui débarquent dans ce bazar, ni les premiers intéressés, personne n’y comprend rien. » Quand elle dit ‘bénévoles naïfs’, son regard dérive un instant vers moi. C’est ce que je dois être pour elle, une bénévole naïve, quelqu’un d’insignifiant et d’un peu ridicule. » Lorsqu’elle pénètre dans ce lycée où s’entassent des centaines de réfugiés, Hannah s’interroge. Qu’espère-t-elle trouver en rejoignant toutes celles et tous ceux qui sont venus les aider ? Jours d’exil reflète les élans et les contradictions de cette femme qui, forte de ses engagements passés dans des organisations d’extrême gauche, porte un regard singulier sur l’occupation du lycée Jean-Quarré, un établissement désaffecté au nord de Paris, par plus de 1 000 migrants durant l’été 2015. Ironique et généreux, son récit ne ménage rien ni personne, et pose des questions qui sont au cœur des débats politiques actuels.
Agathe KALFAS, Mathias BENGUIGUI, Les Chants de l’Asphodèle, Le Bec en l’air, 2021
Pour aborder la crise migratoire contemporaine en échappant à l’iconographie sensationnelle dont les médias débordent, le photographe Mathias Benguigui a choisi la voie de l’histoire, celle de l’île de Lesbos où se côtoient deux récits de migrations : l’actuelle et celle qui a vu arriver sur l’île 45 000 Grecs orthodoxes fuyant la Turquie d’Atatürk en 1922. Les Chants de l’Asphodèle – lieu mythologique où les âmes n’ayant commis ni crimes ni action vertueuse patientent éternellement – puise dans ces deux strates historiques. En rompant avec l’actualité, le photographe ouvre un espace poétique où se mêlent paysages et portraits en dialogue avec les textes d’Agathe Kalfas et ceux de poètes grecs du XXe siècle, et nous invite dans l’épaisseur du quotidien de l’île.
Maïa KANAAN-MACAUX, Les exilés, Editions Julliard, 2022
Sans raison apparente, Isabelle quitte son mari, son métier d’enseignante et la ville où elle habite. Dans son errance, elle rencontre un migrant guinéen de quinze ans pour lequel elle se prend d’affection. Logée dans le même hôtel social que le garçon, Isabelle retrouve le plaisir de transmettre en apprenant à Ibrahim les rudiments du français. Élève motivé, mais toujours sur ses gardes, l’adolescent lui raconte peu à peu son histoire. Alors qu’Ibrahim est menacé d’expulsion, ils font la connaissance de Jean, un oléiculteur de la région. Entre ces trois personnages va naître une bouleversante relation d’amour et de solidarité.
Croisant les voix d’Isabelle et d’Ibrahim, Les Exilés est un roman sur la reconstruction d’êtres fragilisés par leurs trajectoires intimes. C’est aussi un témoignage fort sur le traitement réservé aux mineurs isolés étrangers.
Emma-Jane KIRBY, L’Opticien de Lampedusa, J’ai Lu, 2017
L’opticien de Lampedusa nous ressemble. Il est consciencieux, s’inquiète pour l’avenir de ses deux fils, la survie de son petit commerce. Ce n’est pas un héros. Et son histoire n’est pas un conte de fées mais une tragédie : la découverte d’hommes, de femmes, d’enfants se débattant dans l’eau, les visages happés par les vagues, parce qu’ils fuient leur pays, les persécutions et la tyrannie. L’Opticien de Lampedusa raconte le destin de celui qui ne voulait pas voir. Cette parabole nous parle de l’éveil d’une conscience ; elle est une ode à l’humanité.
Raphaël KRAFFT, Les enfants de la Clarée, Editions Marchialy, 2021
Raphaël Krafft part à la rencontre de ceux qui accueillent et de ceux qui s’exilent.
Un reportage littéraire et humain.
En novembre 2017, Raphaël Krafft part en reportage dans les Alpes à la frontière franco-italienne. Il accompagne un
habitant de la région parti en maraude à la rencontre d’éventuels migrants perdus dans la montagne. Les premières neiges viennent de tomber. Ce soir-là, ils découvrent cachés dans un bosquet quatre mineurs . Alors qu’ils les emmènent dans un lieu dédié à l’accueil des personnes migrantes, la gendarmerie les arrête avant d’abandonner les adolescents dans la montagne au niveau de la borne frontière. Trois d’entre eux sont guinéens, comme la majorité des jeunes migrants qui passent par ce col.
Marqué par cette expérience, Raphaël Krafft se lie d’amitié avec les habitants du village de Névache situé juste en
dessous du col et propose aux enfants de l’école communale de partir en Guinée réaliser des reportages et les aider ainsi à comprendre pourquoi tant de jeunes décident de quitter leur foyer. Là-bas, il découvre un pays démuni, marqué par des années de dictature.
Céline LAPERTOT, Les Chemins d’exil et de lumière, Viviane Hamy, 2023
« Je suis Karelle Dia, congolaise, enfant de la République française, éloquente, forte en gueule, que mon courage soit mon talent. » Née d’un Ougandais et d’une Congolaise, Karelle a huit ans lorsque la guerre éclate à Kinshasa. Mère et fille se réfugient en France, pays de liberté, pour y vivre en paix. À ce premier exil du cœur, s’ajoute bientôt la difficulté et l’angoisse de se reconstruire et de se faire accepter. Animées par cette fierté et cette dignité qui font leur grandeur d’âme, elles s’arment de courage. Il faut les connaître ces hôtels insalubres, où l’on fait son beurre sur le dos de la misère humaine. Il faut les endurer ces sinistres coups du sort, sans rien céder de ses rêves. Karelle en fera l’expérience. Et de ses combats naîtra la plus éclatante des victoires. Avec Les Chemins d’exil et de lumière, Céline Lapertot continue d’explorer avec justesse et pugnacité la veine sociale qui caractérise son œuvre. Inspirée par la vie d’une de ses élèves, l’auteure nous livre le roman d’une femme affrontant son destin pour mieux éblouir le monde de sa lumière.
