Bibliographie Passerelles

BIBLIOGRAPHIE 2025

 

Cette bibliographie sur les migrations rassemble des livres récents, et d’autres, qui le sont moins, mais indispensables. Les références sont classées par thèmes et par ordre alphabétique d’auteurs à l’intérieur de chaque thème. Les bandes dessinées et les romans graphiques, ainsi que les livres pour la jeunesse se trouvent à la fin de la bibliographie. Elle a été réalisée l’été 2025 par Chloé Peytermann et Catherine Goffaux pour l’association Passerelles.

Une partie de ces ouvrages est disponible à notre local 23 rue du Bourg, Dieulefit (permanences les vendredis de 9h30 à 12h30).

 

AFGHANISTAN

 

Aikins Matthieu, Les Humbles ne craignent pas l’eau, un voyage infiltré, Charles Bonnot (trad.) Sous-sol/Seuil, 2022, 22 €

 

Omar, un jeune chauffeur et interprète afghan, décide de prendre la route de l’exil, laissant derrière lui son pays et son amour, Laila. Matthieu Aikins, grand reporter, correspondant depuis 2008 du New York Times en Afghanistan, est devenu l’ami d’Omar, son traducteur et chauffeur. Lorsque ce dernier lui annonce sa décision de rejoindre l’Europe, le journaliste décide de le suivre. Il change d’identité, détruit son passeport et se lance à ses côtés parmi des millions de réfugiés prêts à s’arracher à leurs vies et leurs familles dans l’espoir d’une existence meilleure. Nous sommes en 2016, au pic de la crise des réfugiés, et Matthieu Aikins, dans la pure tradition du journalisme en immersion, raconte les dangers et les peurs, la traversée de pays en guerre, les passeurs, la solidarité comme la haine, la terrible situation du camp de Lesbos et de l’accueil en Europe.

 

Jobard Olivier, Notre Famille afghane, Les éditions de juillet, 2024, 45 €

 

« En 2010, à Paris, un enfant m’a tendu la main. Je cherchais à photographier de jeunes exilés sans-abri, qui dormaient dans un parc proche de chez moi. Ghorban fut le seul à s’avancer. Il venait d’arriver en France depuis l’Afghanistan. À 13 ans, seul, il avait parcouru 7 000 km en clandestin. Des bénévoles ont repéré Ghorban et l’ont mis à l’abri, avant de le signaler à l’Aide sociale à l’enfance. Avec la réalisatrice Claire Billet, ma femme, nous avons filmé et photographié Ghorban pendant huit ans. Son adolescence a été rythmée par un flot d’épreuves administratives, par le manque affectif et les repères à inventer. Devenu notre filleul républicain, Ghorban s’est promis de retrouver un jour sa famille. Nous avons fait celle de l’accompagner. Le 15 août 2021, en Afghanistan, nous avons assisté à la victoire des talibans sur les réseaux sociaux. Des proches, des collègues et toutes nos connaissances listaient en urgence les Afghans qui voulaient fuir. Une amie nous proposa d’ajouter des noms sur une liste. Ghorban appela Masouma, sa mère. Quatre jeunes Afghans que nous connaissions quittèrent leurs parents sur le champ. La plus jeune avait 17 ans et l’aînée, 22. La fratrie traversa le pays en bus pour rejoindre l’aéroport de Kaboul. Deux mois et demi après leur arrivée en France, Sima, Aziza, Sohrab et Mehrab sont montés à Paris pour le rendez-vous à l’OFPRA. Chacun a expliqué les circonstances de sa fuite et les raisons pour lesquelles il demandait l’asile en France.

 

Zazai, Ewa Julie, Lanno Sophie, Xavier Emmanuelli (préf.), Liberté, ma dernière frontière, L’Archipel, 2022, 18 €

 

Menacé par les talibans, Zazai a fui l’Afghanistan lorsqu’il avait 15 ans. En traversant huit pays, il a mis plus de six mois à parvenir en France par l’intermédiaire d’un réseau de passeurs peu scrupuleux. Tout commence un jour d’août 2013. Pour échapper aux talibans qui enrôlent de force les garçons à la sortie de l’école, ce fils de berger interrompt sa scolarité. Grâce à l’aide de son oncle, il est confié à des passeurs. Départ dans la nuit, direction le Pakistan voisin. Pour sa famille, Zazai est l’espoir d’une autre vie, qui va se transformer en calvaire. Six mois pour rejoindre notre pays, de marche forcée, en file indienne, dans le désert ou dans la neige. De coups, de rançonnages et d’humiliations. D’amis perdus en route, de découragement. Et, à chaque passage de frontière, le « game » : jeu dangereux, où l’on mise chaque fois sa vie. Prise d’otage, prison, squats sordides, camp de rétention, foyer pour mineurs… Un « migrant » ? Non, un garçon déterminé à conquérir sa liberté. Son récit est une leçon de vie et de volonté. Un voyage initiatique vers la fraternité.

AFRIQUE

 

Bebey Kidi, Mon royaume pour une guitare, Pocket, 2018, 8 €

 

C’est une légende familiale : une guitare venue des siècles passés et transmise de génération en génération. Une guitare que Francis, le père de l’auteur, confie à sa famille en quittant son Cameroun natal pour la France. À Paris, le jeune étudiant en journalisme se heurte aux rigueurs de l’exil. Mais il va croiser la route de Madé, sa future épouse, et fonder bientôt avec elle une famille : leur royaume. Devenu fonctionnaire à l’Unesco, Francis n’oublie ni son pays, ni les siens, ni les difficultés qui sont les leurs. Il n’oublie pas non plus cette guitare qui toujours l’a aidé à vivre.

 

Boum Hemley, Le Rêve du pêcheur, Gallimard, Folio, 2025, 9 €

 

« Dans l’avion qui me menait au loin, j’ai eu le sentiment de respirer à pleins poumons pour la première fois de ma vie et j’en ai pleuré de soulagement. On peut mourir mille morts, un peu à la fois, à essayer de sauver malgré lui l’être aimé. J’avais offert à Dorothée mon corps en bouclier, mon silence complice, le souffle attentif de mes nuits d’enfant et en grandissant l’argent que me rapportaient mes larcins, sans parvenir à l’arrimer à la vie. Je pensais ne jamais la quitter mais lorsque les événements m’y contraignirent, j’hésitai à peine. C’était elle ou moi. » Zack a fui le Cameroun à dix-huit ans, abandonnant sa mère, Dorothée. Devenu psychologue clinicien à Paris, marié et père de famille, il est rattrapé par le passé alors que la vie qu’il s’est construite prend l’eau de toutes parts. À quelques décennies de là, son grand-père Zacharias, pêcheur dans un petit village côtier, voit son mode de vie traditionnel bouleversé par une importante compagnie forestière. Il rêve d’un autre avenir pour les siens. Avec ces deux histoires entrelacées, Hemley Boum signe une fresque lumineuse qui éclaire à la fois les replis de la conscience et les mystères de la transmission.

 

Cabrel Ulrich, Longueville Étienne, Boza !, J’ai lu, 2021, 7,50 €

 

« Tu veux savoir ce qui m’a conduit à prendre la route de l’exil à quinze ans ? D’accord, je vais tout te confier et tu vas être renversé. Tu es prévenu ! Mes mots seront durs, car la réalité est brutale. » Né dans un bidonville de Douala au Cameroun, Petit Wat aime son pays mais sait qu’aucun avenir ne l’y attend. Il prend alors la décision de partir pour accomplir son rêve : faire un boza, passer en Europe. Avec un sac à dos et une immense foi en lui-même, il entame un périple de 9 000 km : des frontières du Niger aux camps de Tamanrasset, des ghettos de Tanger jusqu’à Melilla, l’enclave barricadée.

 

Dembélé Diadé, Deux Grands Hommes et demi, éd. Jean-Claude Lattès, 2024, 20,90 €

 

De Bamako à Paris, deux amis, Manthia et Toko, vivent la route de l’exil de façon très différente. Ils sont originaires du même village au Mali. À la vingtaine, face à une récolte infructueuse, ils n’ont d’autre choix que de rejoindre la capitale, Bamako. Mais en 1991, les troubles politiques et sociaux les poussent à nouveau à partir. En France cette fois. C’est Manthia qui raconte leurs histoires depuis un CRA. Il se confie à son avocat grâce à un traducteur en espérant obtenir des papiers. Le traducteur l’interrompt souvent. Cherche-t-il le mot juste ou à le contraindre à un autre discours ? Diadié Dembélé raconte avec force et originalité l’histoire des siens entre la France et le Mali.

 

Diallo Bilguissa, Trans-Humances, Elyzad, 2025, 21,50 €

 

Guinée, septembre 2009, cinq amis se rendent au stade pour manifester en faveur de la démocratie. Adama a motivé la petite troupe, dont sa voisine Awa, et la belle Dalanda. Mais le rassemblement joyeux tourne au drame. Coups de feu, violences, viols… Après le choc, il faudra reprendre le fil de sa vie. Mais qu’est-on prêt à sacrifier pour son pays ? Faut-il rester ou s’exiler ? Et lorsqu’on part, comment trouver sa place, renouer avec l’ambition, construire des relations amoureuses ? Entre Paris, Conakry et Dakar, à partir d’un fait historique, Bilguissa Diallo retrace les parcours croisés de ces jeunes à la recherche de leur destin propre. Des trajectoires humaines dans une lutte pour la justice et la liberté.

 

Falmarès, Nimrod (préf.), Catalogue d’un exilé, Flammarion, 2023, 21,50 €

 

Trouver la beauté dans ce « voyage infernal », voilà ce que nous offre la poésie de Falmarès. Son chemin est retracé depuis la fuite de la Guinée, les horreurs de la guerre et la traversée dans un zodiac surchargé, jusqu’à l’arrivée en Italie puis en France, où on accompagne Falmarès dans toutes les étapes de son périple : Berck, Nantes, Paris… Ce recueil reflète la douleur, la perte et le manque autant qu’il est traversé par l’espoir, les odes à la beauté et à la poésie d’ici et d’ailleurs. Héritier des plus grands poètes auxquels il rend hommage – de Césaire à Rimbaud – ce réfugié poétique puise dans sa langue la force de sa résilience. « Ses poèmes sont nimbés de lumière et de pardon », écrit le poète Nimrod dans sa préface.

 

Gauz, Debout-Payé, Livre de poche, 2015, 7,90 €

Debout-Payé est le roman familial d’Ossiri, étudiant ivoirien sans papiers atterri en France dans les années 1990 pour démarrer une carrière de vigile. C’est l’histoire d’un immigré et du regard qu’il pose sur notre pays. C’est aussi un chant en l’honneur d’une famille où, de père en fils, on devient vigile à Paris, et plus globalement en l’honneur de la communauté africaine. Gauz distingue trois époques mythiques du métier de vigile, et aussi des relations entre la France et l’Afrique : l’âge de bronze dans les années 1960, l’âge d’or dans les années 1990 et l’âge de plomb après le 11 Septembre. Le récit des choses vues ou entendues au Camaïeu de Bastille et au Sephora des Champs-Élysées constitue des interludes. Un portrait drôle et caustique de la société française et un témoignage inédit de ce que voient vraiment les vigiles sous leur carapace.

 

Heurtault Jeanne, L’Exode des jeunes Sénégalais vers l’Europe, une ethnographie en Casamance, L’Harmattan, 2024, 19 €

 

Depuis 2006, de jeunes hommes du village de Diobakane en Casamance, empruntent des voies irrégulières en direction de l’Europe occidentale. Le manque d’opportunités professionnelles, un système scolaire peu adapté au marché de l’emploi et la recherche du prestige social par le gain d’argent poussent ces jeunes à tourner leurs regards et leurs espoirs vers une Europe idéalisée. La place des candidats au départ au sein de leur famille et les liens qui les unissent au groupe : place dans la fratrie, droit d’aînesse, place de la figure maternelle, etc., sont également centraux dans la construction des désirs d’émigrer. L’association française FIER aide le village depuis 2000. Elle tente de limiter l’exode en accueillant dans le village, des jeunes du Sénégal et des pays frontaliers en rupture avec le système scolaire, en recherche d’émancipation et parfois de retour de migration. À travers un projet touristique, elle accueille des voyageurs d’Europe de l’Ouest essentiellement. Devenue AmDiobaka en 2017, l’association construit un projet d’autonomie alimentaire et financière par la permaculture.

 

Lauret Alexandre, L’Épopée des passeurs, l’âge d’or du trafic de migrants à Djibouti, La Découverte, 2025, 22 €

 

Loin des voies empruntées pour atteindre l’Europe, dans la Corne de l’Afrique, des migrants éthiopiens privés de perspectives quittent en nombre leur pays déchiré par les conflits, parcourent la région aride du nord de Djibouti d’où ils embarquent pour franchir la mer Rouge, avant de traverser le Yémen en guerre afin de tenter leur chance en Arabie saoudite. Pour parvenir à destination, ils remettent leur vie entre les mains de passeurs. C’est à ces intermédiaires, figures honnies d’un trafic sur lequel les États se dédouanent de leurs responsabilités dans les traitements subis par les « clandestins », qu’est consacré cet ouvrage. À Djibouti, Alexandre Lauret a vécu pendant plus de deux ans au contact de pêcheurs d’une région marginalisée du pays reconvertis dans l’organisation d’une filière migratoire transnationale savamment structurée. Il retrace ici leur histoire, sous la forme d’une épopée. Celle-ci, aussi courte que violente, tient en treize années seulement. Entre 2007 et 2020, ces hommes ont fait transiter plus de 1,2 million d’Éthiopiens. Durant ce laps de temps, défiant les autorités, ils sont devenus plus riches et plus puissants que les ministres djiboutiens avant de tout perdre et de n’être plus rien. Parmi leurs hauts faits, ce ne sont peut-être pas tant les courses-poursuites avec les « fédéraux », les affrontements et les vols de convois entre réseaux ou les rivalités avec leurs homologues éthiopiens ou yéménites qui donnent leur tonalité épique à leurs récits, mais bien davantage le discours politique subalterne à travers lequel ils légitiment leur activité.

