Bibliographie Passerelles

Cette bibliographie sur les migrations rassemble des livres récents, et d’autres moins mais indispensables. Les références sont classées par thèmes, eux-mêmes ordonnés par ordre alphabétique. Les bandes dessinées et romans graphiques ainsi que les livres pour la jeunesse se trouvent à la fin de la bibliographie. Elle est réalisée et mise à jour par Chloé Peytermann et Catherine Goffaux, au sein de l’association Passerelles.

Une partie de ces ouvrages est disponible à notre local 23 rue du Bourg, Dieulefit (à partir du 29 novembre, permanences le vendredi de 9h30 à 12h30 et de 14h00 à 17h00). Cette disponibilité d’un ouvrage est mentionnée après la description de l’ouvrage.

Recherche: vous pouvez utiliser le moteur de recherche de votre navigateur pour faire une recherche à partir d’un nom d’auteur, d’un pays, OU taper # puis un mot-clé de votre choix. Par exemple « #atlas » identifiera tous les livres étiquetés par nos soins « atlas ».

Dernière mise à jour sept 2024

#AFGHANISTAN

 Aikins Matthieu, Les Humbles ne craignent pas l’eau, un voyage infiltré, Charles Bonnot (trad.) Sous-sol/Seuil, 2022, 22 €

Omar, un jeune chauffeur et interprète afghan, décide de prendre la route de l’exil, laissant derrière lui son pays et son amour, Laila. M. Aikins, grand reporter, correspondant depuis 2008 du New York Times en Afghanistan, est devenu peu à peu l’ami d’Omar, son traducteur et chauffeur. Lorsque ce dernier lui annonce sa décision de rejoindre l’Europe, le journaliste décide de le suivre. Il change d’identité, détruit son passeport et se lance à ses côtés dans une odyssée parmi des millions de réfugiés prêts à s’arracher à leurs vies et leurs familles dans l’espoir d’une existence meilleure. Nous sommes en 2016, au pic de la crise des réfugiés, et M. Aikins, dans la pure tradition du journalisme en immersion, raconte les dangers et les peurs, la traversée de pays en guerre, les passeurs, la solidarité comme la haine, la terrible situation du camp de Lesbos et de l’accueil en Europe.

Ataei Aliyeh, Nouri Sabrina (trad.), La Frontière des oubliés, Gallimard, 2023, 18 € (disponible au local)

Neuf récits retracent le parcours de l’écrivaine, depuis sa fuite, enfant, de la frontière afghane pour se bâtir une vie à Téhéran. Dans chacune de ces vignettes de vie qui se font écho, elle brosse le portrait de ses compatriotes exilés, des « frontaliers », souvent des femmes, qui portent tous des traces de la guerre, des plaies profondes marquées par des balles invisibles. Et en s’imprégnant de son propre vécu, Aliyeh Ataei embrasse ici le sort de tous ceux qui ont hérité des « chromosomes-douleurs », se faisant l’écho de leurs voix si peu audibles. De son style clair et tranchant, Aliyeh Ataei dévoile des vérités qui bouleversent.

Geda Fabio, Sfez Samuel (trad.), Dans la mer, il y a des crocodiles, J’ai lu, 2022, 7,80 € (disponible au local)

Enaiat ne connaît pas son âge, mais à dix ou onze ans, il sait déjà qu’il est condamné à mort. Car il est né hazara, une ethnie afghane haïe autant par les Pachtounes que par les talibans. Pour le protéger, sa mère l’abandonne de l’autre côté de la frontière, au Pakistan. Commence alors pour ce bonhomme « pas plus haut qu’une chèvre » un périple de cinq ans pour rejoindre l’Italie en passant par l’Iran, la Turquie et la Grèce. Dans ce récit vibrant d’espoir, il nous raconte son quotidien, où la débrouille le dispute à la peur, l’entraide à la brutalité. Comme tous ceux qui témoignent de l’insoutenable, c’est sans amertume, avec une tranquille objectivité et pas mal d’ironie qu’il retrace les étapes de ce voyage insensé.

 Geda Fabio, Sfez Samuel (trad.), Histoire d’un fils, Slatkine et Cie, 2023, 19 €

L’histoire vraie d’Enaiatollah Akbari se termine en 2008, lorsque Enaiat parle à sa mère au téléphone pour la première fois après le long et aventureux voyage d’Afghanistan à Turin. Mais qu’est-il arrivé à sa famille avant ce coup de fil ? Comment ont-ils été impliqués dans la guerre contre le terrorisme qui a débuté en 2001 ? Enaiat nous emmène à travers sa vie et au-delà, le long d’un morceau d’histoire qui nous concerne tous : la relation à distance avec sa mère, la violence du fondamentalisme, l’amour et les amitiés italiennes, le retour au Pakistan, un second retour en Italie, une nouvelle maison, une douleur atroce et la joie de rencontrer Fazila. Une histoire pure, délicate et nécessaire.

#BALKANS

Danilovic Ljubisa, Georgia une histoire des migrations, Lamaindonne, 2022, 40 €

Georgia, c’est le nom du bateau dans lequel embarqua en 1906 un certain Ljubisa Danilovic, jeune Monténégrin rêvant d’un ailleurs plein de promesses. C’est à Butte, ville minière des États-Unis, dans le Montana, qu’il débarqua finalement, comme nombre de Monténégrins ou d’Italiens à l’époque. De cet homonyme dont il ne sait rien, à part la mention de son nom sur un document listant les passagers du Georgia, L. Danilovic imagine en 2021 le trajet qui le mènera de son Monténégro natal aux États-Unis, refaisant ainsi un voyage en tous points comparable. Cet ouvrage mêle des photographies de la ville de Butte, d’un Monténégro n’offrant pas d’horizon aux jeunes adultes rêvant d’ailleurs, de migrants rencontrés à Paris, Calais ou Sarajevo, et d’autres ayant passé leur vie loin de leur pays de naissance.

#CARTOGRAPHIE

Migreurop, Atlas des migrations dans le monde, liberté de circulation, frontières, inégalités, Armand Colin, 2022, 25 € (disponible au local)

Cet atlas propose un traitement éclairant des enjeux migratoires en interrogeant une question forte : la liberté de circulation. Cet ouvrage propose une prise de recul nécessaire en apportant des éléments à la fois théoriques et tirés de l’expérience vécue des migrants : mise en perspective des dynamiques historiques de la liberté de circulation, présentation des espaces de circulation existants, les migrations humaines au regard des migrations de capitaux et marchandises, les formes de circulation mises en œuvre par les migrants eux-mêmes, les imaginaires contradictoires sur le fait migratoire. Chaque partie est constituée d’une dizaine de planches faisant dialoguer des textes d’experts avec une iconographie riche (cartes, dessins, photographies), et alternant des thématiques « classiques » aux sujets les plus actuels (pandémie, circulation des données, migrations des femmes, écologie…).

 Rekacewicz Philippe, Nephtys Zwer, Cartographie radicale, Dominique Carré, 2021, 42 €

Il est des cartes radicales, qui dévoilent et dénoncent, qui protestent. Pour comprendre ces cartes rebelles, leurs fonctionnement, forces, possibilités, ce livre entreprend une exploration au cœur de la création cartographique. Que se passe-t-il quand nous élaborons une carte, qu’elle soit radicale, expérimentale ou conventionnelle ? Quelles intentions président à sa mise en œuvre ? La première fonction des cartes est de nous aider à nous repérer dans l’espace et à nous déplacer d’un point à un autre. Autour des années 1900, le sociologue W.E.B. du Bois et son équipe inventaient de nouvelles façons graphiques de représenter des données statistiques sur la situation des Noirs aux États-Unis. Quelque 60 ans plus tard, pour dénoncer le même racisme, un institut de géographie de Détroit, animé par W. Bunge et G. Warren, créait ce qui deviendra la géographie radicale. S’opère une prise de conscience quant à son usage et à ses possibilités. La cartographie radicale va spatialiser les données économiques et sociales, produire des cartes délibérément politiques qui dénoncent les inégalités, les compromissions politico-économiques, les accaparements de terres, la destruction des milieux par l’agro-industrie, la pollution… Les cartes, qui jouent traditionnellement le jeu du pouvoir, se font outils de contestation et d’émancipation quand la société civile se les approprie.

 #COLONIALISME

Azoulay Ariella Aïsha, La Résistance des bijoux, Contre les géographies coloniales, Jean-Baptiste Naudy (trad.), Rot-Bo-Krick, 2023, 15 €

À la mort de son père, Juif d’Oran naturalisé français puis israélien, Ariella Azoulay découvre que sa grand-mère portait le prénom Aïcha. En deux récits mêlant autobiographie et théorie politique, l’autrice serpente entre les catalogues de bijoux, les photos trouvées et les collections d’objets pillés, pour déployer par fragments l’histoire de sa famille et mettre en parallèle les colonialismes français en Algérie et sioniste en Palestine. Entre ces projets impériaux, elle saisit bien des continuités, à commencer par la volonté obstinée de détruire l’enchevêtrement séculaire des mondes juifs, arabes et berbères, un entrelacs qu’elle revendique pour mieux le restaurer. Ariella Azoulay est écrivaine, chercheuse, cinéaste expérimentale et commissaire d’archives anticoloniales. Née en 1962 dans la colonie sioniste de Palestine, elle est professeure à l’université Brown.

#CONDITION FÉMININE

 Schmoll Camille, Les Damnées de la mer, femmes et frontières en Méditerranée, La Découverte, 2020, 20 € 

Longtemps, les femmes ont été absentes du grand récit des migrations. On les voyait plutôt, telles des Pénélope africaines, attendre leur époux, patientes et sédentaires. Il n’était pas question de celles qui émigraient seules. Elles sont pourtant nombreuses à quitter leur foyer et leurs proches, et à entreprendre la longue traversée du désert et de la Méditerranée. Fondé sur une recherche au long cours, menée aux marges de l’Europe, ce livre est une enquête sur la trace des survivantes. Elles sont en proie à l’ennui et à la marginalisation, mais ces femmes sont également résistantes et stratèges, à la recherche de lignes de fuite.

 #CONDITION MIGRANTE

 Le Courant Stefan (dir.), Agier Michel (dir.), Babels, enquête sur la condition migrante, Points, 2022, 12,50 €

À partir de 2015, une quarantaine de chercheuses et chercheurs en sciences sociales se sont mobilisés pour comprendre la « crise migratoire » en France, en Europe et en Méditerranée. De Lesbos à Calais, de Beyrouth à Berlin, de Lampedusa à Paris, ils ont suivi les parcours des exilés poussés sur les routes par les troubles politiques, sociaux, environnementaux. Les relations qui lient ces migrants aux États, aux villes et aux sociétés d’accueil font naître les Babels de demain. 
Ce livre offre une nouvelle compréhension de la condition migrante contemporaine.

Nouss Alexis, La Condition de l’exilé, Penser les migrations contemporaines, Maison des Sciences de l’Homme, 2019, 12 €

Les phénomènes migratoires atteignent une ampleur inédite et suscitent de graves crises sociétales en Europe et ailleurs. C’est pourquoi il importe d’en renouveler les analyses en se penchant sur la condition des exilés. Si les discours actuels font du migrant une figure propre à alimenter chiffres et statistiques, ils gomment son vécu et ses parcours, ses espoirs et ses souffrances. Or, le migrant est d’abord un exilé, porteur à ce titre d’une identité plurielle et d’une expérience de multi-appartenance propres à enrichir le vivre-ensemble. Comprendre le migrant en tant qu’exilé permettra de mieux l’accueillir et, en place d’un droit d’asile défaillant, d’esquisser les fondements d’un droit d’exil.

Sayad Abdelmalek, Bourdieu Pierre (préf.), La Double Absence, des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, Points, 2014, 13,40 € (disponible au local)

L’émigration et l’immigration sont deux phénomènes aussi indissociables que le recto et le verso de la même feuille et pourtant très différents en apparence, au point qu’on croit pouvoir comprendre l’un sans connaître l’autre. A. Sayad dévoile les contradictions inscrites dans la condition d’immigré : absent de sa famille, de son village, de son pays, et frappé d’une sorte de culpabilité inexpiable, mais tout aussi absent, du fait de l’exclusion dont il est victime, du pays d’arrivée, qui le traite comme simple force de travail. Autant de choses qui ne sont pas seulement dites dans le langage habituel de la littérature critique, mais également dans la langue que les immigrés emploient eux-mêmes pour faire part de leur propre expérience.

#CONTINENT AFRICAIN

Baba Fotso Toukam Junior, Clouet Claire, Sur le chemin de ses rêves, Dacres, 2021, 12 €

En nous racontant avec ses mots et ses dictons son expérience de vie, Baba Fotso Toukam Junior, accompagné par Claire Clouet, offre le portrait d’une enfance en Afrique entre insouciance et besoin de survie, un départ non programmé vers l’inconnu de l’exil et les nombreuses épreuves d’un parcours migratoire où l’auteur met à profit ses ressources et son intuition pour arriver au bout du chemin de ses rêves.

Begag Azouz, Mamadou Sow, Né pour partir, le récit de Mamadou, Milan, 2023, 13,90 €

Le récit de la migration du jeune Guinéen Mamadou Sow parti seul en novembre 2015 à travers la Guinée, le Mali, l’Algérie, la Libye, l’Italie et la France. Son but était de trouver en France des médicaments pour soigner son père. Un témoignage rapporté par l’écrivain Azouz Begag.