Smaïn LAACHER, Croire à l’incroyable, Un sociologue à la Cour nationale du droit d’asile, Editions Gallimard, 2018
Un jour de mai 1999, le Haut-Commissariat aux réfugiés proposait à Smaïn Laacher, sociologue connu pour ses travaux sur l’immigration et les déplacements de populations, d’être un de ses représentants auprès de ce qui deviendrait la Cour nationale du droit d’asile. Il s’agit d’être un des deux juges assesseurs qui, avec le juge président, constituent la «formation» chargée d’étudier l’ultime recours des requérants déboutés du droit d’asile en première instance.
Durant une quinzaine d’années, Smaïn Laacher est au cœur de l’institution qui applique la politique souveraine du droit d’asile. Une application pragmatique, selon l’évaluation par les juges de la véracité du dossier, mais qui souvent a conscience de sa fragilité : comment juger, c’est-à-dire décider du destin d’une femme ou d’un homme qui, le plus habituellement, ne parle pas le français, mais doit emporter l’intime conviction de la formation que sa vie est en danger dans son pays d’origine ? Il faut que les juges se forgent une opinion alors que les faits supposés se sont déroulés à des milliers de kilomètres, sans véritables témoins ni preuves, et dans un contexte de spécificités religieuses, culturelles ou linguistiques que seuls des anthropologues de terrain pourraient appréhender.
Comment savoir ce que furent réellement les épreuves subies par les requérants quand les femmes tairont, en particulier, les violences dont elles ont été les victimes ? Que les réfugiés racontent souvent un même récit dont d’autres requérants leur ont dit que c’est celui-ci et pas un autre que les juges attendent et entendent ? Qu’est-ce qu’une preuve lorsque le juge doit se fonder sur la seule bonne foi de celui qui demande ?
Smaïn Laacher nous conduit dans les arcanes du droit d’asile. Mille et une questions y assaillent les juges comme en témoigne ce document exceptionnel sur une justice qui est rendue en votre nom.
Hervé LE BRAS, Le grand enfumage, Populisme et immigration dans sept pays, Editons de l’Aube, 2022
Le vote populiste prolifère-t-il là où se concentrent les immigrés ? Les différents partis d’extrême droite en Europe traitent-ils l’immigration de la même manière ? La France se singularise-t-elle ? Autant de questions auxquelles Hervé Le Bras répond dans cet ouvrage, à l’aide d’une étude fouillée de sept pays – Allemagne, Autriche, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suisse. Il y décrypte les mutations d’une ligne idéologique inquiétante : après s’être dégagés des groupuscules nostalgiques du nazisme, du franquisme ou du fascisme, puis avoir tenté de présenter une façade respectable, les partis populistes de ces pays évoluent vers une vision identitaire, dramatisée en France par la notion de « grand remplacement ».
Une lecture nécessaire au moment où les thématiques de l’extrême droite gagnent du terrain en Europe.
Stefan LE COURANT, préface de Michel Agier, Vivre sous la menace, Les sans-papiers et l’État, Le Seuil, 2022
La politique de contrôle migratoire ne s’exerce pas uniquement aux frontières. Sur le territoire national elle continue d’œuvrer en séparant celles et ceux qui bénéficient d’un séjour régulier des autres qui en sont dépourvus. Elle trace des démarcations intérieures invisibles et implacables quand le spectre de la frontière hante le quotidien des personnes qui chaque jour risquent l’expulsion. En ethnographe, Stefan Le Courant tente de saisir les conséquences intimes de ce gouvernement par la menace. Après une enquête de plusieurs années auprès d’une quarantaine de sans-papiers, l’auteur retrace avec humanité leur expérience ; il raconte des vies façonnées par la crainte de l’arrestation ou de la dénonciation. Si la menace est, pour celui qui l’exerce, une manifestation de son pouvoir de nuire sans exécution immédiate, pour celui qui y est exposé, elle se traduit par une conscience aiguë et permanente du danger. Obsédante, cette menace pousse à privilégier la solitude et la méfiance ; elle transforme l’environnement proche en un monde de signes potentiellement redoutables : le ton d’une voix, la couleur d’un uniforme, la question d’un camarade de chambre, tout peut être un indice qu’il devient crucial de savoir exploiter. En cherchant à appréhender cette présence qui se dérobe, à restituer la vie des sans-papiers, l’auteur livre un récit immersif aussi original qu’inédit.
Gaspard LION, Incertaines demeures. Enquête sur l’habitat précaire, Bayard, 2015
Ils ont élu domicile dans une tente, une cabane, une caravane ou encore un mobile home. Ces habitants pas comme les autres vivent parfois depuis des années dans ces lieux où ils cherchent à préserver leur dignité, se réappropriant leurs conditions d’existence, malgré les contraintes matérielles et les menaces d’expulsion. Dans les bois, rues et campings de la région parisienne, Gaspard Lion a recueilli leurs histoires et partagé des moments de leur quotidien. Loin de tout misérabilisme, il redonne place, corps et voix, à ceux et celles que l’on refuse trop souvent d’écouter et il invite le lecteur à aller au-delà des idées reçues pour saisir de l’intérieur ces mondes de l’habitat précaire. Une enquête sensible et dérangeante.
Grace LY, Jeune Fille modèle, Livre de Poche Jeunesse, 2019
La mère de Chi Chi dit qu’elle est une « banane » : jaune à l’extérieur et blanche à l’intérieur. Pourtant Chi Chi est une jeune fille comme les autres. Même si elle aurait préféré s’appeler Marie ou Sophie, et que le principal du lycée n’écorche pas son nom ! Elle a du mal à savoir qui elle est vraiment, coincée entre une famille qui la soumet à beaucoup de pression et un passé plein de non-dits. Trop française pour les uns, trop exotique pour les autres. Loin des clichés, Chi Chi voudrait s’accepter telle qu’elle est.