 

Mukasonga Scholastique, Un si beau diplôme, Gallimard, « Folio », 2020, 8,50 €

 

Scholastique Mukasonga raconte son parcours semé d’embûches pour obtenir son diplôme d’assistante sociale. En 1973, obligée de quitter le Rwanda pour le Burundi, la jeune femme a la chance d’être admise dans une école qui lui décerne le diplôme dont elle rêvait. Elle est pourtant confrontée à la dure épreuve de l’intégration. Mais les difficultés surgissent après : sans la nationalité burundaise, elle ne peut pas se faire attribuer de travail. Elle réussit quand même à exercer sa profession dans les collines de la région de Gitega. C’est là qu’elle rencontre son futur mari, coopérant français pour le ministère de la Culture. Elle quitte son travail pour élever ses deux enfants, puis suit son mari à Djibouti et arrive finalement en France. C’est en 1993, à l’orée de ses quarante ans, qu’elle parvient à reprendre des études et à obtenir, une deuxième fois, le si précieux diplôme. En tant que Tutsi, la narratrice a toujours été étrangère dans son pays, au Burundi elle est une exilée et, partout ailleurs, au fond, elle sera une apatride.

 

Pellerin Raozy, Bibiche, Points, 2025, 8,40 €

 

Promis, elle ne pleurera pas. Elle vous parlera d’elle. Elle, c’est Bibiche. Elle est simplement originaire de Kinshasa. Son histoire ne mérite sans doute pas votre attention. Cette histoire, il va pourtant bien falloir qu’elle essaie de vous la raconter. Écoutez-la, elle n’a que vous. Anonyme sous les boucles de ses perruques, un sourire vacillant, Bibiche a fui son pays pour demander l’asile en France, y renaître et se réinventer. Cependant, chaque étape imposée par l’administration la contraint à fouiller dans sa mémoire, à en extirper ce passé refoulé. Comment et auprès de qui trouver les ressources pour ne pas perdre pied ?

 

Quiminal Catherine, La République et ses étrangers, cinquante années de rencontre avec l’immigration malienne en France, La Dispute, 2022, 18 €

 

Fruit de cinquante années de rencontre avec des immigré.e-s malien.ne-s en France, cet ouvrage confronte les politiques migratoires et les situations heureuses ou malheureuses qu’elles induisent pour les femmes, pour les hommes et pour les relations qu’ils entretiennent entre eux. Famille, travail, logement, activités citoyennes, ce livre bilan aborde de larges aspects de la vie, tous parcourus par le racisme : ségrégation au logement, discrimination à l’embauche et à la formation, stigmatisation des familles, déni de citoyenneté, etc. Chaque fois, on retrouve le même défi que chacune de ces femmes et chacun de ces hommes a su relever : trouver une place et garder sa dignité dans une société qui les minorise. Ainsi s’entrecroisent vie privée et vie publique, résistance et changement, histoire et mémoire dans un seul récit anthropologique de valeur universelle. Catherine Quiminal est professeure émérite à l’université Paris Diderot, ses recherches ont principalement porté sur l’immigration africaine en France.

 

Rwabuhihi Ézéchias, Titre de voyage, Ponts interdits de l’exil, Baudelaire, 2023, 16 €

 

Blessé et expulsé de l’université du Rwanda après une nuit de violences contre les étudiants tutsis en 1973, Ézéchias Rwabuhihi s’exile au Burundi. Il finit ses études médicales au Sénégal, où il passe quatorze ans avant de se rendre en Suisse et au Cameroun. Son travail lui offre la possibilité de voyager dans une dizaine de pays différents, le Burundi, le Canada, la Guinée, la Tchécoslovaquie, le Burkina Faso, ou encore la Suisse. Avec son titre de voyage de réfugié, il expérimente les humiliations des consulats, les suspicions des aéroports et la fréquente question assassine : Que venez-vous faire chez nous ? Souvent chargés de gravité, ces récits sont parfois allégés par l’humour pour dévoiler la réalité des combats de l’auteur. Soutenu par de belles rencontres humaines dans chaque pays visité, l’écrivain garde l’espoir secret du retour au pays. Celui-ci restera inassouvi, à cause du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda.

 

Umubyeyi-Mairesse Beata, Tous les enfants dispersés, J’ai Lu, 2021, 7,60 €

 

Peut-on rassembler ceux que l’histoire a dispersés ? Blanche, rwandaise, vit à Bordeaux après avoir fui le génocide des Tutsi de 1994. Elle a construit sa vie en France, avec son mari et leur fils Stokely. Mais après des années d’exil, quand elle rend visite à sa mère, Immaculata, la mémoire douloureuse refait surface. Celle qui est restée et celle qui est partie pourront-elles se pardonner ? Stokely, lui, pris entre deux pays, veut comprendre d’où il vient. Ode aux femmes persévérantes et à la transmission, ce roman mêle les voix de trois générations qui tentent de renouer des liens brisés et de trouver leur place dans le monde d’aujourd’hui.

ALGÉRIE

 

Allais Anaïs, Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été, Actes Sud Papiers, 2018, 11 €

 

Théâtre. Lilas et son frère Harwan ont une partie de leur histoire cachée de l’autre côté de la Méditerranée, en Algérie. Une histoire qui bégaie, qui a besoin d’un pont pour aller d’un mot à l’autre. Depuis toujours, Lilas a la nostalgie de ce pays qu’elle ne connaît pas, quand Harwan, lui, ne veut pas en entendre parler, estimant que tout ça ne les a jamais regardés en face. Méziane, musicien et professeur d’arabe à ses heures perdues, va venir créer un lien entre cette fratrie qui ne se comprend plus.

 

Bekkar Nour, Corps étranger sous la peau, Blast, 2025, 14 €

 

Corps étranger sous la peau raconte l’exil : comment se construit-on quand on est renvoyé·e à nulle part tant géographiquement qu’idéologiquement ? Ce roman se partage entre l’enfance ramenée en Algérie après sept années passées à Paris et le temps adulte de retour en France. Il ne s’agit pas d’être dans un entre-deux mais de ressentir l’exclusion à chaque endroit de vie. À Alger, des codes à apprendre, une langue qu’on ne maîtrise pas, la solitude. À Paris, le racisme structurel, la vie autonome et queer, l’éloignement, la dissociation. Nour Bekkar initie une réflexion narrative autour des parcours migratoires et transmet une vision intime et politique de la façon dont la diaspora est fracturée.

 

Bridji Mohamed, Laurent Bazin, Moha, le retour du refoulé. Récits du racisme d’État, La Dispute, 2025, 24 €

Moha a été refoulé de France vers son pays natal, l’Algérie. Il publie son autobiographie avec Laurent, anthropologue, chercheur au CNRS. Ce livre à deux voix est construit comme un double récit. Moha raconte son enfance dans les centres de réfugiés en Allemagne, une adolescence d’errance et de délinquance en France, son expérience de l’incarcération, de l’expulsion et de l’exil. Laurent reconstitue le contexte historique et spatial dans lequel s’est déroulé le parcours de Moha et de sa famille. Ensemble, ils dévoilent les processus historiques et politiques par lesquels le racisme colonial de l’Algérie française a été internalisé dans les institutions de la République pour être redéployé dans le cadre des politiques anti-migratoires et sécuritaires européennes. Témoignage brut et réflexion politique originale, ce livre montre les rouages d’un pouvoir néolibéral qui stimule la xénophobie pour façonner l’injustice. Il s’achève sur l’urgence d’« ouvrir sa gueule » pour résister aux dérives néoréactionnaires et néofascistes qui menacent aujourd’hui d’emporter nos institutions.

 

Charef Mehdi, Rue des Pâquerettes, Le Livre de Poche, 2020, 7,40 €

 

  1. Un hiver terrible enserre les bidonvilles de Nanterre. La Seine est gelée. C’est donc cela la France, cette terre d’accueil dont son père lui a tant parlé ? Le froid partout, les regards en biais, les chantiers pour horizon – l’usine, au mieux ? À l’école des Pâquerettes, on doute qu’un petit Algérien de 10 ans, tout juste déraciné, puisse rattraper son retard et rêver mieux. C’est compter sans les livres, le cinéma du quartier et le pouvoir des mots.

 

Djoulaït Asya, Ibn, Grasset, 2025, 20,90 €

 

Issa a six ans quand son père décède et qu’il est enterré au pays, où on l’appelle Ibn el Marhoum, « le fils du mort ». Il en a quinze quand il trouve sa mère, inanimée, sur son tapis de prière, dans leur appartement de Montreuil. Il se jure que cette fois, on ne lui enlèvera pas le corps. Désormais fils de personne, Ibn va se dresser contre la loi et la morale et décider de cacher cette mort à tous pour veiller sa mère et l’enterrer seul. Il a trois jours pour grandir et parvenir à incarner le sens de son prénom, Issa, « celui qu’on espère ». Dans cette réécriture romanesque du mythe d’Antigone, Asya Djoulaït met en scène un triple face-à-face : celui d’un fils face à sa mère, d’un orphelin face à Dieu et d’un jeune homme musulman devant le monde qui l’attend. Avec authenticité, elle offre à son héros une voix et un destin qui témoignent d’une certaine jeunesse d’aujourd’hui.

 

Khelfa Farida, Une enfance française, Albin Michel, 2024, 19,90 €

 

À la mort de sa mère, découvrant les rites funéraires de ses origines, Farida se replonge dans son enfance jamais racontée. Les mots et les souvenirs se bousculent, alors que surgit par fulgurances la vie de cette famille d’immigrés algériens : les HLM misérables, les hommes brisés par l’illettrisme et la colonisation, les mères pétrifiées. Au milieu, une fratrie élevée dans une violence inouïe mais soudée par le rire et la force de vie. Émerge la vision crue et poétique d’une enfance française, l’âpre histoire d’une petite fille qui a su se recréer et se faire une place dans un monde nouveau, animée par une extraordinaire résilience.

 

Kiliçkaya Sema, La Langue de personne, J’ai Lu, 2020, 6,90 €

 

Fatma est fille d’immigrés, un héritage qu’elle a rejeté en fuyant la France pour les États-Unis. Vingt ans après, elle retrouve les siens, au moment de l’attentat contre Charlie Hebdo. Ils vivent dans leur HLM de toujours. Pour ne pas se laisser entraîner dans l’hystérie collective, Fatma joue avec les mots. Mais le récit n’interroge pas seulement l’absurde, il sonde la relation à l’identité, la question du vivre ensemble.
Que signifie être français(e) ? Quelle expérience partager, d’une génération à l’autre, d’une langue à l’autre ? Sema Kiliçkaya questionne avec humour et tendresse les origines de ce malaise.

 

Lachaud Denis, Les Métèques, Babel, 2020, 7,70 €

 

Par deux fois, la famille Herbet est convoquée à la préfecture de Marseille. Dès le premier courrier, Célestin, le fils aîné, a pressenti un danger. Dans un pays où, cinquante ans plus tôt, on encourageait les immigrés à s’assimiler, voici qu’un fonctionnaire demande à ses parents de reprendre leur nom d’origine. C’est le point de bascule. Ce patronyme, devenu synonyme d’altérité, bouleverse la vie de toute la famille, fait d’elle la cible des milices citoyennes qui s’organisent. Célestin, qui entretient un rapport particulier avec le réel, s’échappe une nuit par les toits. Commence alors un long voyage, une succession de jours durant lesquels le jeune homme se faufile dans une région quadrillée de contrôles policiers. Au cours de cette cavale, il va devoir apprendre le renoncement, comprendre l’exil. Denis Lachaud  décrit, avec cette fable contemporaine glaçante, toutes les déviances de l’humanité.

 

Le Clerc Xavier, Le Pain des Français, Gallimard, 2025, 19 €

 

« ‘Ici, on ne vend pas le pain des Français aux bougnoules ! Dix baguettes ! Et encore quoi ?’ éructa le boulanger, les bras croisés derrière sa vitrine de pâtisseries. J’avais six ans et mon père, qui me tenait par la main, en resta sans voix. Le regard vert et incandescent, il serrait sa mâchoire anguleuse. Mon père était aussi tourmenté par son passé que par l’avenir de sa famille nombreuse, pour laquelle il avait tout sacrifié. Lui l’ouvrier si digne, qui était toujours vêtu d’un costume noir et d’une cravate, ignorait qu’il dégageait l’air déchirant d’un oiseau kabyle en voie d’extinction, une sorte de dodo des montagnes qui avait tour à tour survécu à la famine, à la guerre puis à l’usine. » Dans les sous-sols du musée de l’Homme, à Paris, sont emmagasinés des milliers de crânes indigènes, provenant de collections du XIXe siècle. Le narrateur, Xavier Le Clerc lui-même, découvre parmi ces cartons empilés le crâne numéroté d’une fillette kabyle de sept ans, qu’il appellera Zohra. Il tentera d’imaginer sa courte vie, lui racontant en retour ce qu’a été la sienne. Entre la brutalité des conquêtes coloniales et le parcours de Xavier Le Clerc, fils d’immigrés algériens, ce roman à l’écriture intense questionne la possible réconciliation des deux rives.