Boum Hemley, Le Rêve du pêcheur, Gallimard, 2024, 21,50 €

« Dans l’avion qui me menait au loin, j’ai eu le sentiment de respirer à pleins poumons pour la première fois de ma vie et j’en ai pleuré de soulagement. » Zack a fui le Cameroun à dix-huit ans, abandonnant sa mère, Dorothée, à son sort et à ses secrets. Devenu psychologue clinicien à Paris, marié et père de famille, il est rattrapé par le passé alors que la vie qu’il s’est construite prend l’eau de toutes parts… À quelques décennies de là, son grand-père Zacharias, pêcheur dans un petit village côtier, voit son mode de vie traditionnel bouleversé par une importante compagnie forestière. Il rêve d’un autre avenir pour les siens… Avec ces deux histoires savamment entrelacées, Hemley Boum signe une fresque puissante et lumineuse qui éclaire à la fois les replis de la conscience et les mystères de la transmission.

Diomé Fatou, Le Ventre de l’Atlantique, Livre de Poche, 2005, 7,70 €

Salie vit en France. Son frère, Madické, rêve de l’y rejoindre et compte sur elle. Mais comment lui expliquer la face cachée de l’immigration, lui qui voit la France comme une terre promise où réussissent les footballeurs sénégalais, où vont se réfugier ceux qui, comme Sankèle, fuient un destin tragique ? Les relations entre Madické et Salie dévoilent l’inconfortable situation des « venus de France », écrasés par les attentes démesurées de ceux qui sont restés au pays et confrontés à la difficulté d’être l’Autre partout. Distillant leurre et espoir, Le Ventre de l’Atlantique charrie entre l’Europe et l’Afrique des destins contrastés. Car, même si la souffrance de ceux qui restent est indicible, il s’agit de partir, voguer, libre comme une algue de l’Atlantique.

Dramé Fanta, Ajar-Paris, HarperCollins, 2023, 7,30 € (disponible au local)

En 2013, après le décès de sa grand-mère, F. Dramé se rend pour la première fois en Mauritanie, à Ajar, le village natal de son père. De retour à Paris et bouleversée par ce voyage, elle décide d’aller à la rencontre du plus troublant des paysages, celui de ses origines. N’éludant que ce qui met à mal sa pudeur culturelle, son père dévoile enfin l’histoire qu’il n’avait jamais racontée. Il évoque les doutes et les épreuves qui ont marqué sa décision de quitter son pays et jalonné son existence au cœur d’une culture si différente de la sienne. Un récit sensible où les voix générationnelles se confrontent, dans l’émotion, l’incompréhension parfois.

Hayden Sally, Bienvenue aux enfers, Buchet-Chastel, 2024, 23 €

Sally Hayden est chez elle lorsqu’elle reçoit un message sur Facebook : « Bonjour, sœur Sally, nous avons besoin de votre aide. Si vous avez le temps, je vous raconterai toute l’histoire. » L’expéditeur est un réfugié érythréen détenu dans un centre libyen. Commence alors un récit glaçant : un travail unique et absolument remarquable, offrant un accès direct et sans précédent aux vies des détenus. Sally Hayden a rassemblé ses entretiens avec les réfugiés réduits en esclavage, pris au piège des camps libyens où torture, viols, exécutions sont le quotidien. Elle condamne l’impuissance et le double jeu des institutions internationales et dénonce la corruption qui peut toucher les équipes chargées de l’aide humanitaire. Bienvenue aux Enfers met aussi en lumière l’entraide qui existe entre les migrants et la grande résilience dont font preuve les humains.

Kamerun Dennis, Les Héros du quotidien, Dacres, 2022, 12 €

« Passager de l’automobile, j’admirais le paysage désertique à travers les vitres sales, éclaboussées, de la vieille voiture. Bandes de poussières collées et asséchées, si sales que je doutais que même des années auparavant, la pluie les ait effleurées. Des huttes en paille plantées çà et là le long des sentiers sablés, jalonnés d’arbustes presque moribonds sous la canicule saharienne. Il faisait une chaleur à vous brûler les cheveux, le ciel d’un bleu limpide projetait de son éclat les rayons lumineux du soleil brûlant de l’après-midi, nous étions en pleine traversée du territoire des Touaregs. » Les Héros du quotidien est un texte de témoin, un texte témoin d’un monde, celui des espaces qu’on franchit alors qu’ils sont infranchissables. C’est un texte halluciné et fabuleux, un texte rescapé.

Ngatcheu Stephen, Chez moi ou presque, Dacres, 2020, 12 €

« Après vingt-deux heures d’une navigation abominable, le zodiac, en surcharge, chavire : ainsi quarante personnes vont perdre la vie dans les vagues. Mes derniers souvenirs seront leurs cris de détresse, la peur sur leurs visages puis les corps qui flottaient sur l’eau. Il est trois heures du matin, nous ne sommes plus que douze, de toutes nationalités et de religions confondues, livrés à nous-mêmes. Aucune embarcation à l’horizon. Il reste quatre femmes, trois enfants et cinq hommes jeunes. » S. Ngatcheu a écrit une sorte d’épopée pour dire la mer, la nuit, les forêts. Il ne raconte pas pour informer, pour communiquer ou pour convaincre, il n’écrit pas pour répondre à des questions ni pour répondre de sa vulnérabilité. Il transmet et il crée. Odes à la terre d’Afrique, récits d’épreuves initiatiques, déceptions de l’après, exaltation du trajet, de la vie qui va, de la littérature.

Rwabuhihi Ezéchias, Titre de voyage, Ponts interdits de l’exil, Baudelaire, 2023, 16 €

Blessé et expulsé de l’université du Rwanda après une nuit de violences contre les étudiants tutsis en 1973, Ezéchias Rwabuhihi s’exile au Burundi. Il finit ses études médicales au Sénégal, où il passe quatorze ans avant de se rendre en Suisse et au Cameroun. Son travail lui offre la possibilité de voyager dans une dizaine de pays différents, le Burundi, le Canada, la Guinée, la Tchécoslovaquie, le Burkina Faso, ou encore la Suisse. Avec son titre de voyage de réfugié, il expérimente les humiliations des consulats, les suspicions des aéroports et la fréquente question assassine : Que venez-vous faire chez nous ? Souvent chargés de gravité, ces récits sont parfois allégés par l’humour pour dévoiler la réalité des combats de l’auteur. Soutenu par de belles rencontres humaines dans chaque pays visité, l’écrivain garde l’espoir secret du retour au pays. Celui-ci restera inassouvi, à cause du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda.

#FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE

Valabrègue Frédéric, Le Candidat, POL, 2010, 16,25 €

Le voyage d’un jeune Burkinabé, Abdou. Rien du reportage, de la chronique, ou d’une dénonciation, mais le récit des ruses que met en œuvre le jeune homme pour parvenir à son but. La plus grande des aventures, ici, est celle du langage. F. Valabrègue a vécu son adolescence au Niger. Ses souvenirs, la finesse de son oreille, ses capacités d’empathie lui permettent de créer une langue juste et inventive. Comme si cela ne suffisait pas, il fait de son personnage et narrateur, Abdou, qui est fils de griot, un musicien (violon et guitare), et un poète (même si lui-même l’ignore). Abdou marche au rythme de sa parole, parle au rythme de sa marche. Sa voix ne représente pas le monde, mais en constitue un. Illégal, clandestin, sans papiers, Abdou s’affranchit par le langage : « je mets du djerma, gourmantché, poular, tamachèque dans mon français. Je prends un peu de chaque. Je griotte en bambara ».

Vassilis Alexakis, Les Mots étrangers, Folio, 2004, 9,40 €

Né à Athènes, Vassilis Alexakis s’est installé en France à l’âge de 25 ans. Il a écrit des romans en langue française, et a attendu d’avoir 40 ans pour écrire son premier roman en grec. Ensuite, il a traduit en français ce roman grec, et traduit en grec certains de ses romans français. À plus de 50 ans, il a signé un livre intitulé La Langue maternelle et s’est mis à apprendre le sango, la langue de Centrafrique, pour retrouver l’émerveillement d’une langue étrangère.

Wakim Nabil, L’Arabe pour tous, pourquoi ma langue est taboue en France, Seuil, 2020, 18 €

Pourquoi N. Wakim enfant était-il rouge de honte quand sa mère lui parlait arabe dans la rue ? Pourquoi ne sait-il plus rien dire dans ce qui fut sa langue maternelle ? Est-ce la République qui empêche de parler l’arabe ? Cette langue fait figure d’épouvantail. Si Jean-Michel Blanquer évoque l’idée de l’apprendre un peu plus en classe : tollé contre les risques de communautarisme. Quand Najat Vallaud-Belkacem propose de réformer son enseignement, elle est accusée de vouloir imposer la langue du Coran à tous les petits Français. Ce livre fait entendre une parole souvent tue sur le malaise intime à parler sa propre langue quand il s’agit de l’arabe ; c’est aussi une enquête sur les raisons de ce désamour. Alors que l’arabe est la 2e langue la plus parlée du pays, elle n’est enseignée que dans 3% des collèges et des lycées à 14 000 élèves, deux fois moins qu’il y a trente ans ! En parallèle, l’enseignement dans des mosquées ou associations cultuelles s’accroît – une estimation porte à 80 000 le nombre de leurs élèves. N’est-il pas temps de se convaincre que l’enseignement de l’arabe pourrait être une chance pour notre pays ?

#FRONTIÈRES

Bernard Émilien, Forteresse Europe, enquête sur l’envers de nos frontières, Lux, 2024, 20 €

Aux frontières de l’Europe, murs et barrières poussent comme des champignons. Une épidémie de barbelés, symptôme d’une vision du monde xénophobe : les personnes migrantes menaceraient le monde occidental et seraient une nuisance à endiguer coûte que coûte. Leur opposer une forteresse, ruineux délire paranoïaque au service du repli identitaire, c’est aussi ignorer les mécanismes des migrations, dont l’Europe a tant profité. Il est temps d’inverser la focale. Dans cette enquête menée des deux côtés de la Méditerranée, É. Bernard montre la réalité des frontières européennes dressées contre ces « indésirables » qui tentent de les franchir. De Laâyoune à Melilla en passant par Lampedusa, Belgrade ou Calais, la succession d’obstacles, aussi divers qu’inutiles, sert à repousser et invisibiliser celles et ceux qui veulent simplement se construire une vie ailleurs.

Digo Sophie, Deschamps Bastien (phot.), Penser avec la frontière, D’une rive à l’autre, 2024, 38 €

« Le dos de Youssef ressemble à une photographie aérienne de la vallée de l’Evros. On y aperçoit les sillons gravés par les violents refoulements à la frontière, les traces de coups qui érodent la chair, creusent comme des gorges plus sombres à même la peau. » S. Djigo est philosophe de terrain. Rattrapée par l’actualité de la frontière franco-britannique, non loin de laquelle elle enseigne, elle mène des enquêtes auprès de personnes en exil, à Calais, Londres mais aussi Paris-La Chapelle et Bruxelles. B. Deschamps est un photographe itinérant. Il revendique sa pratique de la photographie comme une géopoétique. Ils nous offrent un aperçu de ce qui se joue aux frontières de l’Europe en concentrant leur regard le long du fleuve Evros qui sépare la Turquie et la Grèce. Traverser le fleuve revient alors à éprouver les nuances plus fines de la réalité aux frontières, où se noue toute une série de paradoxes, dont la philosophie tente de rendre compte en réajustant la pensée au réel.

Jones Reece, La Violence des frontières, les réfugiés et le droit de circuler, Eliott, 2022, 20 €

Au cours de la dernière décennie, près de 40 000 personnes sont mortes en tentant de franchir des frontières internationales. La mort de ces migrants n’a rien de fortuit : elle résulte des politiques des États qui visent à contenir les populations et à contrôler l’accès aux ressources, exploitant ainsi des bassins de main-d’œuvre bon marché, en tirant parti de réglementations environnementales et sociales laxistes. Parcourant de nombreuses régions du monde, Jones recense les milliards de dollars dépensés dans des projets de sécurité frontalière et leurs conséquences.

Mau Steffen, La Réinvention des frontières au XXIe siècle, Maison des Sciences de l’homme, 2023, 12 € (disponible au local)

La mondialisation est souvent associée à l’effacement des frontières entre les États et à la liberté de circuler. En étudiant les évolutions récentes des frontières, S. Mau, sociologue, montre que loin de disparaître, elles se sont transformées au XXIe siècle en machines de tri. Avec l’aide de la numérisation et des nouvelles technologies de contrôle, elles se muent en smart borders, chargées de distinguer les voyageurs souhaités de ceux qui sont jugés indésirables. Ainsi, seuls quelques privilégiés bénéficient d’une liberté de circulation mondiale, tandis que pour le reste de la population, les frontières restent fermées. Une approche critique et inédite.

Rosière Stéphane, Frontières de fer, le cloisonnement du monde, Syllepse, 2020, 12 € (disponible au local)

Du mur que Trump entend ériger à la frontière avec le Mexique au mur édifié par Israël dans le cadre de son projet colonial en passant par Frontex et les multiples murs de l’Europe forteresse, tout indique que nous assistons à un « nouveau cloisonnement du monde ». Ces murs représentent aujourd’hui plus de 10% du linéaire mondial de frontières. Ils sont la partie émergée de systèmes de surveillance et de contrôle. S’ils sont généralement justifiés par la lutte contre les trafics et le terrorisme, la plupart sont en fait des barrières anti-migrants. Comment, à la vision « ouverte » et positive des frontières, qui culmina avec la chute du mur de Berlin, a succédé une ère de peur et de violence symbolisée par ces nouveaux « rideaux de fer », qui augmentent le nombre de décès liés à leur contournement ? Nombreuses cartes.