Khalid LYAMLAHY, Evocation d’un mémorial à Venise, Editions Présence Africaine, 2023
Un après-midi de janvier 2017, un jeune réfugié gambien se jette dans le Grand Canal de Venise et se noie sous les regards et les insultes des passants. Il s’appelait Pateh et avait vingt-deux ans. Hanté par ce drame, un jeune écrivain se lance sur ses traces et tente de reconstruire le fil des événements, de mettre en mots son choc et son indignation. Dans un récit en fragments où s’entremêlent fiction et réalité, le narrateur consulte les sites d’information, cherche des indices dans la presse, dévoile des vérités enfouies dans les pages de l’histoire et de la littérature. Au fil d’une quête riche en surprises et en émotions, d’autres histoires se greffent à la première pour sauver de l’oubli des jeunesses noyées dans le tourbillon de l’actualité. De l’Afrique des racines et des ruptures à la Venise des mythes et des illusions, l’écriture est à la fois poétique et solidaire : elle dénonce la haine de l’autre et esquisse un mémorial littéraire pour la dignité humaine.
Né à Rabat en 1986, Khalid Lyamlahy est maître de conférences en littératures francophones à l’Université de Chicago aux États- Unis. Il a publié Un roman étranger en 2017 aux Éditions Présence Africaine. Évocation d’un mémorial à Venise est son deuxième roman.
Maryam MADJIDI, Marx et la Poupée, J’ai Lu, 2018
Depuis le ventre de sa mère, Maryam vit les premières heures de la révolution iranienne. Six ans plus tard, elle rejoint son père en exil à Paris. À travers ses souvenirs d’enfance, elle décrit l’abandon du pays, l’éloignement familial, la perte de ses jouets – donnés aux enfants pauvres de Téhéran sous l’injonction de ses parents communistes – et l’effacement progressif du persan. Fable et journal, Marx et la poupée raconte avec humour et tendresse les racines comme fardeau, comme rempart, comme moyen de socialisation et comme arme de séduction massive.
MEYBECK – CRA (Centre de Rétention Administrative) BD – 08/2014 -Editions Des ronds dans l’O
Magnifique documentaire avec les témoignages de migrants et d’associations intervenantes.
En 2012, à Toulouse-Cornebarrieu , l’auteur participe à la campagne « Ouvrez les portes » organisée par Migreurop et Alternative Européenne. Cette campagne vise à obtenir l’accès des journalistes et de la société civile aux centres de rétention pour lesquels nous n’avons pratiquement aucune information, ni sur ce qui s’y passe, ni comment sont traités les migrants, ni sur le respect de leurs droits. Migreurop pose la question de la légitimité même des centres notamment en raison de leur enfermement sans jugement. La justice est tellement lente qu’on n’a pas eu le temps de les juger, on les enferme (sur décision administrative) en attendant. L’auteur suit l’action durant 12 jours et recueille le témoignage de migrants et d’associations intervenantes. Parmi eux : La ligue des Droits de l’Homme Toulouse, Médecin du monde, Tournefeuille Sans Papier, Cercle des Voisins, Cimade (planète CRA), etc…
Marie MESSINA, Le Vertige des acrobates, Presses universitaires de Vincennes, 2021
Alors qu’on ne parle que de crise migratoire et de « flux de migrants », le but de cet ouvrage est d’incarner des personnes, des individualités, pour raconter au plus juste ceux qu’on nomme les « mineurs isolés », des enfants et adolescents partis en éclaireurs sur les routes de l’exil. Ce livre cherche à leur donner chair et à retracer le récit et le parcours de plusieurs d’entre eux. Suite à de longues immersions de terrain en Méditerranée, ce livre leur donne la parole, agit comme un « haut-parleur » pour nous permettre de tendre l’oreille et d’apprendre de leur résilience et leur courage hors-normes.
Léonora MIANO, Stardust. Grasset, 2022
« Lasse de l’errance en couple, elle avait préféré se débrouiller seule. Impossible de rester auprès d’un garçon qui ne parvenait pas à devenir un homme. En une fraction de seconde, elle avait décidé de sauter sans filet. C’était le seul moyen d’empêcher la haine de s’installer là où il n’y avait déjà plus de respect. Elle avait emmené Bliss, serrant contre son cœur la plus belle part de lui. Alors qu’un soleil pâle s’apprêtait à trouer les nuages, Louise avait dit : Je pars avec la petite. Pas un mot de plus. » Écrit il y a plus de vingt ans, ce roman relate la période au cours de laquelle Léonora Miano, jeune mère de 23 ans sans domicile ni titre de séjour, fut accueillie avec sa fille dans un centre de réinsertion et d’hébergement d’urgence du 19e arrondissement de Paris. C’est en fréquentant la rudesse de ses marges qu’elle a le plus intimement connu la France.
Migreurop, Atlas des migrations dans le monde, Armand Colin, 2022
Ce nouvel atlas du collectif Migreurop propose un traitement original et éclairant des enjeux migratoires contemporains en interrogeant une question forte : la liberté de circulation. Cette notion, soit présentée tel un slogan pour contester les politiques migratoires, soit brandie pour dénigrer toute tentative de penser ces politiques hors du strict contrôle migratoire, fait en effet l’objet d’un traitement très clivant dans l’espace public. Cet ouvrage propose une prise de recul nécessaire en apportant des éléments à la fois théoriques et tirés de l’expérience vécue des migrants : mise en perspective des dynamiques historiques de la liberté de circulation, présentation des grands espaces de circulation existants, les migrations humaines au regard des migrations de capitaux et marchandises, les formes de circulation mises en œuvre par les migrants eux-mêmes, les imaginaires contradictoires sur le fait migratoire. Chaque partie est constituée d’une dizaine de planches faisant dialoguer des textes d’experts avec une iconographie riche et créative (cartes, dessins, photographies), et alternant thématiques « classiques » et sujets actuels (pandémie, circulation des données, migrations des femmes, écologie…). Dans un paysage politique et médiatique qui place au centre de l’attention les entraves aux mouvements, cet atlas vient ainsi contribuer aux débats sur le futur des politiques migratoires, et ouvrir le champ des possibles.