 

 

Louatah Sabri, 404, J’ai Lu, 2021, 8 €

 

« Rentre dans ton pays. Entendre ça alors que ça fait soixante-dix ans qu’on vit en France ! Mon petit Rayanne c’est la quatrième génération, il va falloir combien de générations pour que vous nous foutiez la paix ? Combien ?’, s’emporte un des personnages de mon roman. Avec 404, j’ai voulu regarder la brèche, sans ciller, et raconter cette tragédie française de la partition et de la séparation ethnique à travers le destin d’une poignée de personnages réunis dans une petite commune de l’Allier. Pile au centre de la France et de toutes les tensions qui la traversent. » Sabri Louatah signe un thriller politique et rural. En explorant ce que l’on décide collectivement de ne pas voir, il raconte un pays qui se creuse dans le pays et ajoute à notre roman national un chapitre plein de bruit et de fureur.

 

Rahal Malika, Mille histoires diraient la mienne, EHESS, 2025, 14,90 €

 

« Je m’appelle Malika Rahal et je suis une historienne du temps présent, de ce temps dont les témoins et acteurs sont encore en vie. » Quels chemins la petite fille d’une atypique famille d’immigrés a-t-elle empruntés pour en arriver là ? Connue pour ses recherches sur l’Algérie contemporaine, Malika Rahal livre un texte personnel, dans lequel les vivants et les morts de son histoire se mêlent à ceux de ses enquêtes.
Au fil de ces pages où pointent la colère et l’urgence face à la colonisation et à la guerre, les enjeux de transmission de la culture et de la mémoire rythment un récit attentif aux détails des lieux et des objets de la vie courante. Lorsqu’elle ouvre le placard à épices de sa cuisine, écoute les disques vinyle de ses parents ou regarde les photos de famille, c’est toujours en historienne : elle fait le lien avec sa pratique d’enseignante et de chercheuse, interroge son rapport aux témoins et à leurs récits, et explore ses engagements. Son livre est une réflexion sur l’écriture de l’histoire du temps présent, « fût-ce au milieu de la guerre ».

 

AMÉRIQUE DU SUD

 

Amigorena Santiago H., Le Ghetto intérieur, Gallimard, « Folio », 2021, 8,50 €

 

« Vicente n’avait pas voulu savoir. Il n’avait pas voulu imaginer. Mais, en 1945, peu à peu, malgré lui, comme tout le monde, il a commencé à savoir – et il n’a pas pu s’empêcher d’imaginer. » Vicente Rosenberg est arrivé en Argentine en 1928. Il a rencontré Rosita, ils se sont aimés et ont eu trois enfants. Mais depuis quelque temps, les nouvelles d’Europe s’assombrissent. À mesure que lui parviennent les lettres de sa mère, restée à Varsovie, Vicente comprend qu’elle va mourir. De honte et de culpabilité, il se mure alors dans le silence. Ce roman raconte l’histoire de ce silence –  qui est devenu celui de son petit-fils, Santiago H. Amigorena.

 

Allende Isabel, Mon pays réinventé, traduit de l’espagnol par Alex et Nelly Lhermillier, Le Livre de Poche, 2005, 7,70 €

 

« Presque toute ma vie, j’ai été une étrangère, condition que j’accepte car je n’ai pas d’alternative. Plusieurs fois, je me suis vue obligée de partir en brisant des liens et en laissant tout derrière moi, pour recommencer ma vie ailleurs. Ayant choisi l’exil après le coup d’État du 11 septembre 1973 au Chili, Isabel Allende s’est engagée sur le chemin de la littérature. Aujourd’hui, sur un ton léger, elle nous livre son Chili mythique, imaginé dans l’exil, territoire de sa nostalgie, seul pays où elle ne se sente pas une étrangère. Ce portrait contrasté du Chili, où sont évoquées sa géographie, son histoire, sa culture ou ses mentalités, est entremêlé de souvenirs et de pensées personnels qui retracent tout le chemin d’une vie. La famille extravagante, l’enfance, les rencontres, les voyages. Isabel Allende dévoile les origines et donne les clés des personnages et des lieux qui sont la matière de son œuvre romanesque.

 

Carrasco Olenka, Patria, The Eyes Publishing, 2023, 39 € (version française)

Patria est le récit bouleversant du deuil du père, des questionnements identitaires qu’il fait surgir, et d’une façon plus générale de l’histoire du Vénézuela et de ses exilé·e.s depuis 2015, date du dernier voyage de l’artiste dans son pays natal.

 

BALKANS

 

Kassabova Kapka, Lisière, traduit de l’anglais par Morgane Saysana, J’ai Lu, 2021, 9,50 €

 

Quand Kapka Kassabova retourne en Bulgarie, son pays natal, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, c’est à la frontière avec la Turquie et la Grèce qu’elle se rend. Une zone inaccessible dans son enfance lorsque la guerre froide battait son plein, un carrefour qui grouillait de militaires et d’espions. Au gré de son voyage, elle découvre les lieux qui furent dominés par des forces successives, de l’Empire ottoman au régime soviétique, et baignés de mythes et de légendes. Peuplé de magnifiques portraits d’individus hauts en couleur, arrivés là volontairement ou non, Lisière est à la fois le récit d’une immersion dans les coulisses de l’histoire, un regard neuf sur la crise migratoire en Europe et une plongée au cœur de géographies intimes.

 

Pigani Paola, Venus d’ailleurs, éd. Liana Levi, 2017, 8,50 €

 

Ils sont arrivés à Lyon au printemps 2001. Ils ont un peu plus de vingt ans et leur voyage ressemble à celui de milliers d’autres Kosovars qui fuient la guerre : le passage clandestin des frontières, les mois d’attente poisseux dans un centre de transit avant d’obtenir le statut de réfugié. Mirko et sa sœur Simona partagent la même histoire et pourtant leur désir de France n’est pas tout à fait le même. Son intégration, Simona veut l’arracher au culot et à la volonté. Alors elle s’obstine à apprivoiser les lois du labyrinthe administratif et les raffinements de la langue. Mirko est plus sauvage. Pour lui, le français reste à distance. Il travaille sur des chantiers avant de regagner la solitude d’un foyer anonyme. Souvent, il pousse jusqu’aux lisières de la ville où il laisse sur les murs des graffs rageurs. C’est dans ces marges qu’il rencontre Agathe et tisse le début d’un amour fragile.

 

CONDITION MIGRATOIRE

 

Aouine Sofia, Rhapsodie des oubliés, Le Livre de Poche, 2021, 7,40 €

 

« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s’appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans. » Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d’Or, Paris XVIIIe. C’est l’âge des possibles : la sève coule, le cœur est plein de ronces, les sentiments et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin qu’on lui réserve, Abad brise les règles. À la façon d’un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui. Dans une langue explosive, influencée par le roman noir, la littérature naturaliste, le hip-hop et la soul music, Sofia Aouine conte une radioscopie sans concession mais avec tendresse, d’une génération, d’un quartier, et l’odyssée de ses habitants.

 

Fassin Didier, Marie-Claire Defossez, L’Exil toujours recommencé, Seuil, 2024, 24 €

Cinq années durant, D. Fassin et A.-C. Defossez ont mené une recherche à la frontière entre l’Italie et la France auprès de nombre d’exilés, pour reconstituer leur périple en l’inscrivant dans le contexte géopolitique des bouleversements du monde. Ils ont pris part aux activités menées pour leur porter assistance. Ils ont rencontré les acteurs de ce territoire de migrations millénaires. Leur enquête donne ainsi à comprendre l’expérience des exilés, l’engagement des volontaires et même le désarroi des forces de l’ordre, conscientes de la vanité de leur mission. Elle dévoile l’inefficacité d’une militarisation de la frontière qui rend plus dangereuse la traversée de la montagne et d’une politique qui nie les droits de personnes en quête de protection. D. Fassin est anthropologue et médecin, A.-C. Defossez est sociologue.

 

Fert Bruno, Refuge, dans l’intimité de l’exil, Autrement, 2019, 25 €

 

« Habiter est ce que nous avons tous en commun. Que nous soyons nomades ou sédentaires, nous habitons tous. Les abris temporaires des populations migrantes reflètent leur personnalité, tout comme nos appartements et nos maisons parlent de nous. C’est à partir de ce point commun que je veux amener le public à s’identifier, à se mettre à la place de l’autre en observant son lieu de vie. » Depuis 2016, Bruno Fert parcourt les camps de réfugiés de Grèce, d’Italie, de France, pour y photographier l’habitat provisoire – abris de fortune, chambres, appartements – où ceux qui ont fui leur pays recréent une intimité, une attache, une identité. Un travail documentaire qui témoigne de ce moment charnière de l’exil, où la reconstruction de soi passe par l’appropriation de son propre intérieur.

 

Giorgetti Alain, La Nuit nous serons semblables à nous-mêmes, Alma éditeur, 2020, 17 €

 

Bouleversé par le drame des migrants et les images sans cesse reprises de tragédies sans cesse répétées, Alain Giorgetti en exprime le caractère universel. Ce premier roman rappelle que nous sommes tous sous le signe de l’exode. Adèm est allongé sur la plage, incapable de bouger. Pour quitter son pays, il a payé très cher sa traversée. Malheureusement, l’embarcation a fait naufrage. Où sont les autres ? Qu’est devenue sa sœur ? Attendant que le jour se lève et la venue peut-être des secours, il se souvient de toute son histoire. Enfance insouciante dans la montagne, ombres de la dictature, disparition de son père enlevé par la milice, de sa mère partie le rejoindre. Puis la fuite avec sa sœur, les camps, l’espoir têtu d’arriver de l’autre côté de la mer, là où il est permis d’espérer un futur. Les pensées d’Adèm se mêlent au rythme des vagues. Il s’accroche à sa mémoire afin de conjurer la nuit qui menace de l’engloutir. On ne sait pas d’où il vient, ni quelle langue il parle, ni comment s’appelle son pays, mais ses paroles sont un long poème faisant écho à tous les exils.

 

Gurnah Abdulrazak, Près de la mer, Gallimard, Folio, 2024, 10 €

 

« J’ai du temps sur les mains, je suis entre les mains du temps, alors autant que je m’explique. Tôt ou tard il faut en venir là. » Un soir de novembre 1994, Saleh Omar, soixante-cinq ans, débarque à Londres, un faux passeport en poche au nom de Mahmud. Dans son ancienne vie, sur l’île de Zanzibar (Tanzani), Saleh était un commerçant prospère, marié et père de famille. Aujourd’hui, serrant contre lui un petit sac dans lequel se trouve son bien le plus précieux, une boîte en acajou remplie d’encens, il demande l’asile à un pays qui ne veut pas de lui. Lorsque le fils du vrai Mahmud apprend que Saleh est en Angleterre, le passé ressurgit brusquement. Confrontés aux clichés que plaquent sur eux les Anglais, les deux hommes se racontent leur véritable histoire, près d’une autre mer. En conteur virtuose, Abdulrazak Gurnah emmène dans les méandres de l’histoire de Zanzibar et dit la tragique condition de tous les exilés, à jamais écartelés entre deux rives.

 

Köhlmeier Michael, La Petite Fille au dé à coudre, traduit de l’allemand (Autriche) par Marie-Claude Auger, éd. Jacqueline Chambon, 2017, 13,50 €

« Et puis un soir, l’oncle ne vint pas à l’endroit convenu. Elle attendit, comme il le lui avait ordonné. Elle mit ses mains dans les moufles, enfonça le bonnet sur ses oreilles et croisa les bras. Elle rentra la tête parce qu’un bout de son cou dépassait du col. Elle tourna le dos au vent. Des gens passèrent près d’elle mais personne ne dit rien. Elle n’avait pas l’air d’être perdue. Elle avait l’air d’attendre. Et c’est ce qu’elle faisait. Elle voyait les stands du marché, elle voyait aussi le magasin de Bogdan. Elle vit les lumières s’éteindre dans le magasin de Bogdan. Puis les lumières de tous les stands et magasins du marché s’éteindre aussi. Elle avait froid. Elle n’avait pas faim. » Une petite étrangère de six ans perdue dans une ville inconnue et deux garçons égarés comme elle vont apprendre à survivre dans un monde où ils n’ont pas leur place.

 

Nouss Alexis, La Condition de l’exilé, Penser les migrations contemporaines, Maison des Sciences de l’Homme, 2019, 12 €

 

Les phénomènes migratoires atteignent une ampleur inédite et suscitent de graves crises sociétales en Europe et ailleurs. C’est pourquoi il importe d’en renouveler les analyses en se penchant sur la condition des exilés. Si les discours actuels font du migrant une figure propre à alimenter chiffres et statistiques, ils gomment son vécu et ses parcours, ses espoirs et ses souffrances. Or, le migrant est d’abord un exilé, porteur à ce titre d’une identité plurielle et d’une expérience de multi-appartenance propres à enrichir le vivre-ensemble. Comprendre le migrant en tant qu’exilé permettra de mieux l’accueillir et, en place d’un droit d’asile défaillant, d’esquisser les fondements d’un droit d’exil.