Walia Harsha, Frontières et Domination, Migrations, Capitalisme, Nationalisme, Lux, 2023, 23 €

La « crise migratoire » n’est que le résultat inévitable de la colonisation, de la mondialisation capitaliste et des dérèglements climatiques. L’imputer à celles et ceux qui font les frais de l’exploitation et de l’extractivisme exonère les vrais responsables et permet de justifier le renforcement militaire des frontières, de diviser la classe ouvrière internationale, de consolider la domination de la classe dirigeante. Ce livre dissèque la frontière comme méthode intrinsèque au processus de formation de l’État, de hiérarchisation sociale, de contrôle de la main-d’œuvre et de promotion de nationalismes xénophobes. En étudiant les cas de différents pays d’Amérique, d’Europe, d’Asie et d’Océanie, l’autrice appelle à l’action. S’appuyant sur le travail de politologues et de journalistes, elle donne aussi à lire des témoignages de migrants pour offrir cette synthèse nécessaire des combats menés partout dans le monde pour l’abolition des frontières.

#FRONTIÈRE FRANCO-ITALIENNE

Fassin Didier, Defossez Marie-Claire, L’Exil toujours recommencé, Seuil, 2024, 24 €
 (disponible au local)

Cinq années durant, D. Fassin et A.-C. Defossez ont mené une recherche à la frontière entre l’Italie et la France auprès de nombre d’exilés, pour reconstituer leur périple en l’inscrivant dans le contexte géopolitique des bouleversements du monde. Ils ont pris part aux activités menées pour leur porter assistance. Ils ont rencontré les acteurs de ce territoire de migrations millénaires. Leur enquête donne ainsi à comprendre l’expérience des exilés, l’engagement des volontaires et même le désarroi des forces de l’ordre, conscientes de la vanité de leur mission. Elle dévoile l’inefficacité d’une militarisation de la frontière qui rend plus dangereuse la traversée de la montagne et d’une politique qui nie les droits de personnes en quête de protection. Anthropologue et médecin, D. Fassin est professeur au Collège de France et directeur d’études à l’EHESS. A.-C. Defossez est sociologue, chercheure à l’Institute for Advanced Study de Princeton. 

ObsMiGAM, Le Manège des frontières, criminalisation des migrants et solidarités dans les Alpes-Maritimes, Le Passager clandestin, 2020, 10 €

Les Alpes-Maritimes – une région transfrontalière englobant le département français homonyme ainsi que le versant italien de cette frontière – sont aujourd´hui un pôle migratoire de premier plan tant par le volume de migrants concernés que par l´enjeu politico-médiatique que ceux-ci représentent. Devenu emblématique du « retour des frontières » au sein de l´Europe unie, ce territoire désormais symbole de la nouvelle fortification européenne est une des scènes majeures du « spectacle de la frontière » et des multiples luttes autour de ses enjeux. L´Observatoire des migrations a réuni des sociologues, des anthropologues, des géographes, des politistes et des historiens ainsi que des acteurs de la société civile autour d´une analyse de cas interdisciplinaire et multidimensionnelle.

#FRONTIÈRE ESPAGNOLE

Tyszler Elsa, Se battre aux frontières de Ceuta et Melilla, Presses universitaires de Vincennes, 2024, 19 €

Aux frontières de Ceuta & Melilla : qui se bat, comment et pourquoi ? Fruit d’une enquête de trois ans auprès de personnes en quête d’exil, ce livre dissèque, avec elles, un régime de violences extrêmes mis en place au nom de la défense de l’Europe. Ceuta et Melilla matérialisent les seules frontières terrestres entre l’Afrique et l’Europe. Mettant au cœur de l’analyse les points de vue de celles et ceux qui tentent de les franchir, ce livre dissèque un régime de violences extrêmes, mis en place au nom de la défense de l’Europe. Montrant comment les rapports de race et de genre façonnent la mise en œuvre du contrôle migratoire, côté espagnol comme marocain, il pointe la négrophobie et les violences sexistes et sexuelles engendrées par les politiques à l’œuvre. Ce faisant, il relate aussi les résistances et marges d’agentivité des opprimés.

#HABITAT

Fert Bruno, Refuge, dans l’intimité de l’exil, Autrement, 2019, 25 €

« Habiter est ce que nous avons tous en commun. Que nous soyons nomades ou sédentaires, nous habitons tous. Les abris temporaires des populations migrantes reflètent leur personnalité, tout comme nos appartements et nos maisons parlent de nous. C’est à partir de ce point commun que je veux amener le public à s’identifier, à se mettre à la place de l’autre en observant son lieu de vie. » Depuis 2016, Bruno Fert parcourt les camps de réfugiés de Grèce, d’Italie, de France, pour y photographier les habitats provisoires – abris de fortune, chambres, appartements – de ceux qui ont fui leur pays. La reconstruction de soi passe par l’appropriation de son propre intérieur.

Gardesse Camille, Driant Jean-Claude, Crise du logement, crise de l’accueil, défis sociaux de l’habitat dans la France des années 2020, L’Harmattan, 2023, 20 €

Réunissant des textes de jeunes chercheurs travaillant sur l’habitat et issus de plusieurs disciplines des sciences sociales, cet ouvrage propose une lecture de ce que les crises du logement et de l’accueil produisent comme enjeux et effets dans différents contextes urbains. Diverses situations sont étudiées, du sans-abrisme à l’hébergement chez un tiers ou en structure institutionnelle. Les analyses portent sur les modalités d’actions publiques ou privées déployées pour accompagner les personnes en situation de précarité résidentielle et sur la manière dont celles-ci vivent ces situations. Les apports empiriques et théoriques de ces travaux conduisent à interroger le vocable de « crise » fréquemment mobilisé par les pouvoirs publics pour aborder les problématiques d’inégalités liées à l’accès au logement et aux droits des personnes exilées.

#HISTOIRE

Akoka Karen, L’Asile et l’Exil, une histoire de la distinction réfugié/migrant, La Découverte, 2020, 24 € (disponible au local)

La distinction entre réfugiés politiques et migrants économiques s’est aujourd’hui imposée comme une évidence, tout comme la hiérarchie qui légitime l’accueil des réfugiés au détriment des migrants. Ces définitions en disent plus long sur les États qui les appliquent que sur les individus qu’elles sont censées désigner. La catégorie de réfugié se reconfigure en réalité sans cesse, au fil du temps, au gré des changements de rapports de force et de priorités politiques. Plutôt que d’analyser les parcours des exilés pour déterminer s’il s’agit de réfugiés ou de migrants, cet ouvrage dissèque l’institution qui les nomme : l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), depuis sa création en 1952. Il établit que la chute du taux de reconnaissance du statut de réfugié est moins liée à la transformation des profils des requérants, à l’obsolescence de la Convention de Genève ou à une perte d’indépendance de l’Ofpra qu’à un changement de subordination. En s’intéressant aux acteurs du droit d’asile, cette socio-histoire des politiques d’asile en France apporte une contribution nouvelle à l’analyse du pouvoir d’État en actes à l’égard des étrangers.

Cabanes Bruno, Un siècle de réfugiés, photographier l’exil, Seuil, 2019, 34 €

Le XXe siècle a été le siècle du déplacement et de l’exode. Depuis la fin de la Guerre froide, la crise mondiale des réfugiés est toujours d’actualité. En fait, à la suite des récents conflits en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique centrale, le nombre de réfugiés est en augmentation régulière.

Collectif (Patrick Boucheron, François Héran, sous la direction de Sébastien Gokalp), Une histoire de l’immigration en 100 objets, La Martinière, 2023, 26 €

Une peinture, une truelle de maçon, une photographie, un passeport ou encore une paire de bottes : que nous racontent les 100 objets réunis dans cet ouvrage parmi tous ceux qui sont exposés dans le nouveau Musée national de l’Histoire de l’immigration ? Objets intimes, ils incarnent d’abord la trace d’un parcours d’exil. Objets historiques, ils témoignent des mobilités humaines en France, de 1685 à nos jours. Objets artistiques, ils interrogent notre part d’altérité. Tous racontent une histoire commune, celle de notre pays.

Demoule Jean-Paul, Homo Migrans, une histoire globale des migrations, Payot, 2024, 11 €

« Mais, au fond, qui a vraiment peur des migrations ? » Au commencement, les Homo erectus sortirent d’Afrique il y a deux millions d’années. Les Homo sapiens les suivirent, inventèrent l’agriculture et peuplèrent la planète. Ils bâtirent des empires, par définition multi-ethniques et en perpétuelle extension, entraînant à l’ère de la mondialisation toujours plus de conquêtes, d’exils et de brassages de populations avec leurs voisins dits « barbares ». Aucune des grandes nations d’Europe n’a connu de peuplement homogène et stable, quel que soit son roman national. Depuis les déplacements du paléolithique jusqu’aux concentrations urbaines actuelles, nous n’avons cessé de migrer. Tant qu’il y aura des guerres, des dictatures et des catastrophes climatiques, les migrations économiques ou politiques continueront.

Diaz Delphine, En exil. Les réfugiés en Europe, du XVIIIe siècle à nos jours, Folio Histoire, 2021, 10,40 €

Cet ouvrage interroge les multiples dénominations et représentations relatives aux « migrants » partis sous la contrainte, en allant de l’ « éxilé », du « proscrit », au « demandeur d’asile » et au « réfugié ». On y entend résonner les discours prononcés par des proscrits qui ont marqué leur temps, les échos des œuvres littéraires que les exilés nous ont laissées en héritage, depuis Les Châtiments de Victor Hugo jusqu’au Persépolis de Marjane Satrapi, mais on distingue aussi le murmure anonyme des « sans-État », dénigrés et rejetés. Le livre donne enfin la part belle aux oubliés de la migration – femmes, enfants et vieillards – pourtant largement impliqués dans cette histoire en mouvement. Ce récit transnational de l’histoire chronologique des réfugiés donne vie et corps aux exilés d’hier et d’aujourd’hui : il restitue leur expérience collective mais aussi la singularité de leurs parcours européens.

Hanus P., Vanderlick B., Sur la route de l’exil, Un centre d’hébergement pour réfugiés à Cognin-les-Gorges (1977-1992), co-édition : commune de Cognin-les-Gorges, de Saint-Marcellin Vercors Isère Communauté et Cpa, 2020, 12 €

Entre 1977 et 1992, au pied du Vercors, plusieurs centaines de familles de réfugiés cambodgiens, laotiens, vietnamiens – puis afghans, kurdes et zaïrois – ont séjourné au centre d’hébergement de Cognin-les-Gorges. Pouvoirs publics et monde associatif ont coopéré pour accueillir ces victimes des grands conflits du XXe siècle. Cette singulière expérience sociale basée sur la rencontre entre des personnes exilées et la population locale a marqué les esprits. Cet ouvrage nourri de témoignages, associant de nombreuses images d’archives et des photographies contemporaines, réinscrit cette histoire et ces mémoires dans le contexte géopolitique et socio-économique qui permit l’expression de cet élan de solidarité. Il voudrait également contribuer à la réflexion sur les formes concrètes d’hospitalité à l’œuvre dans la société française aujourd’hui.

Disponible sur demande auprès de : contact@le-cpa.com

Langrognet Fabrice, Voisins de passage. Une microhistoire des migrations, Green Nancy (préf.), La Découverte, 24 €

En portant son regard sur une « cité » d’habitation, au cœur de la Plaine-Saint-Denis, F. Langrognet offre une passionnante histoire sociale et culturelle des migrations en France, du début de la IIIe République à la crise des années 1930. La Plaine-Saint-Denis est alors quartier industriel où se croisent des myriades de migrants issus des classes populaires, d’origine provinciale, étrangère ou coloniale. L’historien raconte comment les habitants arrivent et repartent, se côtoient et s’ignorent, sympathisent et s’affrontent, redessinant sans cesse les contours de leurs appartenances. Il reconstitue ainsi l’expérience vécue par plusieurs générations. Vivre à cet endroit et à cette époque impose de composer avec un environnement en constante évolution et de tirer parti des règles d’un jeu social complexe. C’est à ce prix que l’on parvient à se repérer dans un univers en ébullition où les allégeances nationales, ethniques, raciales, de genre et de classe se recomposent sans cesse.

Parrot Karine, Étranger, Anamosa, 2023, 9 €

Ce livre revient, sous l’angle du droit, sur l’histoire de la nationalité française inventée à la fin du XIXe siècle et utilisée depuis pour fabriquer des étrangers et les soumettre à des régimes plus ou moins sévères suivant les besoins du marché du travail. Barbare, métèque, esclave, aubain… Jusqu’à une période récente, il n’existe pas de définition univoque de l’étranger car il se définit en creux, par défaut, comme celui qui n’appartient pas à la communauté. Ce flou entourant la notion d’étranger a aujourd’hui disparu. Le droit moderne a dessiné les contours du concept au scalpel : l’étranger est celui qui n’a pas la nationalité de l’État sur le territoire duquel il se trouve. Depuis les années 1980, paré de sa légitimité ontologique, le droit créé de nouvelles sous-catégories d’étrangers (les demandeurs d’asile ou les migrants) censées justifier qu’on les enferme massivement, qu’on les expulse ou qu’on les abandonne à leur sort.

Quétel Claude, Histoire des murs, une autre histoire des hommes, Tempus Perrin, 2020, 9 €

Quand ils ne sont ni de maison ni de prison, les murs sont des instruments de contrôle, d’exclusion, d’interdiction, de mémoire, aussi. De la Grande Muraille de Chine aux murs d’îlots d’habitation sécurisés derrière lesquels vivent aujourd’hui quelque 8 millions d’Américains, de l’étonnant mur de la peste au XVIIIe siècle au « mur de Bush » séparant les États-Unis et le Mexique, du mur de Berlin aux murs-manifestes, Claude Quétel propose un passionnant tour d’horizon des murs à travers les âges et les civilisations.