Marie-Laure MORIN, Faire de l’étranger un hôte, l’hospitalité : un droit fondamental, préface d’Edwy Plenel, Syllepse, 2022
Pour l’auteure, faire de l’hospitalité un droit fondamental est devenu une nécessité impérieuse. Elle propose d’en faire la boussole nationale et internationale pour construire un autre droit des migrations en le conjuguant avec d’autres principes (fraternité, solidarité, égalité). Ce livre s’inspire des pratiques multiples de citoyens, associations, villes et territoires engagés qui font de l’étranger un hôte pour montrer comment l’hospitalité peut devenir un tel droit et préciser son rôle pour fonder la responsabilité des États dans l’accueil des exilés. Pour nourrir le débat et proposer des réformes, l’auteure explore le parcours migratoire et passe au crible de l’hospitalité comme droit fondamental chacune de ses étapes, du franchissement de la frontière à la période d’accueil, à l’autorisation de séjour ou l’octroi de l’asile, jusqu’aux conséquences d’un éventuel refus. Edwy Plenel : « Marie-Laure Morin fait preuve d’une imagination juridique aussi politiquement décisive et fructueuse que le furent l’invention des notions de crime contre l’humanité et de génocide au mitan du siècle dernier. Loin d’un moralisme abstrait, sa démonstration est ancrée dans le réel, pragmatique et concrète, comme en témoigne l’impeccable précision de ses propositions conclusives. »
Mana NEYESTANI, Les Oiseaux de papier, traduit par M. Lahidji, Ça et là/Arte éditions, 2023
Le Kurdistan iranien se situe au Nord-Ouest du pays, le long de la frontière avec l’Irak. C’est une région montagneuse très pauvre et connue pour être un haut lieu du trafic de cigarettes, d’alcool ou de vêtements. Les villageois sont contraints à faire de la contrebande par des mafieux, entre les deux pays, et à emprunter des chemins mortellement dangereux, sur les sommets de plus de 4 000 mètres des monts Zagros. Ces contrebandiers sont appelés des « kulbars ». Chaque année, plusieurs dizaines de personnes trouvent la mort, victimes des gardes-frontières iraniens, des mines anti-personnelles, des avalanches ou de rigoureux hivers. Dans Les Oiseaux de papier, Jalal, dit l’Ingénieur, est recruté pour participer à l’une de ces expéditions en compagnie d’hommes de son village. Un drame se noue alors entre les membres de l’expédition qui meurent un à un, tandis qu’une jeune femme du village tisse une tapisserie en attendant le retour de Jalal. Cette première fiction de Mana Neyestani est un drame humain saisissant, qui raconte aussi une histoire de crime d’honneur et le terrible quotidien des habitants de ces régions.
James NOEL, Brexit suivi de La Migration des murs, Au diable vauvert, 2020
Ancien pensionnaire de la Villa Médicis, plusieurs fois récompensé, James Noël, né en Haïti en 1978, est un poète aux visages multiples. Parmi ses derniers livres parus : Le Pyromane adolescent, suivi du Sang visible du vitrier (Points, 2015) ; Anthologie de poésie haïtienne contemporaine (Points, 2015) ; La Migration des murs (Galaade, 2016), Belle merveille (Éditions Zulma). Il anime également avec l’artiste Pascale Monnin la magnifique revue IntranQu’îllités.
Alexis NOUSS, Droit d’exil – Pour une politisation de la question migratoire (précédé de Covidexil) – 02 /2021 – Editions MIX
Le migrant n’est pas qu’une victime, il est, par sa nature et par son nombre, un sujet politique, c’est-à-dire une figure au prisme de laquelle se lit l’ensemble des questions sociétales. Pour que de nouvelles orientations en matière de migration soient mises en oeuvre, il importe de réimaginer le politique à cet égard et admettre la condition exilique comme modulation de la condition humaine. Le droit d’asile retrouvera sa force s’il se redéfinit en droit d’exil, revenant au sujet en migration dans un imaginaire politique déterritorialisé.
L’extrême-droite n’hésite pas à faire sa politique et de la politique sur le migrant. N’est-il pas temps, pour l’ensemble des opinions publiques européennes encore démocrates, de répondre en faisant aussi de la migration une question politique, un enjeu de société majeur, au-delà de l’humanitaire ? D’autant que la montée des conflits et les désastres environnementaux vont inévitablement intensifier les mouvements migratoires.
L’étranger est l’avenir du citoyen : en politisant la migration, on fait migrer le politique.
ORSPERE SAMDARA – Soutenir la santé mentale des personnes migrantes, guide ressource à destination des intervenants sociaux
Orspere-Samdarra – https://orspere-samdarra.com/wp-content/uploads/2022/02/os-soutenir-la-sante-mentale.pdf
Le présent guide a pour objectif d’apporter quelques clés de lecture sur la santé mentale et ainsi de faciliter l’appréhension des situations auxquelles les professionnel·les peuvent être confronté·es au quotidien dans l’accompagnement des personnes migrantes.
Polina PANASSENKO, Tenir sa langue, Points, 2023
« Ce que je veux moi, c’est porter le prénom que j’ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur. » Elle est née Polina, en France elle devient Pauline. Polina en URSS, Pauline à Saint-Étienne. Elle se dédouble. D’un côté, la Russie de l’enfance, celle de la datcha, de l’appartement communautaire où les générations se mélangent, celle des grands-parents inoubliables et de Tiotia Nina. De l’autre, la France, celle de la materneltchik, des mots qu’il faut conquérir et des Minikeums. Il lui faudra tenir sa langue sans trahir ni oublier. Née à Moscou, Polina Panassenko est auteure, traductrice et comédienne. En 2015, elle a publié Polina Grigorievna, une enquête parue aux éditions Objet Livre. Tenir sa langue est son premier roman, il a été couronné par le prix Femina des lycéens 2022.
Raozy PELLERIN – Bibiche – 08/2022 – Editions Plon
Promis, elle ne pleurera pas. Elle vous parlera d’elle. Elle, c’est Bibiche. Que peut-elle ajouter ? Vous dire que, non, elle n’est pas venue sur une barque de fortune, entassée parmi des dizaines d’hommes et de femmes. Elle n’a pas failli se noyer en attendant que des gardes-côtes italiens la sortent de l’eau. Elle n’a pas fui une zone de guerre. Non, elle vient de la République démocratique du Congo.