 

Parant, Jean-Luc, Nous sommes tous des migrants, L’Atelier contemporain, 2019, 20 €

 

Nous avons tous migré sur la terre car nous sommes beaucoup plus originaires des tours que fait la terre autour du soleil et de la terre qui tourne sur elle-même que de la terre qui ne tourne pas ; beaucoup plus originaires du ciel où tournent toutes les planètes que d’un pays ou d’un autre pays. Celui qui pense tenir sous ce titre un manifeste, un plaidoyer, celui-là ne fait pas fausse route ; mais qu’il oublie pour un moment ce qu’il entend jour après jour au sujet du « fait migratoire ». L’échelle de temps et d’espace de ce long poème en prose, cette épopée, cette cosmogonie, excède littéralement à l’infini ces représentations journalières. Car les acteurs de cette histoire, c’est nous : nous dans l’illimité de l’univers, nous sur la terre qui tourne sur elle-même et autour du soleil ; nous dans la perpétuelle succession du jour et de la nuit, dans la lignée interminable de nos ascendants et de nos descendants – nous tous migrants, même pas tant par devoir de conscience que par constitution, par notre vrai destin commun.

 

Poix Guillaume, Là d’où je viens a disparu, Verticales, 2020, 19,50 €

 

« Ça fait deux ans que je ne l’ai pas revu. Sept cent vingt-trois jours pour être précise. Il y a un mois, j’ai reçu une lettre de lui en provenance des États-Unis. Il m’indiquait qu’il avait fui notre pays et qu’il travaillait dans une entreprise de bâtiment. Il allait bien, il écrirait de temps en temps, il me souhaitait du calme maintenant qu’on ne se reverrait plus. J’ai brûlé la lettre et j’ai regardé mon fils aîné partir en fumée. »
Inspiré de faits réels, ce roman choral explore des rêves d’exil, accomplis ou à jamais manqués. D’un continent à l’autre, des familles dispersées affrontent la même incertitude : que transmet-on à ses enfants qu’aucune frontière ne peut effacer ?

 

Sayad Abdelmalek, La Double Absence, des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, Pierre Bourdieu (préf.), Points, 2014, 13,40 €

 

L’émigration et l’immigration sont deux phénomènes aussi indissociables que le recto et le verso de la même feuille et pourtant très différents, au point qu’on croit pouvoir comprendre l’un sans connaître l’autre. Abdelmalek Sayad dévoile les contradictions inscrites dans la condition d’immigré : absent de sa famille, de son village, de son pays, et frappé d’une sorte de culpabilité inexpiable, mais tout aussi absent, du fait de l’exclusion dont il est victime, du pays d’arrivée, qui le traite comme simple force de travail. Autant de choses qui ne sont pas seulement dites dans le langage habituel de la littérature critique, mais également dans la langue que les immigrés emploient eux-mêmes pour faire part avec beaucoup d’intensité et de justesse de leur propre expérience.

 

ÉTATS-UNIS

 

Alameddine Rabih, La Réfugiée, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard, 10/18, 2023, 8,90 €

 

« C’est toi qui as suggéré que j’écrive ça. Toi, l’écrivain, tu n’as pas pu. Tu as essayé d’écrire l’histoire du réfugié. Plusieurs fois, à de nombreuses reprises. Tu as échoué. Et échoué encore. Peut-être échoué mieux. Il n’empêche, tu n’as pas pu. Plus de deux ans après que nous nous sommes rencontrés à Lesbos, tu essayais encore. Tu t’y es attaqué par un versant, puis par un autre, en vain. Tu étais trop impliqué, incapable de te dépêtrer toi-même de l’histoire. Tu as dit que tu n’arrivais pas à trouver la bonne distance. Tu n’étais pas capable de trouver les mots justes, même après nombre de séances sur le canapé de ton psychiatre. […] Et quoi que tu fasses, as-tu dit, ne l’intitule pas Lesbienne libanaise à Lesbos, je t’en supplie. » Une plongée au cœur d’un drame humanitaire où se croisent des esprits rebelles qui ont en commun l’exil, la perte et l’espoir.

 

Perec Georges, Ellis Island, POL, « Poche », 2019, 8 €

 

« Ce que moi, Georges Perec, je suis venu questionner ici, c’est l’errance, La dispersion, la diaspora. Ellis Island est pour moi le lieu même de l’exil, c’est-à-dire le lieu de l’absence de lieu, le non-lieu, le nulle part. C’est en ce sens que ces images me concernent, me fascinent, m’impliquent, comme si la recherche de mon identité passait par l’appropriation de ce lieu-dépotoir où des fonctionnaires harassés baptisaient des Américains à la pelle. Ce qui pour moi se trouve ici ce ne sont en rien des repères, des racines ou des traces, mais le contraire : quelque chose d’informe, à la limite du dicible, quelque chose que je peux nommer clôture, ou scission, ou coupure, et qui est pour moi très intimement et très confusément lié au fait même d’être juif. »

 

EXTRÊME DROITE

 

Alduy Céline, La Langue de Zemmour, Seuil, « Libelle », 2022, 3,85 €

 

Eric Zemmour utilise les mots comme des armes. Et d’abord contre la langue elle-même. Sous sa plume, le sens se brouille, les concepts politiques s’inversent, l’ironie et le grotesque attaquent comme un acide les valeurs humanistes. La torsion des mots et de l’histoire y est la norme. L’obsession raciale, omniprésente. Pourtant ses fictions fascinent. Pourquoi ?

 

Alestra Léane, Les Vigilantes, surveillantes et surveillées, ces femmes au cœur de l’extrême droite, éd. Jean-Claude Lattès, 2025, 20,90 €

 

Alors qu’à travers le monde, l’extrême droite s’attaque aux droits des femmes, celles-ci sont de plus en plus nombreuses à adhérer aux idéologies réactionnaires. De Giorgia Meloni à Marine Le Pen, jusqu’aux influenceuses tradwives, pourquoi des femmes choisissent-elles de soutenir des politiques qui vont à l’encontre de leurs intérêts ? Comment investissent-elles ces mouvements et que dévoilent-elles de notre organisation sociale ? En s’appuyant sur des travaux fondateurs en sciences humaines et sur des références issues de la pop culture, de Desperate Housewives à Bonnie & Clyde en passant par Twilight, Léane Alestra interroge les liens entre capitalisme, racisme et hétérosexualité normative, révélant que les femmes ne se contentent pas d’adoucir ou de moderniser l’image de l’extrême droite : elles en sont la clé de voûte. Entre théorie politique et questions de genre, elle analyse comment les luttes féministes sont détournées à des fins identitaires. Elle nous engage à renoncer à la vigilance, qui nous enferme dans une logique sécuritaire, pour lui substituer une véritable attention aux autres, seule capable de désamorcer les pièges du fascisme.

 

Bourdon Sébastien, Drapeau noir, jeunesses blanches, enquête sur le renouveau de l’extrême droite radicale, Seuil, 2025, 22 €

 

La tentative de descente raciste à Romans-sur-Isère (après la mort du jeune Thomas à Crépol) par une centaine de nervis le 25 novembre 2023 n’est que le dernier exemple d’un phénomène qui s’intensifie sur fond de fascisation de la société et de succès électoraux du RN. Loin d’endiguer la tendance, les dissolutions successives de certaines de ses structures comme le Bastion social, Génération identitaire ou le GUD contribuent même à la renforcer : porosité grandissante entre les chapelles, image d’« ennemis.du système », favorisation d’une plus grande radicalité. Et la bolloréisation féroce du champ médiatique ainsi que le rôle d’influenceurs ne font qu’accélérer la dédiabolisation de ces groupes radicaux. Ce livre, qui combine à l’enquête journalistique les regards d’historiens et de sociologues, retrace l’histoire récente des différents courants de l’extrême droite radicale : royalistes, identitaires, nationalistes-révolutionnaires – souvent réunis sous le drapeau noir à croix celtique pour « défendre la race blanche ». Surtout, en brossant le portrait de ses militants, de leur idéologie, de leurs échelles de valeur et de leurs méthodes, Sébastien Bourdon dresse l’état des lieux du renouveau de la mouvance, et définit précisément la menace qu’elle représente.

 

Coquard Benoît, Ceux qui restent, faire sa vie dans les campagnes en déclin, La Découverte, 2022, 12 €

 

Objet de fantasme sur le « vrai » peuple de la « France oubliée » ou de dégoût au sujet des prétendus « beaufs » racistes et ignorants, les campagnes en déclin nourrissent bien des clichés. Mais qui sont les jeunes hommes et femmes qui y font leur vie ? Si bon nombre d’entre eux rejoignent les villes pour les études, d’autres restent, souvent faute de ressources. Ceux-là, ouvriers, employés ou chômeurs, tiennent néanmoins à ce mode de vie rural et populaire dans lequel « tout le monde se connaît » et où ils peuvent être socialement reconnus. Comment perçoivent-ils alors la société qui les entoure ? À qui se sentent-ils opposés ou alliés ? À partir d’une enquête immersive de plusieurs années dans le Grand-Est, Benoît Coquard plonge dans leur vie quotidienne. À rebours des idées reçues, il montre comment, malgré le chômage, la lente disparition des services publics, des usines, des associations et des cafés, des consciences collectives persistent, sous des formes fragilisées et conflictuelles. Une plongée dans un monde que l’on entend peu, ou que l’on écoute mal.

 

Faury Félicien, Des électeurs ordinaires, enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Seuil, 2024, 21,50 €

 

Ils sont artisans, employés, pompiers, commerçants, retraités… Ils ont un statut stable, disent n’être « pas à plaindre » même si les fins de mois peuvent être difficiles et l’avenir incertain. Et lorsqu’ils votent, c’est pour le Rassemblement national. De 2016 à 2022, d’un scrutin présidentiel à l’autre, le sociologue et politiste Félicien Faury est allé à leur rencontre dans le Sud-Est de la France, berceau historique de l’extrême droite française. Il a cherché à comprendre comment ces électeurs se représentent le monde social, leur territoire, leur voisinage, les inégalités économiques, l’action des services publics, la politique. Il donne à voir la place centrale qu’occupe le racisme, sous ses diverses formes, dans leurs choix électoraux. Souvent qualifié d’« anti-système », le vote RN s’appuie ici au contraire sur un sens commun, constitué de normes majoritaires perçues comme menacées – et qu’il s’agit de défendre. À travers des portraits et récits incarnés, cette enquête de terrain éclaire comment les idées d’extrême droite se diffusent au quotidien.

 

Fort Pierre-Stéphane, Le Grand Remplaçant. La Face cachée de Jordan Bardella, Studiofact éditions, 2024, 20 €

 

Enquêter sur Jordan Bardella, c’est se confronter aux multiples visages d’un Janus politique. Côté médias, il est ce gendre idéal au physique des années 1930, cheveux gominés et sourire carnassier. Élevé à Saint-Denis, engagé au FN à 16 ans, il aime se présenter en self-made man. Une belle histoire au service de son ambition, qui ferait presque oublier l’étendard qu’il porte, celui de l’extrême droite. Arme de séduction massive de son camp, c’est une créature façonnée par Marine Le Pen. Mi-Rastignac, mi-Bel-Ami, il a parfois tourné le dos à ses plus proches en politique et a su jouer de ses relations pour monter vite et haut. On dit qu’il est un caméléon, « un coffre-fort ». Au fil d’une année en apnée au cœur de l’extrême droite, grâce à de nombreux témoignages et révélations exclusives, ce livre se propose d’en percer l’épais blindage.

 

Palheta Ugo, Comment le fascisme gagne la France, de Macron à Le Pen, La Découverte, 2025, 20,90 €

 

RN aux portes du pouvoir, répression violente des mouvements populaires, politiques racistes et anti-immigrés, offensive réactionnaire contre les droits des femmes et des minorités, diabolisation de la gauche d’émancipation, omniprésence de l’extrême droite et de ses obsessions dans les médias, complicités actives des appareils « républicains », de droite comme de gauche, islamophobie généralisée, etc. L’énumération signale une dynamique mortifère que le règne de Macron a largement amplifiée et qu’il nous faut affronter. De quoi ces symptômes morbides sont-ils le nom ? Et comment conjurer le désastre annoncé ? Ugo Palheta avance l’hypothèse que nous vivons la renaissance – sous de nouvelles formes – du fascisme, conçu comme une potentialité inhérente au capitalisme. Refusant le morcellement académique des approches, il se propose d’articuler l’analyse par en haut du champ politique et l’étude par en bas des électeurs d’extrême droite, de penser ensemble les politiques néolibérales et le racisme systémique, de prendre au sérieux aussi bien la montée de l’autoritarisme d’État que la progression électorale du RN, tout en avançant quelques pistes pour vaincre ce dernier.

 

Palheta Ugo (dir.), Chapoutot Johann (préf.), Guetté Clémence (postf.), Extrême droite, la résistible ascension, Amsterdam éditions, 2024, 18 €

Les progrès électoraux de l’extrême droite ces trente dernières années ont installé l’idée de son arrivée inéluctable et imminente au pouvoir. Cette idée a trop souvent permis au personnel politique et médiatique de s’exonérer de l’analyse des causes profondes et de l’alternative à y opposer. Cet ouvrage, coordonné par le sociologue Ugo Palheta, propose au contraire de comprendre, à l’aide des travaux les plus récents en sciences sociales, la façon dont la route a été pavée à l’extrême droite. Quelles dynamiques sociales ont poussé une partie croissante des élites et certaines fractions des classes populaires à se ranger derrière elle. Par quels médias et sous quelles formes ont été imposés les discours racistes, sexistes et LGBTI-phobes qui portent l’extrême-droitisation. Quels réseaux ont appuyé et conforté ce glissement. Il s’agit ici d’opposer à la fatalité une analyse précise des forces, mais aussi des failles, de l’extrême droite. Donc de montrer que cette ascension est plus résistible qu’il n’y paraît.