Wihtol de Wenden Catherine, Figures de l’autre, Perceptions du migrant en France 1870-2022, CNRS éditions, 2022, 22 €

La France a vu monter la prégnance de la figure de l’Autre. Au fil des diverses vagues d’immigration, les critères stéréotypés de l’altérité demeurent intacts ; la religion (des Polonais « bien trop catholiques » dans la France laïque de la 3e République aux musulmans « islamistes »), la violence (du « couteau facile » des Italiens dans les années 1890 au terrorisme importé de Syrie), la concurrence déloyale sur le marché du travail (du « un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés de trop ! » des années 1970 au plombier polonais). En se basant sur les articles de journaux, les proclamations politiques, les ouvrages de sciences sociales, mais aussi les romans et films, C. Wihtol de Wenden montre comment la mémoire collective concernant l’image de l’Autre s’est construite de 1870 à nos jours. Et propose quelques pistes pour en finir avec la figure péjorative du migrant : une citoyenneté inclusive, la lutte contre les discriminations, la construction d’une mémoire du vivre ensemble par la mise en musées.

#HOSPITALITÉ

Agier Michel, La Peur des autres, essai sur l’indésirabilité, Rivages, 2022, 16 € (disponible au local)

La peur des autres – proches ou lointains – se transforme en repli sur soi, souvent en mépris, rejet. Plus encore, elle fonde des politiques. C’est ainsi que naît l’indésirable, image spectrale et effrayante de celle ou celui qui peut être chassé à la frontière, nationale ou urbaine, voire abandonné à la mort. Il n’y a pas de compromis possible avec ces politiques de la peur et de la haine des autres. Une autre description du monde, un autre horizon des possibles et d’autres imaginaires sont nécessaires pour redonner à chacun et chacune le sens et le courage de la vie commune. 

Arveiller Jean-Paul, Guide du bénévole social, Éres, 2007, 13,50 € (disponible au local)

Réalisé à partir de plusieurs années de pratiques partenariales et en se basant sur des mots-clés et des situations concrètes, ce guide vise à soutenir le bénévole social dans sa spécificité, et à l’aider dans sa réflexion et son action au quotidien avec des personnes en situation de fragilité. Pour être efficace et éviter les erreurs, le bénévole doit se former et réfléchir à ce qu’il fait : suivez le guide !

Delpal Bernard, À Dieulefit, nul n’est étranger, PMH, 2019, 13 € (disponible au local)

Pendant les années sombres de la Deuxième Guerre, le gouvernement de la France et l’Occupant allemand ont collaboré pour appliquer un programme inhumain d’épuration raciale, de terreur politique et d’asservissement économique. Des dizaines de milliers de personnes traquées, menacées ont cherché à leur échapper en trouvant de l’aide. La population de Dieulefit et des villages voisins a accueilli un très grand nombre d’adultes et d’enfants, français et étrangers, juifs et non-juifs. Ils ont été cachés, réconfortés et ont pu survivre décemment. Les habitants du pays ont réussi à sauver de la barbarie toutes les personnes venues s’y réfugier. Ce fut un acte authentique de résistance. Ce livre ambitionne de faire entrer ces habitants dans l’Histoire et prendre la mesure de ce qui a été accompli par ces héros silencieux.

Herrou Cédric, Change ton monde, Les liens qui libèrent, 2021, 8,90 € (disponible au local)

« Avant de changer le monde, chaque citoyen a le pouvoir de changer le sien. » Agriculteur de la Roya, poursuivi en justice pour avoir accueilli des milliers d’exilés franchissant la frontière franco-italienne, Cédric Herrou est devenu symbole de fraternité. Durant des années, il tient bon face à la violence de l’État et continue à faire ce qui lui semble juste. Le récit de ce combat reflète le courage d’un homme qui a fait le choix de la solidarité.

Macé Marielle, Sidérer, Considérer, migrants en France, Verdier, 2017, 6,50 €

Que faire du mélange de colère et de mélancolie que suscite en nous le traitement réservé aux migrants, cette humanité précarisée, avec tout ce qu’il peut avoir de paralysant, de sidérant ? S’appuyant sur diverses expériences et sur une analyse nourrie de ses lectures, Marielle Macé tente d’opérer un retournement. Elle oppose à la sidération la considération, qui n’exclut pas la compassion, ni la lutte. Tout en approfondissant le sens de ce mot, elle nous invite à risquer d’autres formes d’écriture politique de l’hospitalité.

Morin Marie-Laure, Faire de l’étranger un hôte, l’hospitalité : un droit fondamental, Syllepse, 2022, 18 €

Face aux migrations, au nom de la sécurité et de l’identité, l’Europe, comme une forteresse, ferme la porte aux exilés. Des murs se dressent, les exilés sont maintenus hors des frontières ou retenus dans des camps. Le refus de l’accueil se paye de morts, de condamnations à l’errance, de violations des droits de l’Homme ; il menace en retour l’État de droit et la démocratie. Pour l’auteure, faire de l’hospitalité un droit fondamental est une nécessité impérieuse pour répondre à cet enjeu. Elle propose de faire de l’hospitalité la boussole nationale et internationale pour construire un autre droit des migrations en le conjuguant avec d’autres principes (fraternité, solidarité, égalité, dignité).

Rogozinski Jacob, Inhospitalité, Cerf, 2024, 18 €

Accueillir ? Ne pas accueillir ? Pourquoi l’hospitalité ? Pourquoi l’inhospitalité ? Pourquoi les migrants sont-ils violemment rejetés ? Pourquoi les descendants des immigrés demeurent-ils suspects ? Jacob Rogozinski s’interroge sur l’inhospitalité croissante des nations occidentales. De la philosophie à la psychanalyse, en passant par Kant et Derrida, il examine la crise du corps politique telle qu’on la voit à l’œuvre dans les démocraties modernes, en s’intéressant particulièrement à l’angoisse qu’elle provoque. La xénophobie interdit d’accueillir l’autre comme la chair de ma chair et ainsi d’accéder à une communauté universelle des vivants. Or, une véritable hospitalité n’est possible qu’en surmontant les fantasmes qui nous hantent, et en envisageant la rencontre de l’étranger comme une promesse et non une menace.

Tevanian Pierre, Stevens Jean-Pierre, On ne peut pas accueillir toute la misère du monde, en finir avec cette sentence de mort, Anamosa, 2022, 5 € (disponible au local)

Proférés pour clore toute discussion, ces dix mots, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » semblent constituer l’horizon indépassable de tout débat sur les migrations, tombant comme un couperet pour justifier le refus ou la restriction. Dans cet essai incisif, il s’agit de décrypter et déconstruire tous les poncifs qui s’y logent et de revaloriser l’hospitalité. Qui n’a jamais entendu cette phrase au statut presque proverbial ? Dix mots qui tombent comme un couperet et qui sont devenus l’horizon indépassable de tout débat « raisonnable » sur les migrations. Comment y répondre ? Cet essai propose une lecture critique, mot à mot, de cette sentence, afin de pointer et réfuter les sophismes et les contre-vérités qui la sous-tendent. Arguments, chiffres et références à l’appui, il s’agit en somme de déconstruire et de défaire une « xénophobie autorisée », mais aussi de réaffirmer la nécessité de l’hospitalité.

Vollaire Christiane, Bazin Philippe (phot.), Un archipel des solidarités, Loco, 2020, 28 €

« À ceux que les tempêtes politiques, qui menacent nos archipels, continuent de fracasser. À ceux qui ont la puissance solidaire d’affronter ces tempêtes. » Cet ouvrage est issu d’un travail de terrain mené en Grèce entre juillet 2017 et janvier 2020 par la philosophe Christiane Vollaire et le photographe Philippe Bazin. Il associe photographie documentaire critique et philosophie de terrain autour de la force vive des solidarités. Il présente la puissance des réseaux de solidarité face à des politiques globales destructrices. Il induit ainsi une réflexion sur « un autre possible politique » et une énergie du commun.

#IRAK

Feurat Alani, Je me souviens de Falloujah, Livre de poche, 2024, 8,40 €

Au début des années 1970, le jeune Rami décide de fuir la dictature de Saddam Hussein. Réfugié politique en France, c’est un homme taiseux, secret sur son passé. À la fin de sa vie, il est atteint d’amnésie, et ses souvenirs semblent s’être arrêtés quelque part entre l’Irak et la France : il a oublié l’exil. Son fils, Euphrate, lui raconte alors ce qu’il en sait, avec l’espoir de percer enfin les secrets de l’histoire de son père. Cette quête le plongera dans le tumulte de sa propre odyssée familiale, de Paris à Falloujah. Un premier roman de la mémoire retrouvée, un livre inoubliable sur l’identité et la transmission, dans lequel père et fils renouent le fil rompu d’un dialogue aussi bouleversant que nécessaire.

Guven Mahir, Rien de personnel, Vies françaises de la famille Guven, J.-C. Lattès, 2024, 20 € (disponible au local)

À travers les épisodes de son histoire intime, Mahir Guven raconte comment une famille devient française jour après jour. C’est l’histoire de ses parents réfugiés d’origine turque et kurde, de sa sœur qui pleure de ne pas avoir la peau blanche, d’enfants qui lui lancent des pierres en le traitant de « Saddam Hussein », d’André, professeur de français, qui va lui donner le goût du savoir. C’est l’histoire de cet adolescent à qui un enseignant conseille de ne pas tenter un lycée général, de ce jeune homme à qui l’on suggère de rester à sa place quand il rêve d’écrire, de cet écrivain français que l’on présente comme turc à la télé allemande, de ce garçon chanceux aussi, toujours encouragé par de bonnes fées. Parce que la naissance de sa fille rend incontournable la question des origines, Mahir Guven revient sur son parcours.

#LESBOS

Kalfas Agathe, Benguigui Mathias, Les Chants de l’Asphodèle, Le Bec en l’air, 2021, 38 €(disponible au local)

Pour aborder la crise migratoire contemporaine en échappant à l’iconographie sensationnelle dont les médias débordent, le photographe M. Benguigui a choisi la voie de l’histoire, celle de l’île de Lesbos où se côtoient deux récits de migrations : l’actuelle, dans tous les esprits, et celle qui a vu arriver sur l’île 45 000 Grecs orthodoxes fuyant la Turquie d’Atatürk en 1922. Les Chants de l’Asphodèle – lieu mythologique où les âmes n’ayant commis ni crimes ni action vertueuse patientent éternellement – puise dans ces deux strates historiques. En rompant avec l’actualité, le photographe ouvre un espace poétique où se mêlent paysages et portraits en dialogue avec les textes d’A. Kalfas et ceux de poètes grecs du XXe siècle, et nous invitent dans l’épaisseur du quotidien de l’île.

#LIBAN

 Ghoussoub Sabyl, Beyrouth-sur-Seine, Points, 2023, 8,30 € (disponible au local)

« La vie de mes parents, c’est comme la guerre du Liban. Plus je m’y plonge, moins j’y comprends quelque chose. J’arrive à situer les protagonistes, quelques moments marquants me restent, puis, ensuite, je me perds. Trop de dates, d’événements, de trous, de silences, de contradictions. » Sabyl a la trentaine. Il est né à Paris de parents libanais, tenus éloignés de leur pays par la guerre. Pourtant, à Paris, Beyrouth est partout. La famille élargie est restée là-bas. Seuls quelques allers-retours et WhatsApp les relient. Une part manque. Sabyl veut la combler. Micro en main, il leur demande de raconter. Sabyl Ghoussoub est né en 1988 à Paris au sein d’une famille libanaise. Écrivain, journaliste et commissaire d’exposition, il a été directeur du Festival du film libanais à Beyrouth.

#LIBYE

Matar Hisham, Fauquemberg David (trad.), Mes amis, Gallimard, 2024, 23,50 €

Lorsque le jeune Khaled découvre à Benghazi, attablé avec ses parents autour du poste de radio, la puissance d’une nouvelle lue par un grand journaliste libyen expatrié à Londres, il est loin d’imaginer qu’un jour il vivra lui-même dans cet eldorado, et qu’il deviendra l’ami de l’auteur de ce texte, le brillant Hossam. Une trentaine d’années plus tard, le même Khaled se balade dans les rues londoniennes et retrace sa vie d’exil, de son arrivée imprévue à Londres, encore étudiant animé d’idéaux politiques, à ses longues amitiés si essentielles avec Hossam et Mustafa, un autre expatrié libyen. Alors que ses deux amis font le choix de retourner sur leur terre pour combattre la dictature de Kadhafi, Khaled, plus tiraillé, prend racine dans une existence loin des siens. Son amour de la littérature et la force de ses amitiés l’empêcheront-ils de ressentir le poids du regret ?

#MÉDITERRANÉE

 Enia Davide, Brun Françoise (trad.), La Loi de la mer, Livre de Poche, 2020, 7,40 « Le ciel si proche qu’il vous tombe presque sur les épaules. La voix omniprésente du vent. La lumière qui frappe de partout. Et devant les yeux, toujours, la mer, éternelle couronne de joie et d’épines. Les éléments s’abattent sur l’île sans rien qui les arrête. Pas de refuge. On y est transpercé, traversé par la lumière et le vent. Sans défense. » Pendant plus de trois ans, à Lampedusa, Davide Enia a rencontré habitants, secouristes, exilés, survivants. En se mesurant à l’urgence de la réalité, il donne aux témoignages recueillis la forme d’un récit inédit.

Hippolyte, Le Murmure de la mer, Les Arènes, 2024, 27 € 

Écoutez la Méditerranée, écoutez-la bien. Regardez-la, regardez-la bien. Ne percevez-vous pas, répercuté de vague en vague, le murmure ténu de milliers de vies glissant sur ces eaux bleues et limpides. Un murmure si fragile que souvent il s’éteint, avalé par les flots. À bord de l’Ocean Viking, le navire de sauvetage de SOS Méditerranée, on vit au quotidien avec ce murmure, ces mots portés par le vent, ces vies qui risquent tout pour la traversée. On le guette, on l’attend, on l’espère même. Car entendre le murmure, c’est pouvoir tendre la main. Sauver. Un impératif d’humanité. Quitte à se voir reprocher de « sauver trop de vies ». Pour recueillir ce murmure, Hippolyte a embarqué sur l’Ocean Viking.