Elle n’a pas été menacée par le mouvement rebelle M23 ni par les troupes de Lubanga. Elle est simplement originaire de Kinshasa. Son histoire ne mérite sans doute pas votre attention. Cette histoire, il va pourtant bien falloir qu’elle essaie de vous la raconter. Ecoutez-la, elle n’a que vous. Anonyme sous les boucles de ses perruques, un sourire vacillant, Bibiche a fui son pays pour demander l’asile en France, y renaître et se réinventer.
Cependant, chaque étape imposée par l’administration la contraint à fouiller dans sa mémoire, à en extirper ce passé refoulé. Comment et auprès de qui trouver les ressources pour ne pas perdre pied ?
Sandra POIROT-CHERIF, L’Oiseau de Mona, Rue du Monde, 2016
Mona et ses parents ont fui leur pays en guerre pour s’installer ici. À l’école, la vie est belle pour elle. Elle a beaucoup d’amis. Mais un oiseau noir la suit partout, jour et nuit. Il lui rappelle qu’elle n’a pas les papiers, les bons papiers, pour rester dans ce pays qu’elle aime.
Vladimir POZNER – Un pays de barbelés – Dans les camps de réfugiés espagnols en France, 1939 – 10/2020 – Editions Claire Paulhan
« En 1939, la guerre d’Espagne s’achève par la déroute des Républicains. Ceux qui échappent aux troupes franquistes passent les Pyrénées pour se réfugier en France. Au beau pays de la liberté, ils sont reçus par les gendarmes, enfermés dans des camps, parqués sur des plages, encerclés par des barbelés. Missionné par le Comité d’accueil aux intellectuels espagnols, l’écrivain, journaliste et militant antifasciste Vladimir Pozner arrive à Perpignan pour tenter de faire libérer des prisonniers. »
l va de camp en camp, flatte les officiers, intrigue, fait valoir ses relations, use d’humour, d’intelligence et d’énergie. Il rencontre les Espagnols, qui manquent de tout, sauf d’un extraordinaire savoir-vivre. Il leur apporte des couvertures, des cigarettes, des souliers, des brosses à dents, ce qu’il peut. Cependant, il reste l’écrivain qu’il est toujours, mais on le découvre entre deux livres, agissant le jour et prenant des notes la nuit, rédigeant des articles où il dénonce avec violence et drôlerie le scandale qu’il a sous les yeux, prenant des photos pour illustrer ses reportages, réunissant tout un matériel documentaire, qui pourrait lui servir plus tard. Et en effet, beaucoup plus tard, marqué au cœur comme tant d’autres, il n’oubliera jamais ce drame, qu’il racontera dans son roman Espagne premier amour.
De cette intense activité, Pozner a tout rapporté, ses carnets, ses images, sa correspondance, ses manuscrits, une foule d’inédits, d’originaux qui donnent à voir sous un angle original, unique, ce vaste drame qui s’est déroulé à la frontière espagnole, dans le Sud-Ouest de la France, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Ces documents, il les a longtemps conservés dans un carton, au fond d’un grenier.
Ils sont à présent publiés sous le titre « Un pays de barbelés », par les Editions Claire Paulhan.
Nathalie QUINTANE – Les enfants vont bien – 11/2019 – Editions POL
Automne 2016 : des Centres d’Accueil et d’Orientation pour les réfugiés migrants s’ouvrent un peu partout en France, à la suite du démantèlement de la « jungle » de Calais. Les enfants vont bien commence là. Président de la République, ministres, textes de loi, presse régionale, animateurs du C.A.O., réseau d’aide… Tout le monde a quelque chose à dire des réfugiés, et c’est chaque parole, chaque phrase, chaque énoncé ou fragment de texte officiel, de chacun, sur chaque page, que ce livre recueille, entre 2014 et 2018. La simple juxtaposition de ces phrases forme une mélopée d’autant plus triste (et cruelle) qu’elle est parfois éclairée par des regains
d’espoir. A la lecture, l’effet est radical. On lit en creux le drame de ces personnes que l’on n’entend pas, que l’on ne lit pas, et qui ne citent rien.
Gilles RECKINGER, Oranges amères, un nouveau visage de l’esclavage en Europe, Raisons d’agir, 2023
Les témoignages présentés dans ce livre montrent comment les migrants qui arrivent à Lampedusa se retrouvent emprisonnés pendant des années, sans papiers, sans visa et sans argent, sans accès légal à l’emploi. Ils n’ont d’autre choix que de travailler dans des conditions inacceptables. Ainsi, ces personnes se retrouvent-elles dans la catégorie de travailleurs la plus basse, la plus exploitée, elles sont à la merci de leurs employeurs et privées de tout droit, elles constituent une réserve de travailleurs flexibles et interchangeables – ce que l’auteur désigne comme une forme d’esclavage.
Damien RIBEIRO, Les Routes, Rouergue, 2023
Entre France et Portugal, de 1955 à 1995, les destins croisés de trois générations d’hommes, coupés les uns des autres bien que reliés par le fil du sang. Entre Vasco, le grand-père, fuyant en France avec femme et enfants les conséquences d’un acte que ses descendants ne connaîtront que des années plus tard, et Arthur le petit-fils qui ne parle pas un mot de portugais, il y a la formidable personnalité de Fernando, le maçon, l’entrepreneur, l’homme qui veut repousser l’horizon. Lui choisit d’épouser une Française et vit dans sa chair le déchirement entre deux communautés. Étranger à son père comme à son propre fils, il hante ce magnifique roman d’un désespoir intime aussi secret que destructeur. Damien Ribeiro joue en virtuose de ces trois personnages qui traversent, l’un le Portugal de Salazar et l’Espagne de Franco, le deuxième le mirage des Trente Glorieuses, le plus jeune le vertige de la déception paternelle. Il raconte aussi l’histoire d’une diaspora silencieuse.