 

Rouban Luc, Les Ressorts cachés du vote RN, Presses de Sciences Po, 2024, 15 €

 

Depuis 2022, le Rassemblement national (RN) est la première force politique en France. S’il échoue en 2024 à obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il augmente de 50 % le nombre de ses députés. Tel un trou noir, il attire à lui des votes toujours plus nombreux, que les hypothèses sur l’essor du populisme ou la montée d’une colère irrationnelle peinent à expliquer. Les motivations d’un vote tiennent souvent davantage aux imaginaires mobilisés par les partis qu’à l’analyse de leur programme politique. Luc Rouban a choisi d’écouter ce que les électeurs du RN disent de leur rapport au politique, de leurs conceptions de l’entreprise, de l’écologie, de l’État-providence, de l’immigration. En questionnant leurs aspirations à une maîtrise recouvrée de leur destin, il montre comment le RN a notamment su capter un héritage en déshérence, celui du gaullisme, où le culte de l’État est associé à une droite sociale.

 

Saqué Salomé, Résister, Payot, 2024, 5 €

 

L’extrême droite est aux portes du pouvoir. Dans les urnes comme dans les esprits, ses thèmes, son narratif et son vocabulaire s’imposent. Il est encore temps d’inverser cette tendance, à condition de comprendre les rouages de cette progression et de réagir rapidement.

 

Stangler Cole, Le Miroir américain. Enquête sur la radicalisation des droites et l’avenir de la gauche, Les Arènes, 20 €

 

Et si, pour comprendre la crise démocratique en France, il suffisait de regarder ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique ? Radicalisation des droites, fracture culturelle, retour du religieux, montée en puissance des médias partisans, érosion de l’électorat populaire de la gauche… De nombreux changements politiques aux États-Unis trouvent un écho stupéfiant en France. Pendant un an, le journaliste franco-américain Cole Stangler a sillonné l’Amérique à la rencontre d’électeurs de Donald Trump, d’élus républicains et démocrates, de syndicalistes, de militants, mais aussi de journalistes. Tandis qu’ici comme là-bas la droite se réinvente et s’impose, une gauche en quête de renouveau tente de faire face. Avec ce récit incarné, Cole Stangler nous tend un miroir transatlantique qui pourrait bien refléter notre avenir.

 

FEMMES ET MIGRATION

 

Coutard Hélène, Les Fugitives, Partir ou mourir en Arabie saoudite, Seuil, 2021, 19 €

 

Un nombre grandissant de jeunes filles fuient chaque année l’Arabie saoudite dans l’espoir d’une vie meilleure. Hélène Coutard est partie à la rencontre d’une quinzaine d’entre elles, qui ont tout quitté – famille, travail et parfois enfants – pour échapper aux lois du tutorat saoudien. Malgré l’image moderne cultivée par le royaume, le pays continue en effet d’appliquer les principes d’un islam wahhabite rigoriste. À travers ses longs portraits de « fugitives », l’auteure décrit avec sensibilité le quotidien de ces vies volées ainsi que les stratégies pour préparer, dans le plus grand secret, les départs. Un matin, faire comme si on partait tranquillement pour son cours d’anglais et demander au taxi de foncer vers l’aéroport. Mais l’exil n’est pas toujours le refuge attendu ; à l’étranger, elles sont déracinées, avec la peur d’être retrouvées par des familles prêtes à tout pour laver l’affront, et par les services saoudiens furieux que ces jeunes femmes, en prenant la parole, ternissent l’image du royaume. Loin des clichés, des destins de femmes aux vies et aux personnalités très différentes qui ont pourtant une chose en commun : elles ont toutes eu la force de fuir et de se réinventer.

 

Dalembert Louis-Philippe, Mer Méditerranée, Points, 2020, 8,70 €

 

Chochana, Semhar, Dima. Trois femmes puissantes qui, mues par le même espoir d’une nouvelle vie en Europe, quittent leur pays natal — le Nigéria, l’Érythrée, la Syrie — pour se lancer sur l’éprouvant chemin de l’exil. Trois femmes aux trajectoires différentes, qui bravent les obstacles. Et embarquent sur les côtes libyennes, à bord d’un chalutier en direction de Lampedusa. Courageuses, fières, solidaires, elles sauront affronter l’innommable.

 

Miano Léonora, Rouge impératrice, Pocket, 2020, 9,50 €

 

Dans un peu plus d’un siècle, nous voici à Katiopa : un continent africain presque entièrement unifié, devenu prospère, où les Sinistrés, des Fulasi de la vieille Europe, sont venus trouver refuge. Descendants d’immigrés français qui ont quitté leur pays au cours du XXIe siècle parce qu’ils s’estimaient envahis par les migrants, ils vivent désormais appauvris et recroquevillés sur leur identité. Le chef de l’État veut expulser ces populations inassimilables, mais la femme dont il tombe amoureux est partisane de leur tendre la main. La Rouge impératrice, ayant ravi le cœur du héros de la libération du Continent, ne risque-t-elle pas de désarmer sa volonté ?

 

Otsuka Julie, Certaines n’avaient jamais vu la mer, traduit du japonais par Carine Chichereau, 10/18, 2013, 6,60 €

 

Ces Japonaises ont tout abandonné au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis, sur la foi d’un portrait, un inconnu. Celui dont elles ont tant rêvé, qui va tant les décevoir. Chœur vibrant, leurs voix s’élèvent pour raconter l’exil : la nuit de noces, les journées aux champs, la langue revêche, l’humiliation, les joies aussi. Puis le silence de la guerre. Et l’oubli.

 

Oumhani Cécile, Les Tigres ne mangent pas les étoiles, Elyzad, 2024, 16,50 €

 

À l’aéroport de Bahreïn, une correspondance ratée vient bousculer le voyage de la narratrice qui fait route vers l’Inde, pays d’enfance de son père. Elle se voit contrainte de passer la nuit dans un hôtel où elle lie connaissance avec une Afghane, Meena, qui se rend à Kaboul au chevet de son propre père. La narratrice est happée par le récit de Meena évoquant l’Inde, l’Afghanistan, la guerre, puis le départ par de périlleuses routes de montagne vers Berlin où il faut faire sa place. Des résonances inattendues, telles des lueurs dans la nuit, rapprochent les deux femmes. Sous la plume poétique de Cécile Oumhani se dessinent des parcours d’exil et l’émerveillement d’une rencontre.

 

Schmoll Camille, Les Damnées de la mer, femmes et frontières en Méditerranée, La Découverte, 2020, 20 €

 

Longtemps, les femmes ont été absentes du grand récit des migrations. On les voyait plutôt, telles des Pénélope africaines, attendre leur époux, patientes et sédentaires. Il n’était pas question de celles qui émigraient seules. Elles sont pourtant nombreuses à quitter leur foyer et leurs proches, et à entreprendre la longue traversée du désert et de la Méditerranée. Fondé sur une recherche au long cours, menée aux marges de l’Europe, ce livre est une enquête sur la trace des survivantes. Elles sont en proie à l’ennui et à la marginalisation, mais ces femmes sont également résistantes et stratèges, à la recherche de lignes de fuite.

 

FRONTIÈRES

 

Amilhat-Szary Anne-Laure, Géopolitique des frontières, Le Cavalier bleu, 2025, 13 €

 

Objets géographiques paradoxaux, les frontières quadrillent le monde depuis l’époque moderne et fondent la base des relations internationales, présupposant d’une part l’égalité de droit entre les territoires qu’elles délimitent et d’autre part une distribution exclusive de la souveraineté. Mais ce concept est désormais instable : dépassant les limites binaires du dedans/dehors de l’État, les frontières sont en effet devenues mobiles, comme autant de dispositifs complexes de tri des flux de la mondialisation.
Si leur linéarité semble renforcée par la recrudescence de murs qui les ferment, ce n’est qu’un trompe-l’œil car une grande partie des mécanismes frontaliers est invisible. À travers une approche géo-historique qui décentre le regard européen et permet une relecture tant économique que politique des frontières, ce livre propose une plongée originale dans les implicites de leur construction. Désormais disloquées, fonctionnant en prenant appui sur des lieux hétéroclites, les frontières contemporaines évoluent d’une manière qui transforme en profondeur notre rapport à l’identité. Au fil des pages, on comprend comment ré-ouvrir les possibles politiques à partir de ces lignes qui semblent pourtant enfermer nos imaginaires.

 

Bernard Émilien, Forteresse Europe, enquête sur l’envers de nos frontières, Lux, 2024, 20 €

 

Aux frontières de l’Europe, murs et barrières poussent comme des champignons. Une épidémie de barbelés, symptôme d’une vision du monde xénophobe : les personnes migrantes menaceraient le monde occidental et seraient une nuisance à endiguer coûte que coûte. Leur opposer une forteresse, ruineux délire paranoïaque au service du repli identitaire, c’est aussi ignorer les mécanismes des migrations, dont l’Europe a tant profité. Il est temps d’inverser la focale. Dans cette enquête menée des deux côtés de la Méditerranée, Émilien Bernard montre la réalité des frontières européennes dressées contre ces « indésirables » qui tentent de les franchir. De Laâyoune à Melilla en passant par Lampedusa, Belgrade ou Calais, la succession d’obstacles, aussi divers qu’inutiles, sert à repousser et invisibiliser celles et ceux qui veulent simplement se construire une vie ailleurs.

 

Djigo Sophie, Bastien Deschamps (phot.), Penser avec la frontière, D’une rive à l’autre, 2024, 38 €

« Le dos de Youssef ressemble à une photographie aérienne de la vallée de l’Evros. On y aperçoit les sillons gravés par les violents refoulements à la frontière, les traces de coups qui érodent la chair, creusent comme des gorges plus sombres à même la peau. » Sophie Djigo, rattrapée par l’actualité de la frontière franco-britannique, non loin de laquelle elle enseigne la philosophie, mène des enquêtes auprès de personnes en exil, à Calais, Londres mais aussi Paris et Bruxelles. Bastien Deschamps revendique sa pratique de la photographie comme une géopoétique en abordant les questions sociales à travers le prisme du sentiment brut. À travers leurs mots et leurs images, ils nous offrent un aperçu de ce qui se joue aux frontières de l’Europe en concentrant leur regard le long du fleuve Evros qui sépare la Turquie et la Grèce. Traverser le fleuve revient alors à éprouver les nuances plus fines de la réalité aux frontières, où se noue toute une série de paradoxes, dont la philosophie tente de rendre compte en réajustant la pensée au réel.

 

Migreurop, Atlas des migrations dans le monde, liberté de circulation, frontières, inégalités, Armand Colin, 2022, 25 €

 

Cet atlas propose un traitement éclairant des enjeux migratoires en interrogeant une question forte : la liberté de circulation. Cet ouvrage propose une prise de recul nécessaire en apportant des éléments à la fois théoriques et tirés de l’expérience vécue des migrants : mise en perspective des dynamiques historiques de la liberté de circulation, présentation des espaces de circulation existants, les migrations humaines au regard des migrations de capitaux et marchandises, les formes de circulation mises en œuvre par les migrants eux-mêmes, les imaginaires contradictoires sur le fait migratoire. Chaque partie est constituée d’une dizaine de planches faisant dialoguer des textes d’experts avec une iconographie riche (cartes, dessins, photographies), et alternant des thématiques « classiques » aux sujets les plus actuels (pandémie, circulation des données, migrations des femmes, écologie…).

 

Papin Delphine, Bruno Tertrais, Laborde Xemartin, L’Atlas des frontières, murs, migrations, conflits, Les Arènes, 2024, 27 €

 

Guerre en Ukraine et au Proche-Orient, crises migratoires, effets du Brexit, tensions en Méditerranée orientale, pandémie de Covid 19 : la question des frontières est au cœur des désordres du monde. Mais savons-nous vraiment ce qu’est une frontière ? Il y a des frontières que l’on traverse aisément et d’autres qui sont infranchissables, des frontières visibles et d’autres invisibles, des frontières terrestres et d’autres maritimes, politiques, économiques, culturelles. Cette nouvelle édition du seul atlas grand public consacré aux frontières aide à mieux comprendre les enjeux qui se cachent derrière ces lignes qui séparent ou relient les peuples.

 

Simonneau Damien, Pourquoi s’emmurrer ? Essai sur une frénésie planétaire, Stock, 2024, 19,90 €

 

Apeurés par des ennemis multiformes, les États construisent de plus en plus de murs : 74 dans le monde en 2022 contre une douzaine au sortir de la Guerre froide. Certains sont situés en zone de guerre, d’autres entre États en paix. Certains se limitent à des grillages barbelés, d’autres sont des déploiements de technologies de pointe ou d’importantes patrouilles maritimes. On peut aisément les répertorier selon leurs finalités : ici délimiter une ligne de cessez-le-feu, là, empêcher l’intrusion de potentiels combattants, ou encore lutter contre l’immigration dite clandestine et la contrebande. Mais le mur est aussi dans les têtes. Il contribue à mettre en scène une vision fantasmée de l’identité de nos sociétés, de notre rapport au territoire, à la migration et à l’altérité. Pourquoi s’emmurer ? prend à bras le corps l’idée que nos frontières seraient des passoires à colmater, et rappelle que la construction de murs est avant tout le résultat de calculs politiques.