Saviano Roberto, Raynaud Vincent (trad.), Calvo Olmo (photogr.), En mer, pas de taxis, Gallimard, 2021, 25 €

En 2017, Luigi Di Maio, l’un des leaders du mouvement 5 Étoiles italien, qualifie de « taxis de la mer » les navires affrétés par des ONG humanitaires pour des opérations de sauvetage en Méditerranée, leur reprochant d’encourager le phénomène migratoire. Ce livre est un témoignage en réaction à cette déclaration. Il dénonce la propagande et les mensonges, à travers les paroles et les images de ceux qui ont vu, documenté, photographié et aidé. « Le message qui nous parvient peut devenir le carburant qui permettra de changer le cours des choses ou la pierre tombale qui signifiera leur fatale inévitabilité. À nous de choisir. »

#MORTS EN MIGRATION

Cosnay Marie, Des îles 3, Mer d’Alborán 2022-2023, De l’Ogre, 2023, 21 €

Que fait la politique d’immigration européenne aux liens, aux familles et à la relation à nos morts ? Sur la route de l’exil, les corps sont nombreux à disparaître. Quand certains s’échouent sur les rivages européens, les protocoles rendent difficile leur identification, voire impossible. Sur les côtes de la mer d’Alborán, depuis les terres d’al-Andalus, Marie Cosnay suit les histoires de quelques morts. Ceux qu’on doit enterrer selon le rite religieux et ceux qu’on recherche sans savoir où ni comment leur bateau a pu faire naufrage. Son ami Ryad qui cherche son frère disparu l’aide à dénoncer les vautours, individus menant un commerce sordide autour de la recherche des corps, ce qui leur donne un immense pouvoir sur les familles endeuillées de l’autre côté de la mer.

Kobelinsky Carolina et Furri Filippo, Relier les rives, sur les traces des morts en Méditerranée, La Découverte, 2024, 20 € 

Sur le port de Catane (Sicile), des milliers de personnes débarquent, accompagnées des corps de celles qui n’ont pas survécu à la traversée. Dans un contexte d’indifférence générale à cette hécatombe et un environnement politique marqué par la criminalisation des migrants, un groupe d’habitants s’est mobilisé pour redonner un nom aux défunts et contacter leurs familles. L’ouvrage retrace cette initiative locale inédite, qu’aucune autorité nationale ou européenne n’avait entreprise jusque-là de façon systématique. Au cours des visites répétées au cimetière, des lectures de dossiers administratifs et des enquêtes pour suivre les pistes susceptibles de relier un corps à une histoire, un attachement particulier à ces inconnus naît. Émaillé d’extraits de textes rédigés par des hommes et des femmes soucieux d’empêcher l’oubli, de poèmes et de chansons qui donnent sens à leur engagement, ce récit entend restituer la dimension sensible de leurs investigations. Il rend également perceptible la fragilité des liens invisibles et rarement mis en mots qui unissent des vivants à des morts dont ils ne savent (presque) rien.

Ternoven Taina, Au pays des disparus, Fayard, 2019, 19 €

18 avril 2015. Un chalutier clandestin transportant 800 personnes en direction de l’Italie sombre dans les eaux internationales, au large de la Libye. Au lendemain du naufrage, Matteo Renzi s’engage devant la presse à remonter l’épave et à donner à chaque victime une sépulture digne et un nom. Lorsque la journaliste Taina Ternoven se rend à la morgue de Milan seize mois plus tard, pour rencontrer l’équipe en charge des identifications, elle découvre parmi les objets personnels des naufragés un téléphone Nokia. C’est tout ce qui reste de PM390047. Qui était-il ? Taina Tervonen décide de remonter le fil de son histoire, en passant par le Niger et le Sénégal. Une enquête, aussi bouleversante que vertigineuse.

#MULTI-CULTURALISME

Collectif (Olivier Esteves, Alice Picard, Julien Talpin), La France tu l’aimes mais tu la quittes, Seuil, 2024, 23 €

Ils s’appellent Mourad, Samira, Karim, ou bien Sandrine et Vincent, sont nés et ont grandi partout en France, sont diplômés de l’enseignement supérieur, mais ils ont décidé de s’installer à Londres, Dubaï, New York, Casablanca, Montréal ou Bruxelles. Discriminés sur le marché de l’emploi et stigmatisés pour leur religion, leurs noms ou leurs origines, ces Français de culture ou de confession musulmane trouvent à l’étranger l’ascension sociale qui leur était refusée en France. Ils y trouvent aussi le « droit à l’indifférence » qui leur permet de se sentir simplement français. Appuyée sur un échantillon quantitatif de plus de 1000 personnes appartenant à des élites minoritaires et sur 140 entretiens approfondis, cette enquête sociologique sans précédent met au jour pour la première fois un phénomène qui travaille la société française à bas bruit. Ce n’est pas seulement une fuite des cerveaux que l’ouvrage documente : se révèlent en creux les effets délétères de l’islamophobie qui, vus d’ailleurs, semblent bel et bien constituer une exception française.

Schwartzbrod Stéphanie, La Cuisine de l’exil, Actes Sud, 2019, 23 €

Venus d’Europe, d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine, du Moyen-Orient, des États-Unis – des années 1920 à nos jours –, c’est en France qu’ils ont posé leurs valises, laissant derrière eux leurs repères pour découvrir un univers inconnu, parfois fantasmé, et se confronter à une nouvelle réalité. 
Déracinés, c’est souvent par la nourriture, les recettes emportées dans leurs bagages, qu’ils ont pu retrouver une part de leur passé, de leur culture, et se réapproprier leur vie. À travers 24 témoignages d’hommes et de femmes, chacun suivi de cinq recettes emblématiques du pays concerné (et d’adresses où se procurer les ingrédients les moins communs), ce livre parcourt la grande Histoire, les époques et les continents, menant en lumière notre richesse multiculturelle. Il invite à découvrir l’altérité dans ce qu’elle a de plus convivial : les plaisirs de la table.

#POÉSIE

Falmarès, Nimrod (préf.), Catalogue d’un exilé, Flammarion, 2023, 21,50 €

Trouver la beauté dans ce « voyage infernal », voilà ce que nous offre la poésie de Falmarès. Son chemin est retracé depuis la fuite de la Guinée, les horreurs de la guerre et la traversée dans un zodiac surchargé, jusqu’à l’arrivée en Italie puis en France, où on accompagne Falmarès dans toutes les étapes de son périple : Berck, Nantes, Paris… Ce recueil reflète la douleur, la perte et le manque autant qu’il est traversé par l’espoir, les odes à la beauté et à la poésie d’ici et d’ailleurs. Héritier des plus grands poètes auxquels il rend hommage – de Césaire à Rimbaud – ce réfugié poétique puise dans sa langue la force de sa résilience. « Ses poèmes sont nimbés de lumière et de pardon », écrit le poète Nimrod dans sa préface.

Frontières, petit atlas poétique composé par Thierry Renard et Bruno Doucey, Bruno Doucey, 2023, 20 €

Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l’esprit. La première renvoie à l’image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l’on traverse parfois au risque de sa vie. L’autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l’existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l’autre, sans oublier ces seuils que l’on franchit jusqu’à son dernier souffle. La poésie n’est pas étrangère à tout cela. Qu’elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l’âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où 112 poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières.

Labbize Souad, Je franchis les barbelés, Bruno Doucey, 2019, 14 €

« Mon baluchon d’exil » et « Berceuse pour le dieu de la guerre » : les textes qui composent le livre de Souad Labbize donnent le ton d’une poésie écrite par une femme, celle qui a fait le choix de l’exil pour échapper aux diktats imposés par les hommes et par la religion. Qu’elle évoque ceux que nous nommons aujourd’hui migrants, exilés, réfugiés, ou raille le retour du divin dans le quotidien, l’autrice affirme son droit à l’insoumission et à la liberté. Avec des mots simples, des images concrètes, l’espace du rêve à portée de main, elle dit non au « dieu douteux » qui s’en sort « avec un casier judiciaire vierge ». Et l’on se plaît à rêver d’un monde où l’exil s’écrirait en deux mots, ex-il, tant l’avenir de l’humanité semble passer par la parole des femmes.

#POLITIQUE MIGRATOIRE

Allio Patricia, Dispak Dispac’h, Tribunal permanent des peuples, Les Solitaires intempestifs, 2023, 15 €

Le tribunal où se traitent, entre réquisitoires et plaidoiries, les affaires du monde est un théâtre. Patricia Allio en fait l’argument d’un spectacle documentaire aux prises avec les politiques migratoires. En janvier 2018, se tenait la « session du Tribunal permanent des peuples consacrée à la violation des droits des personnes migrantes et des réfugiés ». Des activistes ou des juristes racontent les méandres qui guettent les personnes demandeuses d’asile. Il ne s’agit pas de transcrire le réel mais d’en opérer une transposition évolutive et performative. Avec plusieurs témoignages de la société civile, une ancienne députée européenne, un boulanger gréviste de la faim, un journaliste afghan, l’un des fondateurs d’Utopia 56.

Gemmene François, On a tous un ami noir, Hachette Pluriel, 2022, 9 € (disponible au local)

Collectivement, on a accepté de penser les migrations à partir des questions posées par l’extrême droite. Quant à nous, chercheurs, nous en sommes souvent réduits à débusquer rumeurs et mensonges. Nos sociétés resteront malades de ces questions tant qu’elles continueront à les envisager sous l’unique prisme des idéologies. C’est toute l’ambition de ce livre : montrer qu’il est possible de penser ces sujets de manière rationnelle et apaisée, en les éclairant de réflexions et de faits, trop souvent absents des débats. Les questions d’identité collective doivent être des enjeux qui nous rassemblent, plutôt que de nous opposer. À condition de reconnaître et d’affronter les problèmes structurels de racisme dans nos sociétés.

Héran François, Immigration, le grand déni, Seuil, 2023, 13,50 € (disponible au local)

Par un étrange paradoxe, ceux qui s’imaginent que la France ferait face à un « tsunami » migratoire, par la faute des politiques, de l’Union européenne ou des juges, sont également convaincus que la migration est une anomalie dont la France pourrait se passer. On grossit l’immigration pour mieux la dénier. Pour dissiper ces illusions, il faut en revenir aux faits. Oui, la population immigrée a progressé depuis l’an 2000, mais moins que dans le reste de l’Europe. Non, notre pays n’a pas pris sa part dans l’accueil des réfugiés. La hausse vient d’abord de la migration estudiantine et économique, tandis que la migration familiale a reculé. En exposant les enjeux de la loi Darmanin de 2023, en rappelant combien la frontière est mince entre séjour régulier et séjour irrégulier, ce livre propose une approche résolument nouvelle de la question migratoire.

Laffort Bruno, Penser les migrations contemporaines, Karthala, 2023, 30 €


Les migrations contemporaines sont multiples et variées depuis une vingtaine d’années. Ce livre n’a pas la prétention de présenter un état exhaustif des migrations actuelles, un seul ouvrage n’y suffirait pas. Pour autant, son objectif ambitionne de les appréhender à partir d’un socle constituant un point de départ – celui des migrations maghrébines en France – pour présenter ensuite une multitude d’enquêtes de terrain très variées. Ces dernières – menées en France, en Europe, au Maghreb et même au-delà (Pérou) – constitueront une ossature solide pour permettre d’appréhender l’ensemble des phénomènes migratoires actuels. Des étudiants, des jeunes femmes, des sans-papiers, des mineurs isolés racontent sans ambages leurs difficultés mais aussi leurs avancées pour s’insérer dans notre société et arriver à mener une vie digne, après nombre d’épreuves quasi « initiatiques ». À travers leurs histoires singulières, il s’agit de l’histoire collective de la France.

Le Bras Hervé, Le Grand Enfumage, populisme et immigration dans 7 pays européens, L’Aube, 2023, 13,90 € (disponible au local)

Le vote populiste prolifère-t-il là où se concentrent les immigrés ? Les différents partis d’extrême droite en Europe traitent-ils l’immigration de la même manière ? La France se singularise-t-elle ? Autant de questions auxquelles Hervé Le Bras répond dans cet ouvrage à l’aide d’une étude fouillée de sept pays – Allemagne, Autriche, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suisse. Il y décrypte les mutations d’une ligne idéologique inquiétante : après s’être dégagés des groupuscules nostalgiques du nazisme, du franquisme ou du fascisme, puis avoir tenté de présenter une façade respectable, les partis populistes de ces pays évoluent vers une vision identitaire, dramatisée en France par la notion de « grand remplacement ». Une lecture nécessaire au moment où les thématiques de l’extrême droite ne cessent de gagner du terrain en Europe.

Le Courant Stefan, Agier Michel (préf.), Vivre sous la menace, Les sans-papiers et l’État, Seuil, 2022, 23 €

La politique de contrôle migratoire ne s’exerce pas uniquement aux frontières, sur le territoire national elle continue d’œuvrer en séparant celles et ceux qui bénéficient d’un séjour régulier des autres qui en sont dépourvus. Le spectre de la frontière hante le quotidien des personnes qui chaque jour risquent l’expulsion. Après une enquête de plusieurs années auprès d’une quarantaine de sans-papiers, l’auteur restitue leur expérience ; il raconte des vies façonnées par la crainte de l’arrestation ou de la dénonciation. La menace est pour celui qui l’exerce une manifestation de son pouvoir de nuire sans exécution immédiate. Obsédante pour celui qui la subit, elle pousse à privilégier la solitude et la méfiance ; elle transforme l’environnement proche en un monde de signes potentiellement redoutables – le ton d’une voix, la couleur d’un uniforme, la question d’un camarade – et d’indices qu’il devient crucial de savoir exploiter.