Patricia RIEFFEL, Après Calais, Respiration, La Chambre d’échos, 2023
« Ils traversent. Ils viennent vers nous. Ils sont douze. Tous évacués de la jungle de Calais. » Aucun bagage, pas de papiers, à peine quelques lambeaux d’identité roulés dans un sac à dos. La répartition est faite. Les dés sont jetés. Les autocars de Calais ont été envoyés dans nos campagnes. L’un d’eux arrive à l’aube dans un petit bourg du Sud-Ouest, au pied des Pyrénées, non loin de l’Océan. Mairie, Centre d’accueil des migrants et bénévoles s’allient. Ne plus fuir. S’installer dans la reconnaissance des autres. Se faire entendre par les dépositaires de l’autre langue, l’apprendre, prendre son sort en mains, oublier les fantômes du passé. Le chemin est long et la démarche des bénévoles est un travail d’équilibriste sans filet. De A à Z, il faut intégrer les mots et les usages, avec peut-être la lumière au bout du tunnel, la carte du tarot nommée permis de séjour.
Marie-Caroline SAGHO-YATZIRMISKY, La Voix de ceux qui crient, rencontre avec desdemandeurs d’asile, Albin Michel, 2018
Autour des demandeurs d’asile comme en eux règne un désert de parole : personne ne prend le temps de les écouter. Leur voix singulière est perdue, étranglée de violence, de peur et de fatigue. Depuis 2010, à l’hôpital Avicenne de Bobigny, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky rencontre ces hommes et ces femmes à bout de souffle. Elle rapporte ici les paroles qui lui ont été confiées dans le vif de la consultation. Et révèle comment, dans ce cadre, les demandeurs d’asile se mettent en quête de retrouver leur voix. Conquérant peu à peu la capacité de raconter leur vie, ils regagnent alors celle d’en avoir une. Le migrant n’est pas une figure transitoire de notre société. Sa présence questionne la mise en pratique de nos valeurs. Par son ampleur éclairante, la pensée de l’anthropologue et psychologue clinicienne s’impose pour aborder la question du lien social et politique et celle de la place de l’étranger dans la France du XXIe siècle.
Roberto SAVIANO, En mer, pas de taxi, Gallimard, 2021
« Il serait réducteur de considérer les photographies des traversées du désert, des prisons libyennes, des canots gonflables, des sauvetages en mer et des corps qui flottent sur l’eau comme des photos d’actualité ou des clichés militants. Tout cela nous concerne, tout cela constitue pour nous une information précieuse. Le message qui nous parvient peut devenir le carburant qui permettra de changer le cours des choses ou la pierre tombale qui signifiera leur fatale inévitabilité. À nous de choisir. » Roberto Saviano
En 2017, Luigi Di Maio, l’un des leaders du mouvement Cinq-Etoiles italien, qualifie de « taxis de la mer » les navires affrétés par des ONG humanitaires pour des opérations de sauvetage en Méditerranée, leur reprochant d’encourager le phénomène migratoire. Ce livre est un témoignage en réaction à cette déclaration. Il dénonce la propagande et les mensonges sur l’immigration, à travers les paroles et les images de ceux qui ont vu, documenté, photographié et aidé.
Violaine SCHWARTZ, Papiers, POL, 2019
Un jour, j’ai réussi à passer. Dans un camion de kiwis. J’avais déplacé les cartons de fruits pour me cacher derrière. Trente-huit heures, je suis resté dans ce camion fermé. Trente-huit heures. Toutes les demi-heures, ils allumaient le froid. On était deux dans les kiwis, mais l’autre, il est parti en Finlande.
Jean-Pierre SIMEON, Stabat Mater Furiosa, Les Solitaires intempestifs, 2013
On n’entend pas le pas d’un homme qui va à son travail et quand un homme court vers ce qu’il aime c’est son souffle qu’on entend mais quand la foule des guerriers se met en chemin, c’est son pas d’abord qu’on entend, son pas qui martèle oui les coups du marteau sur la terre, le pas qui frappe et qui dit, je suis là je suis partout. Stabat Mater Furiosa, cri solitaire d’une femme qui se révolte contre la guerre et la violence, fut monté pour la première fois en 1999 par Christian Schiaretti. Depuis plus de soixante mises en scène ont été réalisées en France. Cette pièce d’un poète venu au théâtre a été traduite en huit langues et jouée dans quatorze pays.
Shumona SINHA, L’Autre Nom du bonheur était français. Gallimard, 2022
Shumona Sinha, née à Calcutta, a appris le français à l’âge de vingt-deux ans. Depuis, elle considère cette langue comme sa « langue vitale », celle qui l’a libérée, sauvée, fait renaître. Venue vivre en France à vingt-huit ans, autrice de cinq romans tous écrits en français, elle raconte son itinéraire, semé de déceptions : les années passant, elle conserve l’image d’une femme exilée, étrangère dans un pays qu’elle avait cru celui de son émancipation. Ce livre puissant, d’une grande sincérité, apporte un éclairage sur l’œuvre et la vie d’une Indienne qui a choisi de vivre en France, d’habiter notre langue, et qui confie : « Pour chaque mot j’ai fait un long voyage ».
Pajtim STATOVCI, La Traversée, Buchet-Chastel, 2021
Alors que l’Albanie bascule dans le chaos, Bujar, adolescent solitaire, décide de suivre l’audacieux Agim, son seul ami, sur la route de l’exil. Ensemble, ils quittent le pays pour rejoindre l’Italie. C’est le début d’un long voyage, mais aussi d’une odyssée intérieure, une quête d’identité poignante. En repoussant chaque fois un peu plus les frontières du monde, les deux garçons se frottent à cette question lancinante : comment se sentir chez soi – à l’étranger comme dans son propre corps ? Deuxième roman du prodige finnois Pajtim Statovci, La Traversée puise dans le folklore albanais, le récit de voyage et les grands romans d’apprentissage pour nous livrer, dans une prose enivrante, une fiction juste et brûlante d’actualité.
Shaun TAN, Là où vont nos pères, Dargaud, 2017
Pourquoi tant d’hommes et de femmes sont-ils conduits à tout laisser derrière eux pour partir, seuls, vers un pays mystérieux, un endroit sans famille ni amis, où tout est inconnu et l’avenir incertain ? Cette bande dessinée silencieuse est l’histoire de tous les immigrés, tous les réfugies, tous les exilés, et un hommage à ceux qui ont fait le voyage.