 

 

HISTOIRE

 

Bachi Salim, L’Exil d’Ovide, éd. Jean-Claude Lattès, 2018, 17 €

 

En l’an 8 après J.-C., Ovide est exilé par Auguste à Tomis, l’actuelle Constantza en Roumanie, au bord de la mer Noire. Il quitte Rome en emportant ses biens. Il se sait perdu. Il ne reviendra plus jamais parmi les siens. La tristesse et la solitude abrègeront sa vie. « J’ai l’impression en lisant Les Tristes et Les Pontiques qu’Ovide s’adresse à moi et, souvent, j’ai le désir de le consoler. Je souffre avec lui du même éloignement, de la même douleur maintenant que je suis seul en France. J’ai ressenti aussi cette même peine en Algérie comme si la patrie ne faisait rien à l’affaire. On peut ainsi être exilé deux fois, chez soi et chez les autres. » En évoquant les raisons qui ont forcé Ovide à quitter Rome, l’auteur réfléchit à la condition de l’homme exilé et à celle de nombreux écrivains ballotés par l’Histoire : Stefan Zweig, Thomas Mann ou Fernando Pessoa, exilés emblématiques qui accompagnent l’écrivain dans sa quête d’un lieu où vivre et mourir.

 

Benbassa Esther, De l’impossibilité de devenir français, nos nouvelles mythologies nationales, Les Liens qui libèrent, 2012, 16,80 €

 

« La France est un grand pays, ma fille ; elle a réhabilité le capitaine Dreyfus. » Ainsi parlait mon père, Juif d’Istanbul amoureux de la France parce qu’elle était pour lui le pays des droits de l’homme. Ainsi dus-je, dès ma prime enfance, apprendre le français, avec une préceptrice arménienne, ce qui me valut longtemps de parler la langue du pays rêvé avec un accent arménien. Je pris ensuite, comme il se devait, le chemin d’une école congréganiste pour m’initier aux finesses de la culture qui avait produit Molière et Zola (et aux bonnes manières). Longtemps, la France a incarné des valeurs qui faisaient rêver des populations entière. La France était devenue le symbole même de l’Occident « civilisé ». Que s’est-il donc passé pour que la France ait cessé d’être ce pays rêvé et peine à intégrer ses immigrés ? On n’est pas français parce qu’on est né dans ce pays. Et même lorsqu’on y est né, on le devient en le recréant non dans l’isolement et le rejet, mais dans un flux incessant, dans le paradoxe et les contradictions, dans la reconnaissance et la promotion d’une pluralité ethnique, culturelle, religieuse, sexuelle, de genre, qui est la clé d’un vrai progrès et d’un rayonnement authentique. Être français, c’est vouloir une France combattive, renonçant à son pessimisme, ouvrant largement ses fenêtres, avec l’avenir en vue, non cette France repliée sur elle-même qui dégage une inquiétante odeur de renfermé.

 

Delpal Bernard, À Dieulefit, nul n’est étranger, PMH, 2019, 10 €

Pendant les années sombres de la Deuxième Guerre, le gouvernement de la France et l’Occupant allemand ont collaboré pour appliquer un programme inhumain d’épuration raciale, de terreur politique et d’asservissement économique. Des dizaines de milliers de personnes traquées, menacées ont cherché à leur échapper en trouvant de l’aide. La population de Dieulefit et des villages voisins a accueilli un très grand nombre d’adultes et d’enfants, français et étrangers, juifs et non-juifs. Ils ont été cachés, réconfortés et ont pu survivre décemment. Les habitants du pays ont réussi à sauver de la barbarie toutes les personnes venues s’y réfugier. Ce fut un acte authentique de résistance. Ce livre ambitionne de faire entrer ces habitants dans l’Histoire et prendre la mesure de ce qui a été accompli par ces héros silencieux.

 

Dornel Laurent, Indispensables et indésirables, les travailleurs coloniaux de la Grande Guerre, La Découverte, 2025, 23 €

 

Quelques mois après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, le gouvernement français décide de mobiliser des dizaines de milliers de travailleurs dans les colonies afin de pallier la grave pénurie de main-d’œuvre en métropole. Il s’agit d’organiser leur recrutement aux quatre coins de l’Empire – en Indochine, à Madagascar, en Afrique du Nord, jusqu’en Chine –, et leur acheminement, leur affectation professionnelle et leur gestion quotidienne. Cette vaste entreprise, première expérience d’immigration « organisée », conduit quelque 220 000 hommes dans les usines et dans les exploitations agricoles de l’Hexagone. Elle secoue l’ordre racial et les habitudes coloniales héritées du XIXe siècle en faisant émerger des problèmes inédits. Comment adapter le régime de l’indigénat en métropole ? Comment empêcher que ces travailleurs ne s’affranchissent du nouvel ordre disciplinaire que l’administration leur impose ? Comment prévenir les amours interraciales ? Et que faire des enfants métis qui naissent en métropole ? Alors que la participation des soldats mobilisés dans l’Empire français à partir de 1914 est désormais documentée, le sort de ces travailleurs coloniaux, à la fois indispensables et indésirables, demeure largement méconnu. À l’aide d’archives inédites, Laurent Dornel ouvre un nouveau pan historiographique et éclaire un épisode qui a durablement marqué l’histoire des migrations vers l’Hexagone.

 

Ghermani Naïma, Le Droit des exilés, généalogie du droit d’asile au XVIIe siècle, PUF, 2023, 25 €

 

Le droit d’asile n’a pas toujours été un droit de protection des personnes innocentes et persécutées par un pouvoir coercitif. Jusqu’au XVIIe siècle, il était associé au droit pénal et offrait à une personne poursuivie par la justice une immunité lui permettant d’échapper pour un temps à une peine judiciaire. Comment cette transformation a-t-elle eu lieu ? Telle est la question au cœur de ce livre. Il avance que cette mutation est directement liée à l’afflux de milliers de persécutés pour des raisons religieuses qui provoquent une véritable « crise des réfugiés » du XVIIe siècle dans les pays d’accueil. Les fugitifs forgent alors un langage de l’exil, qui l’érige en un problème politique incitant les juristes à élaborer, en Allemagne, un « droit des exilés ». Ce droit de recevoir des personnes en fuite ouvre ainsi un chapitre inédit et transnational du droit des gens alors en plein essor.

 

Kane Cheikh Hamidou, L’Aventure ambiguë [1961], Vincent Monteil (préf.), 10/18, 1979, 6,70 €

 

Passant de l’enseignement coranique des Diallobé à l’université française, le jeune Samba Diallo doit affronter l’exil et les brèches identitaires. Son apprentissage, philosophique, éthique et spirituel, retrace l’itinéraire d’une Afrique métissée en quête d’elle-même. Où s’élève, flamboyante, la clameur d’un peuple en mal d’existence. Cheikh Hamidou Kane, échappant à la donnée temporelle et politique de son sujet, l’angoisse d’être noir, débouche sur une réflexion qui nous concerne tous : l’angoisse d’être homme.

 

Langrognet Fabrice, Voisins de passage, La Découverte, 2023, 24 €

 

En portant son regard sur une « cité » d’habitation, au cœur de la Plaine-Saint-Denis, Fabrice Langrognet offre une passionnante histoire sociale et culturelle des migrations en France, du début de la IIIe République à la crise des années 1930. La Plaine est alors un immense quartier industriel où se croisent des myriades de migrants issus des classes populaires, d’origine provinciale, étrangère ou coloniale. S’appuyant sur des sources inédites, l’historien raconte comment les occupants de l’immeuble se côtoient et s’ignorent, sympathisent et s’affrontent, redessinant sans cesse les contours de leurs appartenances. Il reconstitue l’expérience vécue de plusieurs générations d’hommes, de femmes et d’enfants qui cherchent leur chemin dans les fracas du monde. Ici, la silhouette d’un jeune voisin connu pour jouer lestement du surin se dresse dans l’étroit passage qui mène à la porte cochère. Là, c’est la propriétaire qui réclame sur-le-champ le paiement des loyers. Un peu plus loin, à l’usine, le directeur promet une place à quelque neveu resté au pays ; il se montre moins affable quand on lui parle du droit du travail… Vivre à cet endroit et à cette époque impose de composer avec un environnement en constante évolution et de tirer parti des règles d’un jeu social complexe. C’est à ce prix que l’on parvient à se repérer dans un univers en ébullition où les allégeances nationales, ethniques, raciales, de genre et de classe se recomposent sans cesse.

 

Malaquais Jean, Planète sans visa, Libretto, 2019, 13,30 €

Marseille, 1942 : quelques mois avant l’invasion de la zone libre par les Allemands, la ville en pressent la menace. Le grand port méditerrannéen est devenu cette nasse où sont allés se prendre tous les indésirables pourchassés par Vichy. Affluant des quatre coins de l’Europe, ils fuient la tyrannie, l’oppression et la guerre, et espèrent décrocher le précieux sésame qui leur permettra d’embarquer vers une terre de liberté et de paix : un visa vers l’improbable Amérique. Entre descriptions réalistes et évocations lyriques, Jean Malaquais brosse un tableau de l’époque et de la faune bigarrée du Vieux-Port. Où les proscrits de tous poils côtoient, sans s’en méfier assez, mouchards et délateurs zélés.

 

Noiriel Gérard, Le Venin dans la plume, Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République, La Découverte, 2021, 11 €

 

La place qu’occupe Éric Zemmour dans le champ médiatique et dans l’espace public  suscite l’inquiétude et la consternation de bon nombre de citoyens. Comment un pamphlétaire qui alimente constamment des polémiques par ses propos racistes, sexistes, homophobes, condamné à plusieurs reprises par la justice, a-t-il pu acquérir une telle audience ? Ce livre replace le cas Zemmour dans une perspective historique qui prend comme point de départ les années 1880, période où se mettent en place les institutions démocratiques qui nous gouvernent encore aujourd’hui. Il met en regard le parcours de Zemmour et celui de Drumont, le chef de file du camp antisémite à la fin du XIXe siècle. Les deux hommes ont chacun à leur époque su exploiter un contexte favorable à leur combat idéologique. Issus de milieux populaires et avides de revanche sociale, tous deux ont acquis leur notoriété pendant des périodes de crise économique et sociale, marquées par un fort désenchantement à l’égard du système parlementaire. Gérard Noiriel met en lumière une matrice du discours réactionnaire et propose quelques pistes pour alimenter la réflexion de ceux qui cherchent à combattre efficacement cette démagogie populiste.

 

Pedinielli Michèle, Après les chiens, Éditions de l’Aube, 2021, 11 €

 

Printemps 2017. Ghjulia Boccanera tombe par hasard à Nice sur le cadavre d’un jeune Érythréen. Automne 1943. Un jeune garçon emprunte régulièrement le sentier qui traverse la frontière franco-italienne pour faire passer en Italie des juifs traqués par l’occupant nazi. Près de trois quarts de siècle séparent ces deux histoires qui se font pourtant écho lorsqu’il s’agit de franchir une frontière pour sauver sa vie.

 

Ritsos Yannis, Grécité, traduit du grec par Jacques Laccarière, Fata Morgana, 2023, 13 €

 

Texte mythique, écrit en 1945-1947 en pleine guerre civile, mis en musique par Théodorakis et devenu, contre la dictature des colonels, un hymne à la résistance et à la liberté, c’est un livre publié dès 1968 dans l’admirable traduction de Jacques Lacarrière, alors que Ritsos est déporté à Léros. S’y révèle un territoire « aussi dur que le silence » où les cœurs des hommes et femmes nourrissent la volonté insatiable d’être libres. Les voix de ce peuple grec – celles des combattants et des exilés, des morts et des vivants – soufflent espoir et souffrance sur les rides du paysage, y gravent, des astres aux pierres, le « grand feu rouge » qui brûle dans leurs yeux. Des vers bouleversants où chaque image porte la lutte de tout un monde.

 

Sachs Nelly, Exode et métamorphose et autres poèmes, Gallimard, « Poésie », 2023, 11,30 €


Prix Nobel de littérature en 1966, Nelly Sachs est née en 1891 dans une famille juive d’Allemagne, pays qu’elle quittera en 1940 pour s’installer définitivement en Suède. L’ensemble de sa quête littéraire est profondément marqué par la Shoah, par la mort, la perte et l’exil. Son écriture, d’un lyrisme vif et dense est très proche de celle de Paul Celan dont elle fut l’amie et avec qui elle a entretenu une célèbre et importante correspondance. Le présent volume regroupe les quatre recueils majeurs de la poétesse : Dans les demeures de la mort (1947), Èclipse d’étoile (1949), Et personne n’en sait davantage (1957), Exode et métamorphose (1959). Cet ensemble veut rendre justice à une œuvre capitale du XXe siècle où l’auteure parvient, au-delà des déchirements de l’Histoire et du drame personnel, à refonder un espoir en l’humanité malgré tout.

 

Sembene Ousmane, Le Docker noir [1956], Héliotropismes, 2023, 23 €

 

Marseille, années 1950. Diaw Falla, docker sénégalais, vit à Belsunce, le « petit Harlem marseillais », et travaille sur le port en compagnie de nombreux ouvriers africains. Menant une existence précaire, il rêve d’écrire et de publier son premier roman, Le Dernier Voyage du négrier Sirius. Son existence bascule le jour où il confie son manuscrit à une amie écrivaine. Publié en 1956, ce premier roman de Sembene Ousmane est un déchirant cri d’amertume qui atteste de la place accordée aux Noirs dans la société française de l’après-guerre.