Wihtol de Wenden Catherine, Des idées reçues sur l’immigration, L’Harmattan, 2022, 9 € 

Des idées reçues sur l’immigration, parfois vieilles de 150 ans, refont surface en France avec une vigueur qu’on aurait pu penser d’un autre temps. Si le nationalisme de repli qui traverse notre pays les remet au goût du jour, la campagne présidentielle de 2022 les porte à incandescence dans le débat public. Du grand remplacement à l’appel d’air de l’État-providence, du coût financier exorbitant des immigrés à la concurrence qu’ils font peser sur l’emploi, du développement à l’érection des frontières comme autant de solutions supposées aux migrations, cet ouvrage revisite quelques-unes de ces idées reçues pour mieux saisir les raisons de leur survenue et leur arrière-plan idéologique. Ce faisant, il s’assigne surtout la tâche de les déconstruire. Il fournit une analyse lucide autant qu’indispensable en ces temps troublés où des entrepreneurs identitaires ne répugnent devant aucune idée dangereuse et erronée pour agiter les peurs collectives.

Witter Louis, La Battue, L’État, La Police et les étrangers, Points, 2024, 6,90 € (disponible au local)

« Zéro point de fixation » De Calais à Dunkerque, c’est l’expression employée par les autorités pour définir la politique de la France en matière d’immigration à la frontière franco-britannique. Caractérisée par des chasses à l’homme organisées toutes les 48 heures, cette gestion policière des campements d’exilés a pour but de dissuader les personnes de s’installer et de se regrouper. Louis Witter a passé dix-huit mois, sur place, à enquêter sur cette stratégie de politique intérieure. 
À mi-chemin entre l’enquête et l’essai, ce livre montre comment la politique locale, le droit, les politiques institutionnelles et les pratiques policières œuvrent de concert pour légitimer toujours plus de violences envers les personnes étrangères. Un phénomène qui témoigne d’un rapport inquiétant et renouvelé que la police et l’État entretiennent avec les étrangers et la citoyenneté.

#ROMANS – NOUVELLES

Ali Monica, Sept Fleuves et treize rivières, Isabelle Maillet (trad.), 10/18, 2006, 10,70 €

En 1967, dans un village de l’est du Pakistan, une femme croit donner le jour à une enfant mort-née. Mais Nazneen survit et devient « celle qui a été livrée à son Destin ». Un destin qui l’attend à Londres, auprès de l’époux choisi par son père : Chanu, la quarantaine bedonnante, ennuyeuse et pontifiante, des rêves en pagaille, sans les moyens de ses ambitions. Isolée dans ce pays dont elle ne parle pas la langue, Nazneen n’a d’autre choix que se soumettre. Dans la cité de Brick Lane où règnent racisme ordinaire, fondamentalisme rampant et trafics en tous genres, elle découvrira pourtant la solidarité, la débrouillardise et l’amitié. Et comprendre que s’octroyer le droit au bonheur a un prix.

Benameur Jeanne, Ceux qui partent, Babel, 2021, 9,20 €

Tout ce que l’exil fissure peut ouvrir de nouveaux chemins. En cette année 1910, retenus un jour et une nuit sur Ellis Island, aux portes de New York, ils sont une poignée à l’éprouver. Il y a Donato et sa fille Emilia, les lettrés italiens, Gabor, l’homme qui veut fuir son clan, Esther, l’Arménienne épargnée qui rêve d’inventer les nouvelles tenues des Américaines. Tous sont confrontés à l’épreuve de l’attente. Il y a aussi Andrew Jónsson, le New-Yorkais. Dans l’objectif de son appareil, ce jeune photographe amateur tente de capter ce qui lui échappe depuis toujours, ce qui le relierait à ses ancêtres, émigrants eux aussi. Quelque chose que sa famille riche et oublieuse n’aborde jamais. À chacun, dans cette ronde nocturne, ce tourbillon d’énergies et de sensualité, de tenter de trouver la forme de son exil, d’inventer dans son propre corps les fondations de son nouveau pays.

Benameur Jeanne, L’Exil n’a pas d’ombre, précédé de La Géographie absente, Bruno Doucey, 2023, 7,90 €

Deux textes voués à la question de l’exil se trouvent rassemblés dans ce livre. L’un nous invite à une traversée du désert, là où s’enfuit une femme qui a quitté son village ; l’autre nous entraîne en Afrique du Nord, sur la terre qu’une petite fille doit soudainement abandonner. Un livre déchiré, des armoires que l’on vide en hâte… Deux histoires, deux désarrois, mais une seule et même lumière lorsque les personnages atteignent la mer et ses promesses. Surtout lorsqu’il s’agit d’entrer dans le monde des signes écrits sur une page.

Boulic Marie, Le Chant du bois, Thierry Magnier, 2023, 15,50 €

Du nord de l’Afrique aux prisons italiennes, ce Chant du bois raconte en vers libres l’incroyable épopée d’un arbre et ses différentes vies. Arraché à sa terre, changé en barque de pêcheur, le bois navigue, éperdu, sur la Méditerranée (troublant parallèle avec les migrants naufragés qu’il contribuera à sauver). Plus tard, échoué dans le cimetière des bateaux de Lampedusa, le bois sera sauvé de la décomposition par le projet Metamorfosi. Dans les mains d’un prisonnier, il deviendra violon. Inspiré de faits réels, ce magnifique texte de Marie Boulic est un hymne à la résilience et à la mémoire, un chant qui porte haut la voix des migrants réduits au silence.

Coulin Delphine, Samba pour la France, Points, 2014, 7,40 €

Cours, Samba, cours ! Ainsi parlait l’oncle Lamouna au village quand ils jouaient au cerf-volant. Samba n’est plus au Mali, il est à Paris. Il aime la France, il s’est battu pour y entrer et a travaillé dur. La France ne veut plus de lui : sans carte de séjour, il ne peut pas rester. Cours, Samba, pour échapper aux policiers, à la misère, à l’amertume… Si tu veux survivre, cours, Samba, cours !

Delecroix Vincent, Naufrage, Gallimard, 2023, 17,50 € (disponible au local)

En novembre 2021, le naufrage d’un bateau de migrants dans la Manche a causé la mort de vingt-sept personnes. Malgré leurs nombreux appels à l’aide, le centre de surveillance n’a pas envoyé les secours. Inspiré de ce fait réel, le roman de V. Delecroix, œuvre de pure fiction, pose la question du mal et celle de la responsabilité collective, en imaginant le portrait d’une opératrice du centre qui, elle aussi, aura peut-être fait naufrage cette nuit-là. Personne ne sera sauvé, et pourtant la littérature permet de donner un visage et une chair à toutes les figures de l’humanité.

Gatti Fabrizio, Bilal sur la route des clandestins, Liana Levi, 2019, 13 € (disponible au local)

Un faux nom, un petit tube dans lequel sont roulés quelques dollars, de la colle pour masquer ses empreintes digitales, un gilet de sauvetage, trois boîtes de sardines, une grande bouteille d’eau, cela suffit à Fabrizio Gatti, journaliste à l’Espresso, pour se transformer en Bilal, immigré imaginaire. À partir de Dakar, il va remonter jusqu’à Tripoli, infiltré dans la route de l’émigration, afin de rentrer en Europe par la porte de Lampedusa, comme le font chaque jour des centaines de clandestins. Il traverse le Sahara, rencontre des membres d’Al-Qaïda, des passeurs, des esclavagistes nouveau modèle, et, à Lampedusa, il vit le quotidien de ces demandeurs d’asile que l’on va libérer avec une feuille d’expulsion. Feuille qu’ils se hâtent de déchirer en mille morceaux pour tenter leur chance en Italie, en France, en Allemagne. Bilal est la chronique de la plus grande aventure du troisième millénaire.

Kerangal Maylis de, À ce stade de la nuit, Verticales, 2015, 7,50 € 
 (disponible au local)

Lampedusa. Une nuit d’octobre 2013, une femme entend à la radio ce nom. Il fait rejaillir en elle la figure de Burt Lancaster – héros du Guépard de Visconti et du Swimmer de Frank Perry – puis, comme par ressac, la fin de règne de l’aristocratie sicilienne en écho à ce drame méditerranéen : le naufrage d’un bateau de migrants. Écrit à la première personne, cet intense récit sonde un nom propre et ravive, dans son sillage, un imaginaire traversé de films aimés, de paysages familiers, de lectures nomades, d’écrits antérieurs. Lampedusa, île de littérature et de cinéma devenue épicentre d’une tragédie humaine. Entre méditation nocturne et art poétique.

Lapertot Céline, Les Chemins d’exil et de lumière, Viviane Hamy, 2023, 18 €

Je suis Karelle Dia, congolaise, enfant de la République française, éloquente, forte en gueule, que mon courage soit mon talent. Née d’un Ougandais et d’une Congolaise, Karelle a huit ans lorsque la guerre éclate à Kinshasa. Mère et fille se réfugient en France, pays de liberté. À ce premier exil du cœur, s’ajoute bientôt la difficulté et l’angoisse de se reconstruire et de se faire accepter. Animées par leur fierté et leur dignité, elles s’arment de courage. Il faut les connaître ces hôtels insalubres, où l’on fait son beurre sur le dos de la misère humaine. Il faut les endurer ces sinistres coups du sort, sans rien céder de ses rêves. Karelle en fera l’expérience. Inspirée par la vie de l’une de ses élèves, C. Lapertot livre le roman d’une femme affrontant son destin pour mieux éblouir le monde de sa lumière.

Miano Léonora, Stardust, Pocket, 2023, 7,70 €

Un roman intime et personnel sur les douleurs de l’exil… « Lasse de l’errance en couple, elle avait préféré se débrouiller seule. Impossible de rester auprès d’un garçon qui ne parvenait pas à devenir un homme. En une fraction de seconde, elle avait décidé de sauter sans filet. C’était le seul moyen d’empêcher la haine de s’installer là où il n’y avait déjà plus de respect. Elle avait emmené Bliss, serrant contre son cœur la plus belle part de lui. Alors qu’un soleil pâle s’apprêtait à trouer les nuages, Louise avait dit : Je pars avec la petite. Pas un mot de plus. » Écrit il y a plus de vingt ans, ce roman relate la période au cours de laquelle L. Miano, jeune mère de 23 ans sans domicile ni titre de séjour, fut accueillie avec sa fille dans un centre de réinsertion et d’hébergement d’urgence du 19e arrondissement de Paris. C’est en fréquentant la rudesse de ses marges qu’elle a le plus intimement connu la France.

Miano Léonora, Tels des astres éteints, Pocket, 2010, 8,60 €

Léonora Miano part des errements intellectuels de ses trois personnages pour analyser différentes façons de vivre sa négritude. Amok s’est exilé en Europe pour fuir sa famille corrompue, Shrapnel, son ami d’enfance, pour comprendre ce qui a pu fonder la domination de l’Occident sur l’Afrique, Amandla, qui a grandi dans un territoire d’outre-mer, la plus radicale des trois, pour militer et prôner le retour au pays natal. « La couleur s’insinuait dans tout ce qu’on faisait. Elle codifiait tout. Régentait tout. » Ce roman interpelle la conscience noire, incapable de prendre conscience d’elle-même et de s’assumer. L’Afrique est centrale, « Le pays, c’était cet indestructible en soi », même si la réflexion sur la quête identitaire se fait depuis l’Europe. Sa structure est directement inspirée par des thèmes de jazz du répertoire américain dont les personnages livrent leur interprétation.

Musa Habib Ali Mohammed, co-traduction et réécriture Nourredine Abouricha et Clémence Delbart, De l’aube au crépuscule, Xérographes, 2024, 12 €

Habib Ali Mohammed Musa est né dans un village au centre du Soudan. De langue peule, il apprend l’arabe, langue officielle du Soudan, enfant, puis l’anglais pendant sa scolarité, et le français en discutant avec des amis. Ses voyages lui ont permis d’expérimenter de nombreux espaces au Soudan puis en Libye et, enfin, en France où il a vécu dans plusieurs villes. Ses expériences l »ont mené à questionner nos différents rapports au monde, nos liens au territoire, nourrissant ainsi son travail d’écriture. C’est à partir de ces réflexions qu’il écrit son premier roman. Il vit actuellement en région parisienne.

Pellerin Raozy, Bibiche, Plon, 2022, 20 € (disponible au local)

Promis, elle ne pleurera pas. Elle vous parlera d’elle. Elle, c’est Bibiche. Elle est simplement originaire de Kinshasa. Son histoire ne mérite sans doute pas votre attention. Cette histoire, il va pourtant bien falloir qu’elle essaie de vous la raconter. Écoutez-la, elle n’a que vous. Anonyme sous les boucles de ses perruques, un sourire vacillant, Bibiche a fui son pays pour demander l’asile en France, y renaître et se réinventer. Cependant, chaque étape imposée par l’administration la contraint à fouiller dans sa mémoire, à en extirper ce passé refoulé. Comment et auprès de qui trouver les ressources pour ne pas perdre pied ?

Schwartz Violaine, Papiers, POL, 2019, 17,90 €

« Un jour, j’ai réussi à passer. Dans un camion de kiwis. J’avais déplacé les cartons de fruits pour me cacher derrière. Trente-huit heures, je suis resté dans ce camion fermé. Trente-huit heures. Toutes les demi-heures, ils allumaient le froid. On était deux dans les kiwis, mais l’autre, il est parti en Finlande. »

Siméon Jean-Pierre, Stabat Mater Furiosa, Les Solitaires intempestifs, 2013, 6,90 €

Stabat Mater Furiosa, cri solitaire d’une femme qui se révolte contre la guerre et la violence, fut montée pour la première fois en 1999 par Christian Schiaretti. Depuis plus de soixante mises en scène ont été réalisées en France. Cette pièce d’un poète venu au théâtre a été traduite en huit langues et jouée dans quatorze pays.