Pierre TEVANIAN et Jean-Charles STEVENS, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, Anamosa, 2022
Proférés pour clore toute discussion, ces dix mots, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » semblent constituer l’horizon indépassable de tout débat sur les migrations, tombant comme un couperet pour justifier le refus ou la restriction. Dans cet essai incisif, il s’agit de décrypter et déconstruire tous les poncifs qui s’y logent et de revaloriser l’hospitalité. « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : qui n’a jamais entendu cette phrase au statut presque proverbial, énoncée toujours pour justifier le repli, la restriction, la fin de non-recevoir et la répression ? Dix mots qui tombent comme un couperet, et qui sont devenus l’horizon indépassable de tout débat « raisonnable » sur les migrations. Comment y répondre ? C’est toute la question de cet essai incisif, qui propose une lecture critique, mot à mot, de cette sentence, afin de pointer et réfuter les sophismes et les contre-vérités qui la sous-tendent. Arguments, chiffres et références à l’appui, il s’agit en somme de déconstruire et de défaire une « xénophobie autorisée », mais aussi de réaffirmer la nécessité de l’hospitalité.
Taina TERVONEN, Jeff POURQUIE, À qui profite l’exil, le business des frontières fermées, Delcourt/La revue dessinée, 2023
Qui profite des moyens engagés en faveur de la fermeture des frontières ? Que se passe-t’il quand on retrouve des corps sur les plages ? Sait-on que les frontières de l’Europe se sont délocalisées au Sahara ? Qui sont les sans-papiers qui font fonctionner l’économie ? Trafiquants, industriels de la défense, employeurs européens profitent de ce système sans se préoccuper des 40 000 morts et disparus.
Fabien TOULME, L’Odyssée d’Hakim, Delcourt, 2022, 3ème tome
« Je suis syrien et j’arrive de Turquie – Wouaaah ! C’est un long voyage, ça. – Oui, on peut le dire. Je suis parti de chez moi il y a presque 3 ans. » Après leur sauvetage en mer Méditerranée, Hakim et son fils arrivent sur le territoire européen avec beaucoup d’espoir. Pourtant, pour rejoindre la France, le tandem va devoir affronter une nouvelle série d’épreuves faite de centres de rétention, de police frontalière et de xénophobie. Leur courage et la solidarité d’inconnus providentiels suffiront-ils à leur permettre d’atteindre leur destination pour enfin retrouver les leurs ? Suite et fin de la trilogie de L’Odyssée d’Hakim, une bande dessinée acclamée par les lecteurs et par la critique qui la décrit comme « captivante », « bouleversante », « intelligente » et même « salutaire ».
Abibatou TRAORE KEMGNE, L’Homme de la maison, Présence africaine, 2022
Lorsque l’Italienne Rosalia épouse Doudou, un Sénégalais rencontré sur le campus de Nanterre, son entourage désapprouve cette union. Sa famille ne comprend pas qu’elle s’entiche d’un homme noir et ses amies sénégalaises la mettent en garde. Sur un ton léger, ce roman écrit dans un style fluide et imagé, offre une galerie de portraits riche en couleurs, en saveurs et en musiques. Il fait voyager entre une Europe et une Afrique sublimées, pleines de clichés. Y sont abordés les thèmes chers à l’auteure : la famille, les origines, les préjugés sociaux, l’immigration et l’intégration en terre étrangère.
Beata UMUBYEYI-MAIRESSE, Tous tes enfants dispersés, J’ai lu, 2021
Peut-on rassembler ceux que l’histoire a dispersés ? Blanche, rwandaise, vit à Bordeaux après avoir fui le génocide des Tutsi de 1994. Elle a construit sa vie en France, avec son mari et leur fils Stokely. Mais après des années d’exil, quand elle rend visite à sa mère, Immaculata, la mémoire douloureuse refait surface. Celle qui est restée et celle qui est partie pourront-elles se pardonner ? Stokely, lui, pris entre deux pays, veut comprendre d’où il vient. Ode aux femmes persévérantes et à la transmission, ce roman mêle les voix de trois générations qui tentent de renouer des liens brisés et de trouver leur place dans le monde d’aujourd’hui.
Beata UMUBYEYI-MAIRESSE, Consolée, Autrement, 2022
1954. Au Rwanda sous tutelle belge, Consolée, fille d’un Blanc et d’une Rwandaise, est retirée à sa famille noire et placée dans une institution pour « enfants mulâtres ». Soixante-cinq ans plus tard, Ramata, quinquagénaire d’origine sénégalaise, effectue un stage d’art-thérapie dans un Ehpad du Sud-Ouest de la France. Elle y rencontre madame Astrida, une vieille femme métisse atteinte de la maladie d’Alzheimer qui perd l’usage du français et s’exprime dans une langue inconnue. En tentant de reconstituer le puzzle de la vie de cette femme, Ramata va se retrouver confrontée à son propre destin familial et aux difficultés d’être noire aujourd’hui dans l’Hexagone. Histoire d’une réparation symbolique et d’une langue retrouvée, Consolée est un roman poétique, bouleversant, qui met en résonance le passé colonial et la condition des enfants d’immigrés.
Lucas VALLERIE, Michaël Bunel, Rescapé.e.s, carnets de sauvetage en Méditerranée, La Boîte à bulles, 2023
A l’été 2022, Lucas Vallerie et Michaël Bunel ont embarqué à bord du Geo Barents, le navire affrété par Médecins Sans Frontières (MSF) pour secourir des migrants en Méditerranée. Le premier est illustrateur et bédéiste, le second est photographe. Si l’ONG les a invités, c’est pour témoigner de ce qu’ils auront vu, porter la voix des exilés et celle des sauveteurs, parler d’histoires plutôt que de chiffres sur un sujet devenu tristement banal. Au cours de leur rotation, Lucas et Michaël ont dû faire face au pire : voir une embarcation éventrée, une partie de ses occupants d’ores et déjà disparus en mer… Mais ils ont aussi vécu une aventure bouleversante et rencontré des personnalités exceptionnelles, tant du côté des sauveteurs que des rescapés. Dans ce carnet de reportage à quatre mains, ils racontent la vie à bord. Croquis, textes et photographies se complètent pour immortaliser une rencontre : celle de destinées venues des deux bords de la Méditerranée.