 

Shalmani Abnousse, Éloge du métèque, Le Livre de Poche, 2021, 7,90 €

 

Quel point commun entre les Hébreux, Martin Eden, Romain Gary, la muse de Baudelaire Jeanne Duval, Modigliani, Hercule Poirot ou les rôles interprétés par Ava Gardner ? Tous sont des métèques. Un mot qui, en Grèce antique, désigne simplement celui qui a changé de cité, avant de devenir une insulte sous la plume de Charles Maurras puis d’être réhabilité par la chanson de Georges Moustaki en 1969. Le métèque prend alors cette signification d’autre par essence, d’étranger générique.
C’est ce mot, un peu désuet, qu’Abnousse Shalmani vient revaloriser. Le métèque est en réalité bien plus qu’un mot. C’est la figure de transfuge par excellence : cet autre aux semelles de vent, qui sait qu’il devra repartir un jour, celui qu’on ne peut jamais enfermer dans un seul lieu ou une seule identité, voué à intriguer, voire à effrayer, à trouver une embuche dans le regard de l’autre. Dans ce voyage littéraire et cinématographique, l’auteure fait visiter son Panthéon personnel, d’Hérode à Salman Rushdie, d’Esmeralda à Albert Camus. Un éloge qui résonne particulièrement aujourd’hui dans son « amour des sans-frontières, des sans-pays, des sans-terres », une ode à l’imaginaire.

 

Siouffi Gilles, Paris-Babel, histoire linguistique d’une ville-monde, Actes Sud, 2025, 25 €

 

Paris-Babel vient combler une lacune : aucun ouvrage n’avait jusqu’alors retracé l’histoire linguistique de Paris et de sa périphérie, des origines à ce début de XXIe siècle, en en montrant toute la diversité. Dans un Paris tôt devenu un centre politique, économique et culturel, les langues obéissent à des dynamiques parfois paradoxales. D’un côté, les usages réels imposés au gré des guerres, révolutions, colonisations, flux migratoires ou touristiques : du gaulois des Parisi au IIIe siècle avant J.-C. jusqu’au verlan ou au wesh wesh du début du XXIe siècle, en passant par le latin, les langues régionales (breton, occitan…) ou celles des pays proches ou lointains (anglais, arabe, chinois, créoles, italien, romani, yiddish, wolof…). De l’autre, la fabrique d’une norme souvent érigée en cause nationale face aux langues régionales, à l’anglais, à l’argot parisien. Parce qu’on y entend aujourd’hui plus d’une centaine de langues, Paris offre un fascinant laboratoire de normalisation, mais aussi de manipulations et de métissages linguistiques.

 

Traverso Enzo, La Pensée dispersée, Figures de l’exilé juif, Nouvelles éditions Lignes, 2019, 19 €

 

Hannah Arendt, Siegfried Kracauer, Walter Benjamin, Hermann Broch, Theodor W. Adorno… Ces grands penseurs judéo-allemands ont pour point commun d’avoir dû fuir leur pays après l’accession au pouvoir de Hitler en 1933. Dès lors, c’est seuls, errants, étrangers, apatrides, que ceux qui ont survécu à cette fuite ont produit quelques-unes de leurs œuvres majeures. Quelle influence l’exil a-t-il eue sur celles-ci, quelle place leur pensée a-t-elle prise dans leur pays d’accueil ? Enzo Traverso traite de cette rupture tragique au travers de leurs œuvres d’exil et des correspondances échangées avec les amis éloignés, où les questions de la non-appartenance nationale et du « monde perdu » sont abordées en tant que questions non pas seulement existentielles, mais surtout intellectuelles. Publié une première fois en 2004, La Pensée dispersée reparaît ici considérablement augmenté de deux textes, pour l’un sur Kracauer, pour l’autre sur Adorno ; et d’une très longue étude sur l’exil des intellectuels juifs italiens.

 

Tsvétaïeva Marina, J.M. Rilke, Est-ce que tu m’aimes encore ? Correspondance, Rivages Poche, 2018, 8,65 €

 

Marina Tsvétaïeva, de France où elle vit exilée, entre en contact épistolaire avec Rilke, en mai 1926. À sa lettre, brûlante de dévotion envers celui qui est pour elle l’incarnation même de la poésie, Rilke répond profondément touché. S’ensuit une correspondance passionnée de part et d’autre, une histoire d’amour et de mots. Entre ces deux poètes que séparent l’âge, la langue maternelle et le style, l’échange est admirable d’entente, de profondeur et de franchise.

 

HOSPITALITÉ

 

Agier Michel, L’Étranger qui vient, repenser l’hospitalité, Points, 2022, 8,10 €

 

La condition d’étranger est appelée à se répandre. Mais la mobilité que l’on se plaît à célébrer se heurte aux frontières que les États-nations dressent face aux migrants. Mis en demeure de pallier l’hostilité de leurs gouvernants, beaucoup de citoyens se sont retrouvés acculés à faire quelque chose : accueillir, nourrir ou transporter des voyageurs en détresse. Ils ont ainsi réveillé une vieille tradition anthropologique qui semblait endormie, celle de l’hospitalité. Cette façon d’entrer en politique par la petite porte de chez soi qu’on ouvre montre toutefois ses limites, que seuls pourront dépasser le droit et la cosmopolitique. Si Michel Agier souligne les ambiguïtés de l’hospitalité, il révèle aussi sa capacité à déranger l’imaginaire national. Car l’étranger qui vient nous demande de penser autrement la place de chacun et chacune dans le monde.

 

Arveiller Jean-Paul, Guide du bénévole social, Éres, 2007, 13,50 €

 

Réalisé à partir de plusieurs années de pratiques partenariales et en se basant sur des mots-clés et des situations concrètes, ce guide vise à soutenir le bénévole social dans sa spécificité, et à l’aider dans sa réflexion et son action au quotidien avec des personnes en situation de fragilité. Pour être efficace et éviter les erreurs, le bénévole doit se former et réfléchir à ce qu’il fait : suivez le guide !

 

Bauman Zygmunt, Étrangers à nos portes, pouvoir et exploitation de la panique morale, Premier parallèle, 2020, 13,90 €

 

Un essai incisif du sociologue Zygmunt Bauman, père du concept de société liquide, sur la crise des réfugiés. Depuis toujours, des réfugiés, emmenés par la guerre et la faim, toquent à la porte de mieux lotis. Pour ceux qui se trouvent derrière ces portes, ces importuns ont toujours d’abord été des étrangers porteurs de peur et d’angoisse. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une forme extrême de ce motif historique. Alors que les médias sont obsédés par une « crise migratoire » qui menacerait notre mode de vie. L’idée que le bien-être de nos sociétés est menacé est désormais largement répandue. C’est cette panique morale que dissèque ce petit essai incisif paru en 2016. Il revient sur la manière dont hommes et femmes politiques ont exploité la peur pour la répandre d’abord chez les plus déshérités d’entre nous. À ceux-là, on promet d’ériger des murs, non des ponts. Si cette promesse rassure à court terme, elle est condamnée à l’échec sur le long terme. Car la crise à laquelle nous sommes confrontés concerne l’humanité dans son ensemble. Nous sommes, plus que jamais, dépendants les uns des autres. Raison pour laquelle il nous faut inventer de nouvelles manières de vivre ensemble.

 

Buisson-Fenet Hélène, Olivier Rey, École et Migration, un accord dissonant, ENS éditions, « Poche », 2020, 10 €

 

Hors de la France métropolitaine, ils et elles ont massivement connu l’école « ailleurs ». De nationalité française, ils communiquent régulièrement dans une autre langue. Qu’ils arrivent seuls ou en famille, en situation légale ou irrégulière, les jeunes d’âge scolaire constituent une partie essentielle des flux migratoires. Or, en valorisant la culture et la langue nationales, l’école française n’accentue-t-elle pas le poids de l’origine ethno-culturelle dans les performances scolaires ? Quels dispositifs et quelles orientations de l’action éducative peuvent conforter l’espoir de mobilité sociale qui accompagne les projets migratoires ? Que disent les enquêtes de suivi sur la capacité de l’école à faire réussir les élèves « nouvellement arrivés » au même titre que les élèves « durablement installés » ? Dans quelle mesure l’histoire de l’immigration et des itinérances oriente-t-elle le recrutement scolaire et les pratiques pédagogiques ? À l’épreuve des parcours des jeunes d’origine immigrée, des jeunes réfugiés ou des jeunes « du voyage », l’institution scolaire révèle des rigidités différentes selon son cadre sociétal de référence, et des souplesses parfois inédites.

 

Darieussecq Marie, La Mer à l’envers, Gallimard, « Folio », 2021, 8,50 €

 

« Elle a peur qu’il lui demande des choses qu’elle ne pourrait pas. Des promesses. De l’argent. D’interminables engagements. Un peu d’argent, ça irait. Mais plus d’argent ? Ou quoi d’autre ? Il appelle pour demander quelque chose. Obligé. Pas pour faire la conversation. » Rose part en croisière avec ses enfants. Elle rencontre Younès qui faisait naufrage, et lui offre le téléphone de son fils. Rose est héroïque, mais seulement par moments.

 

Gal-Tcholeiy Mathilde, Didier Fassin (préf.), Des vies orageuses, Le Monde à l’envers, 2023, 10 €

 

Raconter le quotidien de celles et ceux qui arrivent : le périple, l’espoir, les souvenirs douloureux, l’attente, la maladie aussi. Raconter le quotidien de celles et ceux qui accompagnent : l’engagement, les doutes, l’épuisement aussi. Et pour tous, des moments de joie, de brusques orages, le sentiment d’urgence et les rencontres. Idrissa vient d’arriver en France, Sarah fait ses premiers pas en tant que médecin. Au fil des pages, leurs chemins vont se croiser, leurs mondes s’entrechoquer et des frontières exploser.

 

Guyot Florian, La Fabrique de précarités. A-t-on oublié la fraternité, Flammarion, 2025, 12 €

 

« Il faut être particulièrement prudent lorsque l’on cherche à assigner les personnes précaires à un statut bien souvent fait de préjugés. Car on n’est pas pauvre seul, on l’est dans une société qui fabrique cette pauvreté. » Ancien conseiller auprès du ministre des Finances et des Comptes publics, Florian Guyot est depuis 2020 directeur général de l’association Aurore, qui accompagne les plus vulnérables vers leur autonomie à travers l’hébergement, le soin et l’insertion professionnelle.

 

Herrou Cédric, Une terre commune, Seuil, Libelle, 2023, 4,50 €

 

Nous vivons désormais dans une vallée oubliée, mi-française mi-italienne, une vallée à l’entre-deux, à l’entre-droit et devoir, où la compassion devient répressible, où le droit s’oppose à une morale, où la morale s’impose au pouvoir. Mais où nous avons créé une utopie capable de résister.

 

Jabès Edmond, Le Livre de l’hospitalité, Gallimard, 1991, 12,90 €

 

« Je me suis aperçu, un jour, qu’une chose m’importait plus que les autres : comment me définir en tant qu’étranger ? Et ce fut l’objet du livre auquel j’ai donné pour titre : Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format. Je me suis aperçu, ensuite, que, dans sa vulnérabilité, l’étranger ne pouvait tabler que sur l’hospitalité dont ferait preuve, à son égard, autrui. Tout comme les mots bénéficient de l’hospitalité de la page blanche et l’oiseau, de celle, inconditionnelle, du ciel. Et c’est l’objet de ce livre. Mais qu’est-ce que l’hospitalité ? » E.J.

 

Kristeva Julia, Étrangers à nous-mêmes, Gallimard, Folio Essais, 2001, 10 €

 

Ce livre invite à penser notre propre façon de vivre en étranger ou avec des étrangers, en restituant le destin de l’étranger dans la civilisation européenne : les Grecs avec leurs « Métèques » et leurs « Barbares » ; les Juifs inscrivant Ruth la Moabite au fondement de la royauté de David ; saint Paul qui choisit de prêcher en direction des travailleurs immigrés pour en faire les premiers chrétiens, sans oublier Rabelais, Montaigne, Erasme, Montesquieu, Diderot, Kant, Herder, jusqu’à Camus et Nabokov qui ont chacun médité avant nous les merveilles et les malaises de la vie étrangère.
Au cœur de cet avenir cosmopolite : les Droits de l’Homme sous la Révolution française, qui commence par honorer les étrangers avant de faire tomber la Terreur sur leurs têtes. En contrepoint : le nationalisme romantique et, pour finir, totalitaire. Suggérons une nouvelle éthique : ne pas « intégrer » l’étranger, mais respecter son désir de vivre différent, qui rejoint notre droit à la singularité, cette ultime conséquence des droits et des devoirs humains.

 

Lang Jack, Zeina Abirached (ill.), La Langue arabe, une chance pour la France, Gallimard, « Tract », 2025, 4,90 €

 

L’arabe est une langue universelle, au même titre que l’anglais, l’espagnol, le chinois ou le français. La maîtriser, c’est s’ouvrir au monde. Elle offre des clés de connaissance, de culture et d’histoire. Elle permet de découvrir une civilisation millénaire, de lire les grands poètes, de comprendre les savants, d’appréhender les philosophes. Avec l’arabe comme avec toutes ces langues, on ferait de meilleurs francophones, conscients de leurs héritages et à la mesure de leur identité collective. C’est ce lien qu’il faut retrouver. Loin des polémiques stériles, et sans ignorer les enjeux éducatifs, sociaux et politiques attachés à cette question, il est temps d’ouvrir une nouvelle page. De replacer l’arabe là où il n’aurait jamais dû disparaître : dans les salles de classe, dans les bibliothèques, dans les conversations. Il est plus que temps.