Smith Zadie, Sourires de loup, Claude Demanuelli (trad.), Folio, 2003, 11,70 €

  1. Smith passe au crible, à travers les pérégrinations d’immigrants et de leur descendance (trois générations), la question complexe de l’intégration et de la désintégration. Ces sagas familiales se déroulent à Londres, qui fut, dès l’après-Seconde Guerre mondiale, la plus multiethnique des villes européennes, peuplée, entre autres, d’Irlandais, de Bangladais, de Jamaïcains. Z. Smith est d’origine afro-caribéenne. Le brassage culturel entraîne le brassage de grands thèmes (le colonialisme, le fondamentalisme, les manipulations génétiques, le racisme, la condition féminine). La phénoménale vitalité de cette épopée passe par des dialogues où s’entendent tous les accents de la terre, accents auxquels la traduction en langue française, n’a pas fait perdre leurs couleurs d’origine.

Umubyeyi Mairesse Beata, Consolée, Autrement, 2022, 21 €

  1. Au Rwanda sous tutelle belge, Consolée, fille d’un Blanc et d’une Rwandaise, est retirée à sa famille noire et placée dans une institution pour « enfants mulâtres ». Soixante-cinq ans plus tard, Ramata, quinquagénaire d’origine sénégalaise, effectue un stage d’art-thérapie dans un Ehpad du Sud-Ouest de la France. Elle y rencontre Madame Astrida, une vieille femme métisse atteinte de la maladie d’Alzheimer qui perd l’usage du français et s’exprime dans une langue inconnue. En tentant de reconstituer le puzzle de la vie de cette femme, Ramata va se retrouver confrontée à son propre destin familial et aux difficultés d’être noire aujourd’hui dans l’Hexagone. Histoire d’une réparation symbolique et d’une langue retrouvée, Consolée est un roman poétique, bouleversant, qui met en résonance le passé colonial et la condition des enfants d’immigrés.

Wauters Antoine, Mahmoud ou la Montée des eaux, Gallimard, Folio, 2023, 7,80 €

« Il s’efforçait de rire. Et eux aussi riaient, ne se doutant pas un seul instant du gouffre que cache parfois le rire d’un père. » Syrie. Un vieil homme rame à bord d’une barque, seul au milieu d’une immense étendue d’eau. En dessous de lui, sa maison d’enfance, engloutie par le lac artificiel El-Assad en 1973. Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d’un masque et d’un tuba, il plonge, et c’est sa vie entière qu’il revoit, ses enfants au temps où ils n’étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie, la prison, son premier amour, sa soif de liberté.

Wieringa Tommy, La Mort de Murat Idrissi, Rosselin Isabelle (trad.), Stock, 2024, 17,90 €

Un ferry en provenance de Tanger traverse le détroit de Gibraltar par une matinée d’été. Au moment où Ilham et Thouraya posent le pied sur le sol européen, les deux Néerlandaises d’origine marocaine découvrent que Murat, le jeune clandestin de dix-neuf ans qu’elles avaient caché dans le coffre de leur voiture, est mort étouffé. Leur nouvel ami et protecteur rencontré au Maroc, qui a arrangé le passage du jeune homme, disparaît aussitôt. Devant elles, la terre rouge espagnole s’étend à perte de vue. Les deux femmes entament leur périple en voiture, avec ce corps dissimulé dans leur coffre, cherchant désespérément le courage de s’en débarrasser.

#SANTÉ MENTALE

Daure Ivy, Reveyrand-Coulon Odile, Le Migrant et sa famille, défis interculturels en psychologie clinique, ESF, 2019, 24 € (disponible au local)

Comment parler de nos différences sans discriminer autrui ? Comment évoquer notre universalité sans nier nos différences ? Comment construire son identité au sein d’une double appartenance ? Quel accompagnement pour les couples mixtes ? S’appuyant sur de nombreuses recherches et leur expérience thérapeutique, les auteures proposent une réflexion théorique et clinique essentielle à tous les professionnels concernés. Elles actionnent les leviers thérapeutiques qui transforment des vécus traumatiques en ressources constructives et évolutives. Elles démontrent la complémentarité des approches inter et transculturelles en redéfinissant leurs contours et en offrant une lecture renouvelée des phénomènes migratoires au sein des familles. Elles offrent de nombreux exemples cliniques abordant les questions d’intégration, d’appartenance, des retours ou encore des héritages.

Saglio Yatzirmisky Marie-Caroline, Les Voix de ceux qui crient, rencontres avec des demandeurs d’asile, Albin Michel, 2018, 19,90 € (disponible au local)

Si des hommes et des femmes demandent l’asile à la France, c’est parce qu’ils cherchent un lieu inviolable où se réfugier. Depuis 2010, à l’hôpital Avicenne de Bobigny, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky rencontre ces hommes et ces femmes à bout de souffle. Elle rapporte ici les paroles qui lui ont été confiées dans le vif de la consultation. Et révèle comment, dans ce cadre, les demandeurs d’asile cherchent à retrouver leur voix. Conquérant peu à peu la capacité de raconter leur vie, ils regagnent alors celle d’en avoir une. Le migrant n’est pas une figure transitoire de notre société. Sa présence questionne la mise en pratique de nos valeurs. Par son ampleur éclairante, la pensée de l’anthropologue et psychologue clinicienne s’impose pour aborder la question du lien social et politique et celle de la place de l’étranger dans la France du XXIe siècle.

#SYRIE

Collectif (Mustapha El Miri, Delphine Mercier et Kamel Doraï), Comment l’Europe a sous-traité « l’encampement » des réfugiés syriens au Moyen-Orient, Le Bord de l’eau, 2023, 14 €

Cet ouvrage s’intéresse aux effets sur les exilés syriens de l’externalisation des politiques migratoires européennes vers les pays du Moyen-Orient. Il présente en cela la nouvelle géopolitique migratoire animée principalement par une obsession identitaire en Europe.

 #TRAVAIL

Brahim Nejma, 2 € de l’heure, la face cachée de l’intégration « à la française », Seuil, 2024, 19 € (disponible au local)

Nejma Brahim a rencontré des centaines de travailleurs de l’ombre, en situation irrégulière et affrontant la violence administrative, partout en France. Elle dévoile un système d’exploitation installé et dresse un tableau à rebours de tous les fantasmes sur ces étrangers qui bénéficieraient des aides sociales sans rien faire. Ce document donne à voir ce qu’est véritablement l’intégration « à la française » : une main-d’oeuvre qui n’est pas concernée par le droit du travail et qui soutient pourtant de nombreux pans de notre économie. En 2020, Nejma Brahim, journaliste, a rejoint le pôle International de Mediapart où elle se consacre aux migrations.

Gauz, Debout-Payé, Livre de poche, 2015, 7,90 € (disponible au local)

Debout-Payé est le roman familial d’Ossiri, étudiant ivoirien sans papiers atterri en France dans les années 1990 pour démarrer une carrière de vigile. C’est l’histoire d’un immigré et du regard qu’il pose sur notre pays. C’est aussi un chant en l’honneur d’une famille où, de père en fils, on devient vigile à Paris, et plus globalement en l’honneur de la communauté africaine. Gauz distingue trois époques mythiques du métier de vigile, et aussi des relations entre la France et l’Afrique : l’âge de bronze dans les années 1960, l’âge d’or dans les années 1990 et l’âge de plomb après le 11 Septembre. Le récit des choses vues ou entendues au Camaïeu de Bastille et au Sephora des Champs-Élysées constitue des interludes. Un portrait drôle et caustique de la société française et un témoignage inédit de ce que voient vraiment les vigiles sous leur carapace.

Reckinger Gilles, Oranges amères, un nouveau visage de l’esclavage en Europe, Raisons d’agir, 2023, 12 €

En réalité, le passage en bateau vers l’Europe n’est que le dernier moment d’un voyage avant qu’un piège se referme sur les migrants. Ce piège, c’est l’Italie de Lampedusa. Des témoignages montrent comment ils se retrouvent emprisonnés pendant des années, sans papiers, sans visa et sans argent, sans accès légal à l’emploi. Ils n’ont d’autre choix que de travailler dans des conditions inacceptables. Ils sont pour certains un potentiel économique très lucratif : avec la complicité de l’Europe, un esclavage est rendu possible, avec l’accord tacite des autorités locales et la complicité de la Mafia. Cela a lieu principalement en périphérie – dans les vergers du Sud de l’Italie ou du Sud de l’Espagne. Le recours à cette main-d’œuvre pour financer le mode de vie impérial de l’Occident n’est pas seulement une urgence humanitaire, mais un modèle de production. L’exploitation des migrants en Calabre, loin d’exprimer l’échec du modèle économique néolibéral, constitue au contraire une condition de son fonctionnement.

#BANDES DESSINEES #ROMANS GRAPHIQUES #LIVRES ILLUSTRÉS

 Abril Guillermo, Spottorno Carlos, Flore Faustina (trad.), La Fissure, Gallimard Jeunesse, 2017, 25 € (disponible au local)

En décembre 2013, le photographe Carlos Spottorno et le journaliste Guillermo Abril partent en reportage aux frontières de l’Europe. Des 25 000 photos et des 15 carnets de notes rapportés est né La Fissure : une réflexion sur les causes et les conséquences de la crise d’identité européenne. De l’Afrique à l’Arctique, les reporters racontent la misère sordide des camps bulgares, une rencontre avec les Sub-Sahariens du Gourougou, le sauvetage d’une barque au large des côtes lybiennes, l’exode des réfugiés des Balkans ou l’arrivée d’Afghans et de Camerounais en Finlande en plein hiver. Dans une forme inédite, entre roman graphique et livre de photos, ils racontent.

Aldeguer Hélène, Ce qui nous sépare, Futuropolis, 2020, 18 €

Après avoir raconté la désillusion des jeunes Tunisiens dans leur pays en 2013, deux ans après le printemps arabe, Hélène Aldeguer raconte le quotidien de Bilal, un jeune Tunisien venu à Paris afin de poursuivre ses études grâce à une bourse au mérite, et terminer son master d’histoire contemporaine. Si Bilal découvre une vie pleine de possibilités, son statut d’homme arabe le rattrape dans une société française en crise identitaire. Ses fantasmes d’une « Europe de tous les possibles » se heurtent alors au racisme et aux préjugés. Un récit très actuel et nécessaire, sur notre société et sur le déracinement intérieur de ces jeunes venus en France et qui sont accueillis très différemment selon leurs origines.

Audhuy Claire, Garcia Maxime (ill.), Ce chemin qui n’a pas de nom, Rodéo d’âme, 2023, 28 €

« Je m’appelle Deedar, j’ai quinze ans et des routes, j’ai quinze ans et des vies. Je suis un lion, je suis un prince. Je marcherai jusqu’à ce que j’arrive à Paris. Et si un chat à sept vies, pouquoi un lion n’en aurait-il pas cent ? Car il m’arrive de brûler bien des vies juste pour un passage. 17 000 km à pied depuis l’Afghanistan. » Un récit graphique documentaire. Une épopée moderne.

Martin Sandrine, Chez toi, Casterman, 2021, 23 €

Athènes, 2016. Mona est syrienne, Monika est grecque. Autour d’une naissance à venir, Monika la sage-femme et Mana l’exilée vont croiser leurs chemins. Entre les renoncements et l’espoir, au-delà des idées reçues, Sandrine Martin signe un roman graphique poignant, qui témoigne autant de l’enlisement des sociétés occidentales que de l’énergie déployée dans l’expérience de déracinement.

Picaud Coline, Personne ici ne sait qui je suis, Le Monde à l’envers, 2020, 16 €

Mille accents s’entremêlent dans les cours de français donnés dans ce centre social de quartier. Demandeurs d’asile, salariés, réfugiés, femmes et hommes des quatre coins du monde, lettrés ou jamais scolarisés, jeunes et personnes âgées, tous viennent apprendre une langue et tromper la solitude de l’étranger en France. Ce livre leur donne la parole.

Quitterie Simon, Vartuli Francesca (ill.), Ce que je sais de Rokia, Futuropolis, 2024, 23 €

Marion décide d`accueillir sous son toit une jeune migrante. Une association la met en relation avec Rokia, 19 ans, originaire du Libéria. Rokia, mutique avec ses hôtes, discute la nuit avec des inconnus, disparaît dans la ville, se voile soudainement. L’enthousiasme de Marion laisse bientôt place aux incompréhensions, aux doutes. Leur relation se noue à la manière d`un pas de deux : un pas en avant, un autre en arrière. Lorsqu`intervient un troisième tempo, celui imposé par la loi européenne et l`administration française, Rokia reçoit un arrêté de reconduite à la frontière italienne, exécutable dans les 6 mois. À partir de l`expérience vécue par la scénariste, ce récit explore les joies et les motivations de l`accueil, sans en gommer les difficultés.

Tervonen Tania, Pourquié Jeff (ill.), À qui profite l’exil ? Le business des frontières fermées, Delcourt, 2023, 20,95 €

Qui profite des moyens engagés en faveur de la fermeture des frontières ? Que se passe-t’il quand on retrouve des corps sur les plages ? Sait-on que les frontières de l’Europe se sont délocalisées au Sahara ? Qui sont les sans-papiers qui font fonctionner l’économie ? Trafiquants, industriels de la Défense, employeurs européens profitent de ce système sans se préoccuper des 40 000 morts et disparus.

Toulmé Fabien, L’Odyssée d’Hakim, 3 vol., Delcourt, 2022, 74,85 €

Tome 1 : De la Syrie à la Turquie ; Tome 2 : De la Turquie à la Grèce ; Tome 3 : De la Macédoine à la France.