France VERGELY et Wahabou TARAMA – Mot par mot gravir ce monde – 06/2021 – Editions Lulu.com
Qu’espérer, vers qui se tourner quand on n’a pas encore quinze ans et qu’on débarque seul dans une ville inconnue où le hasard vous a mené. Wahabou a quitté son pays, traversé le désert et franchi la mer au péril de sa vie mais ce n’était que la première partie de l’aventure. Pour trouver sa place dans ce nouvel univers il reste à gravir de nombreux obstacles. Et d’abord à apprendre à lire et à écrire. Pour surmonter les épreuves de son parcours il va trouver des aides, saisir des mains tendues, rencontrer des amis et même fréquenter un prince. Il va surtout découvrir des mots : un an pour apprendre le français, une infinité de mots pour dire le monde…
Nabil WAKIM, L’Arabe pour tous, pourquoi ma langue est taboue en France, Le Seuil, 2020
Pourquoi Nabil Wakim était-il rouge de honte, enfant, quand sa mère lui parlait arabe dans la rue ? Pourquoi ne sait-il plus rien dire dans ce qui fut sa langue maternelle ? Est-ce la République qui empêche de parler l’arabe comme elle empêcha autrefois de parler le breton ? Voici une langue qui fait figure d’épouvantail. Ce livre fait entendre une parole souvent tue sur le malaise intime à parler sa propre langue quand il s’agit de l’arabe. C’est aussi une enquête sur les raisons de ce désamour. Alors que l’arabe est la deuxième langue la plus parlée du pays, elle n’est enseignée que dans 3 % des collèges et des lycées à environ 14 000 élèves. Soit deux fois moins qu’il y a trente ans ! En parallèle, l’enseignement de l’arabe dans des mosquées ou des associations cultuelles se multiplie – une estimation porte à 80 000 le nombre de leurs élèves. L’Arabe pour tous est un plaidoyer pour que la langue arabe trouve enfin sa juste place dans l’histoire de France. Nabil Wakim est né au Liban en 1981. Il est journaliste au Monde. Il a interrogé pour cette enquête de nombreuses personnalités qui évoquent ce sujet publiquement pour la première fois, notamment Myriam El Khomri, Karim Rissouli ou Camélia Jordana.
Antoine WAUTERS, Mahmoud ou la Montée des eaux, Gallimard, Folio, 2023
« Il s’efforçait de rire. Et eux aussi riaient, ne se doutant pas un seul instant du gouffre que cache parfois le rire d’un père. » Syrie. Un vieil homme rame à bord d’une barque, seul au milieu d’une immense étendue d’eau. En dessous de lui, sa maison d’enfance, engloutie par le lac artificiel el-Assad en 1973. Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d’un masque et d’un tuba, il plonge – et c’est sa vie entière qu’il revoit, ses enfants au temps où ils n’étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie, la prison, son premier amour, sa soif de liberté.
Catherine WIHTOL DE WENDEN, Atlas des migrations, de nouvelles solidarités à construire, Editions Autrement, 2021
Dans cette sixième édition, l’auteur souligne la nécessité de toujours penser un monde qui repose sur les mobilités.
• Pauvreté, conflits, catastrophes environnementales, travail, études, tourisme : quels sont les facteurs réels des migrations ?
• Entre accueil et rejet, quelles sont les réponses politiques possibles : fermeture des frontières, expulsions, droit d’asile, naturalisations ?
• Si l’Europe fait face à une crise migratoire sans précédent, les enjeux des migrations dans les pays émergents sont tout aussi nombreux.
• La crise sanitaire mondiale bouleversera-t-elle la mobilité de tous et la vision de l’Autre ?
Plus de 100 cartes et infographies entièrement mises à jour éclairent les phénomènes migratoires et interrogent nombre d’idées reçues.
Catherine WIHTOL DE WENDEN, Faut il ouvrir les frontières ?, 3ème édition revue et augmentée, Presses de Sciences Po, 2017
Alors que la mobilité est reconnue comme un facteur essentiel de développement humain, les deux tiers des habitants de la planète ne peuvent circuler librement. Quant aux pays traditionnels d’immigration, ils ont fermé leurs portes, si ce n’est bâti des murs pour se protéger des migrants. Les effets pervers de la fermeture des frontières sont légion. Aux victimes, aux sans-papiers et aux sans-droits, s’ajoutent les camps de réfugiés, l’économie mafieuse du passage, les déficits économiques et démographiques liés à l’absence de mobilité, sans parler du coût exorbitant des politiques de fermeture et d’expulsion. Face aux inégalités criantes du régime des frontières, il est temps que se mette en place une diplomatie internationale des migrations et que soit reconnu un droit universel à la mobilité.
Louis WITTER, La Battue, L’État, La Police et les étrangers, Le Seuil, 2023
Louis Witter a passé dix-huit mois dans le Nord-Pas-de-Calais. Dix-huit mois à enquêter sur la stratégie de politique intérieure lancée par Bernard Cazeneuve et renforcée par Emmanuel Macron et son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin : celle dite du « zéro point de fixation ». Caractérisée par des battues ou chasses à l’homme organisées toutes les 48 heures, cette stratégie de gestion policière des campements de migrants a pour but de dissuader les personnes de s’installer et de se regrouper : une manière de gouverner par l’image, l’exemple et la violence. Dans ce livre, à mi-chemin entre l’enquête et l’essai, Louis Witter montre comment la politique locale, le droit, les politiques institutionnelles et les pratiques policières œuvrent de concert pour légitimer toujours plus de violences envers les personnes étrangères. Un phénomène qui témoigne d’un rapport particulier, inquiétant et renouvelé que la police et l’État entretiennent avec l’étranger et la citoyenneté. Louis Witter est journaliste. La Battue est son premier livre.
Alice ZENITERr, L’Art de perdre, J’ai Lu, 2019
L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui ne lui a jamais été racontée ? Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma pourrait comprendre. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l’été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l’Algérie de son enfance. Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l’Algérie, des générations successives d’une famille prisonnière d’un passé tenace.