Vallerie Lucas (texte et ill.), Bunes Michaël (textes et photos), Rescapé.e.s., Carnet de sauvetages en Méditerranée, Boîte à bulles, 2023, 24 €

L’été 2022, Lucas Vallerie et Michaël Bunes ont embarqué à bord du Geo Barents, le navire affrété par Médecins Sans Frontières (MSF) pour secourir des migrants en Méditerranée. Si l’ONG les a invités, c’est pour témoigner de ce qu’ils auront vu, porter la voix des exilés et celle des sauveteurs, parler d’histoires plutôt que de chiffres sur un sujet devenu tristement banal. Au cours de leur rotation, ils ont vu le pire : une embarcation éventrée, une partie de ses occupants d’ores et déjà disparus en mer. Mais ils ont aussi vécu une aventure bouleversante et rencontré des personnalités exceptionnelles, tant du côté des sauveteurs que des rescapés. Dans ce carnet de reportage à 4 mains, ils racontent la vie à bord du Geo Barents.

Vallerie Lucas, Bunes Michaël, Traversées, La Route de l’aventure, Boîte à bulles, 2024, 25 €

Le point commun entre Mouhamouda, Omar, Jeannette ou encore Claude ? Ils ont tous pris la « route de l’aventure », comme ils l’appellent. Portés par l’espoir d’un avenir meilleur, ils ont décidé de quitter leurs proches et leur chez eux. En chemin, certains ont connu la prison, d’autres la traite ou ont côtoyé la mort, mais c’est en Méditerranée que leurs destins se sont liés. À l’été 2022, Lucas Vallerie embarque à bord du Geo Barents, le navire affrété par Médecins Sans Frontières pour porter secours aux naufragés en haute mer. Au cours d’une rotation où il participe à une mission de sauvetage particulièrement périlleuse, il rencontre toutes ces personnalités pleines d’espoir et donne à chacun une voix.

 #JEUNESSE

Abadia Ximo, Khat, journal d’un réfugié, La Joie de lire, 2022, 22,90 €

Le 17 Juin 2018, trois bateaux accostent à Valence, en Espagne. À bord, des centaines de migrants fatigués de fuir, de se cacher et d’attendre. Parmi eux, Natan. Voici le récit de son périple.

Alix Cécile, A (ni) mal, Slalom, 2022, 14,95 €

« Je suis un homme « Tu ne dis pas d’où tu viens, tu ne dis pas ton nom, tu oublies ton pays, compris ? Tu m’oublies. Et tous les autres que tu connais, que tu as connus, tous, tu les oublies aussi. Et qui tu es, tu l’oublies. À partir de maintenant, tu n’es personne, tu n’es de nulle part. À toi de redevenir quelqu’un, c’est possible. C’est possible, tu m’entends ? À ton âge, tout est possible. » Avoir 15 ans dans un pays en guerre, se retrouver projeté sur les chemins de la clandestinité, effleurer les limites de l’humanité, apprendre à survivre. Puis vivre – à nouveau ressentir – faire confiance – garder espoir – toujours. Le parcours d’un migrant, des difficultés indicibles de son voyage jusqu’à la résilience.

Bourdier Emmanuel, Baas Thomas (ill.), Du voyage, Flammarion Jeunesse, 2021, 11 €

« J’ai la paupière gauche collée pour cause de grève matinale. Maman m’explique à chaque fois que je la remercierai un jour. Un jour, c’est loin et une paupière, c’est lourd. » Nouveau matin, nouvelle école pour Geronimo. Il ne fait que passer mais il aime ça. Cette fois, le maître va permettre la rencontre entre deux mondes, briser les préjugés contre sa communauté. Et, autour d’une chanson ou d’un match de foot, chacun trouvera sa place.

Charpentier Oriane, Rage, Gallimard Jeunesse, 2017, 5 €

Rage, c’est le surnom que son amie lui a donné. C’est désormais ainsi qu’elle se nomme, pour oublier son nom d’avant, celui de son enfance, d’avant l’exil, la déchirure. Rage a eu affaire à la violence des hommes, de la guerre. La voilà réfugiée en France, seule, sans aucun repère. Telle une bête traquée, elle se méfie de tous. Une nuit, sa route croise celle d’un chien, apparemment dangereux, blessé, maltraité. Le sauver devient une nécessité.

Crowther Kitty, Mon ami Jim, École des Loisirs, 1998, 6 €

Jack est un merle mais la mer l’attire depuis toujours. Un jour, il décide de quitter sa forêt. Arrivé au bord de la mer, il rencontre Jim la mouette. C’est le début d’une grande amitié.

Dedieu Thierry, Marais Frédéric, Bob et Marley, La Frontière, Seuil Jeunesse, 2019, 8,90 €

Au cours d’une promenade, Marley pointe du doigt un arbre et explique à son ami qu’il marque une frontière. Mais pourquoi le pays d’en face est-il différent alors qu’il est comme le nôtre ? Et pourquoi ne peut-on pas traverser cette frontière librement ? Un texte tout simple et empreint d’humour, pour poser de grandes questions.

Desbiolles Marylin, Lampedusa, L’École des Loisirs, 2012, 7 €

Il fut un temps où la famille rêvait de passer les vacances d’été sur Lampedusa, cette île étroite au large de la Sicile. Une fois le père disparu, le rêve s’est évanoui, la mère et ses deux filles ont quitté le village pour venir s’installer, plus bas, dans une cité au bord du Paillon. L’aînée en éprouve un chagrin violent et silencieux. C’est elle qui raconte.

Ducoudray Aurélien, Ludvin Mini, Yezidie, Dupuis, 2023, 15,50 €

Nord de l’Irak. De nos jours. Un exfiltreur d’otages. Deux adolescentes à sauver. Dont une radicalisée par Daesh. Un webtoon (bande dessinée en ligne) pour comprendre l’embrigadement terroriste. Et découvrir comment un smartphone peut être une arme…

Gaudin Vincent, Maincent Karine, Les Migrateurs, Kilowatt, 2020, 16,50 €

Autour du grand lac, l’heure est grave. Les oiseaux de malheur ont déjà envahi une partie du pays, imposant leurs terribles lois. Jojo et Jolie deux jeunes oisillons, doivent fuir, en laissant leurs parents derrière eux. Sans autre choix que celui de s’en remettre à des outrepasseurs malhonnêtes, il leur faudra affronter bien des périls et se construire une nouvelle vie ! Un roman graphique émouvant, des illustrations touchantes.

Gudol et Haerang, Qu’est-ce qu’une frontière ?, Sungyup Lee (trad.), La Partie, 2024, 18 €

Le monde est divisé en plus de 200 pays délimités par des frontières. Ce documentaire s’intéresse à toutes les sortes de frontières. Qu’elles soient dangereuses ou non, les humains les franchissent depuis toujours : pour explorer, se mettre à l’abri, envahir, commercer ou trouver un emploi ou un sens à leur vie. Quant aux oiseaux et aux poissons, ils se fichent bien des frontières, comme les ondes, l’air ou la pollution.

Heugel Louise, Traversée, Éditions courtes et longues, 2023, 19,95 €

Un jour, une gazelle décide d’imiter les oiseaux qui volent au loin. Elle part explorer le monde. C’est le début de la traversée vers un autre pays et la rencontre d’un ami.

Joos Louis et Rascal (ill.), Le Voyage d’Oregon, L’École des Loisirs, 2006, 6 €

Nous nous sommes connus au Star Circus, Oregon et moi. Il passait juste avant mon numéro et je le raccompagnais tous les soirs jusqu’à sa cage. Un jour, il m’a parlé, et voici ce qu’il m’a dit…

Lamoureux Sophie, Long Guillaume (ill.), L’Immigration à petits pas, Actes Sud Jeunesse, 2011, 12,70 €

À cause de la pauvreté ou de la guerre, des hommes et des femmes sont obligés de quitter leur terre et de repartir à zéro dans un autre pays : cela est peut-être arrivé à quelqu’un de ta famille. L’immigration a toujours existé et représente une richesse pour les pays d’accueil, même si l’intégration des nouveaux arrivants peut prendre plus d’une génération. Des invasions barbares aux sans-papiers d’aujourd’hui, ce livre aide à comprendre comment les différentes vagues d’immigration ont aidé les nations à se construire et à progresser.

Lamoureux Sophie, Fontaine Amélie (ill.), Planète Migrants, Actes Sud Jeunesse, 2016, 14 €

Un livre indispensable pour comprendre un des principaux enjeux actuels. Depuis la fin du XXe s., les flux de migrations se sont multipliés. Aujourd’hui, on estime qu’un humain sur trente a quitté son pays de naissance. Il n’existe plus un endroit sur Terre qui ne soit pas concerné. Ces mouvements de population suscitent de nombreux débats dans les pays d’accueil. Ce documentaire propose un rappel historique de ce phénomène et détaille les questions et enjeux auxquels les pays développés doivent répondre.

Magana Jessie, Attiogbé Magali, Rue des Quatre-Vents, Des éléphants, 2018, 16,50 €

En un siècle, la rue des Quatre-Vents a vu arriver, partir, naître et grandir de nombreux habitants qui ont forgé son identité. Aujourd’hui, Suong Mai du Vietnam, Bako du Mali, ou Najib d’Afghanistan, y vivent. Mais hier la rue avait accueilli Marcel l’Auvergnat, Giovanni l’Italien, Larbi l’Algérien, Maria la Chilienne et bien d’autres. Un voyage dans le temps.

Morpurgo Michaël, Un été à Ithaque, Folio Junior, 2024, 7,90 €

Une fois ses études terminées, la jeune Nandi part en quête de ses racines et rejoint sa grand-tante Elena au pays de ses ancêtres, la Grèce. Sur l’île d’Ithaque, une rencontre extraordinaire va révéler la vie héroïque de son aïeule, depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Elena est une femme plus incroyable que tout ce que Nandi aurait jamais pu imaginer.

Naylor-Ballester Chris, La Valise, Kaléidoscope, 2019, 13 €

Quand un étranger arrive un jour avec sa valise, les animaux s’inquiètent… « Que fait-il ici ? » « D’où vient-il ? » « Et qu’y a-t-il dans cette valise ? » Parviendront-ils à dépasser leurs préjugés ?

Poirot-Chérif Sandra, L’Oiseau de Mona, Rue du Monde, 2016, 14 €

Mona et ses parents ont fui leur pays en guerre pour s’installer ici. À l’école, la vie est belle pour elle. Elle a beaucoup d’amis. Mais un oiseau noir la suit partout, jour et nuit. Il lui rappelle qu’elle n’a pas les papiers, les bons papiers, pour rester dans ce pays qu’elle aime.

Ribeyron Olivier, Olivier Estelle, Puisette et Fragile, Seuil Jeunesse, 2021, 15,90 €

Puisette vit seule avec son pingouin sur son île. Courageuse et un brin autoritaire, Puisette aime quand les choses sont en ordre. Mais voilà qu’un matin arrive sur le rivage un gros paquet qu’elle n’a pas commandé. Dans ce paquet, il y a une petite fille, qui va venir bousculer ses habitudes. Samuel Ribeyron s’est emparé du texte d’un spectacle, écrit par Laure Poudevigne et Estelle Olivier, pour livrer cet album d’une rare intensité, drôle et poétique.

Rosen Michael, Blake Quentin (ill.), Prendre la route, Gallimard Jeunesse, 2023, 18,90 €

« La poésie est la migrante : celle qui voyage. La poésie est la témoin : celle qui écoute. La poésie est la survivante : celle qui persiste. Je voudrais que ce recueil montre comment tendre la main vers les autres, pour partager ce qui fait notre humanité. Je crois que nous sommes tous et toutes des citoyens du monde, et ce qui constitue notre ‘chez nous’ ne devrait pas, il me semble, être déterminé par des frontières nationales. »

Sanna Francesca, Partir, Au-delà des frontières, Gallimard Jeunesse, 2016, 15,90 €

Pour fuir la guerre, deux enfants et leur maman se lancent dans un long et dangereux voyage loin de leur pays. Passer la frontière, traverser la mer, se cacher, sans jamais perdre espoir. Leur chemin est celui de tous ceux qui tentent de trouver un endroit où vivre en paix.

Stutzman Jonathan, Arsenault Isabelle (ill.), La Souris qui portait sa maison sur son dos, Les Éléphants, 2023, 15,50 €

Vincent est une petite souris qui parcourt le monde avec ses bottes, son chapeau et sa maison sur son dos. Un jour, il installe sa maison en haut de la colline. Elle paraît bien petite et, pourtant, il y a toujours de la place pour quiconque a besoin d’un toit.

Umubyeyi Mairesse Beata, Joffre Véronique, Peau d’épice, Gallimard Jeunesse, 2023, 16,50 (disponible au local)


Quand papa rentre du pays, sa valise est remplie de goyaves, fruits du dragon et tamarillos… Que de parfums ! – Ça pousse sur quoi les litchis ? demande Rose. Elle aimerait tellement aller là-bas pour de vrai… Un jour, c’est promis, ils s’envoleront vers ce lieu que papa appelle aussi « chez moi ».

Watanabe Issa, Migrants, La Joie de lire, 2020, 15,90 € (disponible au local)

Ils sont tous là, lion, toucan, cochon, éléphant, lapin, grenouille… tous différents mais tous avec un petit bagage à la main ou sur le dos. Dans la sombre forêt ils marchent. La Mort, compagne discrète, veille. Soudain, ils aperçoivent la mer. Tous se précipitent pour monter dans une barque fragile qui finit par craquer. La Mort attend le bon moment. Les illustrations aux couleurs profondes, le fond noir des images et le choix d’animaux anthropomorphes donnent à cet album sans texte sur les déracinés de tout pays, une force sourde, une dimension politique bien plus percutante qu’un long discours.

 

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