 

Mondzain Marie-Josée, Accueillir, Venu(e)s d’un ventre ou d’un pays, Les Liens qui libèrent, 2023, 20,90 €

 

Naître ne suffit pas, encore faut-il être adopté. La filiation biologique, et donc l’arrivée d’un nouveau-né dans une famille, n’est pas le modèle de tout accueil mais un de ses cas particuliers. Il ne faut pas penser la filiation dans son lien plus ou moins fort avec le modèle normatif de la transmission biologique, mais du point de vue d’une attention à ce qui la fonde : l’hospitalité. Elle est un art, celui de l’exercice de la philia, de l’affect et du lien qui dans la rencontre et l’accueil de tout autre exige de substituer au terme de filiation celui de philiation. Il nous faut rompre avec toute légitimité fondée sur la réalité ou le fantasme des origines. Cette rupture est impérative dans un temps de migrations planétaires, de déplacements subjectifs et de mutations identitaires. Ce qu’on appelait jadis « les lois de l’hospitalité » sont bafouées par tous les replis haineux et phobiques qui nous privent des joies et des richesses procurées par l’accueil. Faute d’adopter et d’être adopté, une masse d’orphelins ne peut plus devenir un peuple. La défense des philiations opère un geste théorique qui permet de repenser les liens qui se constituent politiquement et poétiquement dans la rencontre de tout sujet qu’il nous incombe d’adopter, qu’il provienne d’un ventre ou d’un pays. Le nouveau venu comme le premier venu ne serait-il pas celle ou celui qui me manquait ? D’où qu’il vienne ou provienne, sa nouveauté nous offre la possibilité de faire œuvre.

 

Montfort Julia, Abd al Malik (préf.), Cédric Corre et Clément Montfort (phot.), Carnets de solidarité, Payot, 2020, 18 €

 

Depuis 2015, la France est le théâtre d’un durcissement de sa politique migratoire, auquel répond, de façon impulsive, une vague de solidarité sans précédent. « Tu n’es pas mon ennemi », semblent dire à l’étranger ces nouveaux résistants. C’est à ces derniers – dont l’auteure a rejoint les rangs en 2017 – que ces Carnets donnent la parole, racontent leurs actions et leurs difficultés – ils agissent le plus souvent dans l’illégalité –, mais aussi leur bonheur, la solidité des liens tissés et l’alignement éthique qui naissent dans l’accueil. Ces Carnets sont enfin l’occasion d’une réflexion nourrie par de nombreux témoignages de personnalités publiques – Damien Carême et le philosophe Guillaume Le Blanc, entre autres – autour de l’enjeu primordial de l’accueil des exilés, en France et dans le monde.

 

Plenel Edwy, Le Devoir d’hospitalité, l’humanité n’est pas assignée à résidence, Bayard, 2017, 3,50 €

 

« Un jour, on se souviendra avec honte qu’en France, au début du XXIe siècle, une démocratie, son État, ses gouvernants et ses juges, ont criminalisé ce geste élémentaire d’humanité : la solidarité (comme dans le cas de Cédric Herrou). Et qu’ils l’ont fait alors que notre continent, face à un défi humanitaire sans précédent depuis les catastrophes européennes du siècle passé, avait rendez-vous avec son âme. » Ce court texte sincère et brûlant est un véritable J’accuse contemporain qui dénonce l’injustice de criminaliser celles et ceux qui se portent au secours des migrants partout en Europe. Rédigé dans l’urgence, il a rencontré un grand intérêt dans toute l’Europe. Edwy Plenel a voulu proposer un petit livre accessible au plus grand nombre, argumenté et précis, pour réveiller les consciences endormies et/ou hypocrites de notre continent. Il rappelle les valeurs républicaines de la solidarité du « vivre ensemble », d’une « même exigence d’humanisme » toutes trahies par les agissements des politiques.

 

Raynaldy Gilles, Welcome my friend, La Jungle de Calais février-octobre 2016, textes de Marielle Macé et de Michel Agier, Le Point du jour, 2022, 30 €

 

Gilles Raynaldy a photographié la Jungle de Calais au fil des neuf mois précédant l’évacuation des réfugiés, entre février et octobre 2016. Dans le récit qui ponctue les images, il raconte son expérience d’étranger accueilli par les habitants d’un camp devenu, avec le concours des bénévoles, un lieu de vie commune, malgré la précarité et la répression. Si Gilles Raynaldy porte témoignage, c’est avant tout de sa propre découverte de ce territoire, du temps qu’il y a passé et des rencontres qu’il y a faites, comme des difficultés et des incertitudes qui furent les siennes. L’écrivaine Marielle Macé éclaire l’approche du photographe, sa présence non intrusive, son attention aux lieux, aux détails, aux gestes. L’anthropologue Michel Agier rappelle, lui, les formes urbaines et les usages sociaux qui s’inventèrent dans la Jungle et dont les enseignements demeurent actuels.

 

Revault d’Allones Myriam, L’Homme compassionnel, Seuil, 2008, 10,10 €

 

Nos sociétés sont saisies par la compassion. Un « zèle compatissant » à l’égard des démunis, des déshérités, des exclus ne cesse de se manifester dans le champ politique. À tel point que les dirigeants n’hésitent plus à faire de leur aptitude à compatir un argument décisif en faveur de leur droit à gouverner. Phénomène circonstanciel ou nouvelle figure du sentiment démocratique ? Myriam Revault d’Allonnes interroge sans détour les rapports entre la dimension affective du vivre-ensemble, la nature du lien social et l’exercice du pouvoir. Remontant aux sources de la modernité, elle montre que le rôle des passions et des émotions n’a cessé de nourrir la réflexion sur l’existence démocratique, de Rousseau à Arendt, en passant par Tocqueville. Où l’on verra que, si le déferlement compassionnel ne fait pas une politique, les liens entre sentiment d’humanité, reconnaissance d’autrui et capacité d’agir nécessitent pourtant d’être pensés à nouveaux frais.

 

Saïd Edward W., Réflexions sur l’exil – Et autres essais, traduit de l’anglais par Charlotte Voillez, Actes Sud, 2008, 32 €

 

« J’ai défendu l’idée que l’exil peut engendrer de la rancœur et du regret. mais aussi affûter le regard sur le monde. Ce qui a été laissé derrière soi peut inspirer de la mélancolie, mais aussi une nouvelle approche. Puisque, presque par définition. exil et mémoire sont des notions conjointes. c’est ce dont on se souvient et la manière dont on s’en souvient qui déterminent le regard porté sur le futur », écrit Edward W. Saïd. Dans cet ouvrage rassemblant des essais publiés de 1967 à 1998, l’intellectuel américain d’origine palestinienne, penseur et précurseur des questions postcoloniales, unit ici érudition et expérience pour mieux poser les questions essentielles au monde de demain. Quel est le véritable rôle de l’intellectuel ? Et quelle place pour l’intellectuel arabe dans le débat public ? Que signifie être déplacé, vivre entre plusieurs mondes ? Comment l’Occident se représente-t-il le monde arabo-musulman ? Comment combattre le thème ressassé de la fin de l’Histoire ou celui du choc des civilisations ? Évoquant tour à tour Orwell, Vico, Lukàcs, Cioran, Mahfouz, Melville, Conrad, Gramsci, Naipaul, Raymond Williams ou Daniel Barenboïm, il répète à l’envi que le contexte et les circonstances historiques créent la culture. « Le plus grand fait de ces trois dernières décennies est, à mes yeux, la vaste migration humaine qui a accompagné la guerre, la colonisation et la décolonisation », écrit Edward W. Saïd dénonçant l’impérialisme politique et l’impérialisme culturel.

 

Tervonen Taina, Les Veilleurs, cinq vigies autour des frontières, Marchialy, 2025, 20 €

 

Des résistants de l’ombre œuvrent pour plus d’humanité sur les routes de l’exil. Donner la météo marine pour prévenir les naufrages, alerter les garde-côtes ou, bien trop souvent, accompagner les proches dans la recherche d’un disparu, les gestes des veilleurs sont urgents, méthodiques et quotidiens. À cinq, ils forment un réseau informel qui porte secours aux personnes déterminées à tenter la traversée vers l’Europe. À travers leurs voix, Taina Tervonen se fait le relais de ce dont ils sont témoins : des hommes, des femmes, des enfants disparaissent dans l’indifférence totale. Les Veilleurs sont les portraits de ces citoyens porteurs d’espoir qui agissent et documentent ce que personne ne veut voir.

 

Tzamiotis Konstantinos, Point de passage, traduit du grec par Florence Lozet, Actes Sud, 2021, 19,80 €

 

Par une nuit d’hiver, alors qu’un terrible orage se déchaîne, un bateau chargé de migrants fait naufrage en mer Égée : plus de trois cents survivants se retrouvent sur une petite île dont la population hors saison atteint à peine cent trente âmes. Comment prendre soin de tous alors que le gros temps empêche l’aide extérieure, le ravitaillement, la livraison de médicaments ? Par leur arrivée, les rescapés réactivent et exacerbent toutes les tensions existant entre des habitants isolés, qui se sentent eux-mêmes abandonnés par l’Europe. Ce récit choral des quelques jours partagés par les réfugiés et leurs hôtes révèle sous diverses facettes la générosité, la peur, la surprise des rencontres improbables, l’opportunisme glaçant, la détresse, la méfiance, la bienveillance et la grandeur d’âme. Comment faire une place à son prochain, l’accueillir et l’accepter pour ce qu’il est ? Avec son regard complexe, qui sonde chaque individu sans le juger, Konstantinos Tzamiotis signe un roman d’humanité volontiers cocasse.

 

Wakim Nabil, L’Arabe pour tous, pourquoi ma langue est taboue en France, Seuil, 2020, 18 €

Pourquoi Nabil Wakim était rouge de honte, enfant, quand sa mère lui parlait arabe dans la rue ? Pourquoi l’auteur ne sait-il plus rien dire dans ce qui fut sa langue maternelle ? Est-ce la République qui empêche de parler l’arabe comme elle empêcha autrefois de parler le breton ? Voici une langue qui fait figure d’épouvantail. Si Jean-Michel Blanquer évoque l’idée de l’apprendre un peu plus en classe : tollé contre les risques de « communautarisme ». Quand Najat Vallaud-Belkacem propose de réformer son enseignement, elle est accusée de vouloir imposer la langue du Coran à tous les petits Français. Ce livre fait entendre une parole souvent tue sur le malaise intime à parler sa propre langue quand il s’agit de l’arabe ; c’est aussi une enquête sur les raisons de ce désamour. Alors que l’arabe est la 2e langue la plus parlée du pays, elle n’est enseignée que dans 3% des collèges et des lycées à environ 14 000 élèves. Soit deux fois moins qu’il y a trente ans ! En parallèle, l’enseignement dans des mosquées ou associations cultuelles se multiplie – une estimation porte à 80 000 le nombre d’élèves y recevant des cours. N’est-il pas temps de se convaincre que l’enseignement de l’arabe pourrait être une chance pour notre pays ? Un plaidoyer pour que la langue arabe trouve enfin sa juste place dans l’histoire de France.

 

Yafi Nadia, Plaidoyer pour la langue arabe, Libertalia, 2023, 10 €

 

« Il existe, face à la langue arabe, un paradoxe français. Un traitement ambivalent lui est réservé : tantôt célébrée, notamment dans le monde académique, tantôt dénigrée, dans l’univers médiatique, elle fait l’objet d’une fascination-rejet, qui mérite que l’on s’y intéresse de près, pour en examiner les ressorts ». Forte d’une longue expérience professionnelle en lien avec sa langue maternelle, Nadia Yafi livre ici un témoignage personnel de bourlingueuse de la langue arabe nourri de multiples lectures, parsemé d’anecdotes, sur l’objet de cette ambivalence. En éclairant pour nous les diverses facettes de la langue arabe à travers l’histoire, elle propose un diagnostic original du paradoxe français, et des moyens de le dépasser.

 

IRAK

 

Feurat Alani, Je me souviens de Falloujah, Le Livre de Poche, 2024, 8,40 €

Au début des années 1970, le jeune Rami décide de fuir la dictature de Saddam Hussein. Réfugié politique en France, c’est un homme taiseux et secret sur son passé. À la fin de sa vie, alors qu’il est hospitalisé, Rami est soudain atteint d’amnésie. Ses souvenirs semblent s’être arrêtés quelque part entre l’Irak et la France. « Je me souviens de Falloujah », dit-il pourtant à son fils, Euphrate, qui y voit l’occasion de découvrir enfin l’histoire de son père… Ensuite c’est le néant. Rami a oublié la seconde partie de sa vie : celle de l’exil. Euphrate va alors raconter à son tour ce qu’il en sait, avec l’espoir de percer certains secrets. Une quête qui le plongera dans les tumultes de sa propre odyssée familiale, de Paris à Falloujah. Un premier roman de la mémoire retrouvée, un livre inoubliable sur l’identité et la transmission dans lequel père et fils renouent le fil rompu d’un dialogue aussi bouleversant que nécessaire.

 

Jihad Hassan Kadhim, André Miquel et l’auteur (trad.), Éclats d’Irak [suivi de] Migrations, Actes Sud, 2025, 23 €

 

La renommée de Kadhim Jihad Hassan comme traducteur et essayiste a longtemps occulté son œuvre poétique. Cette anthologie rassemble ses poèmes les plus récents, déjà partiellement traduits en italien et en espagnol. Elle se répartit en trois sections : « Réinvention de la campagne », où le poète réinvente en trente tableaux l’espace humain et naturel de son enfance ; « Éclats d’Irak », où il restitue, au gré des vagues de violence qui ravageaient son pays natal, son errance en Europe à la recherche à la fois d’une terre d’accueil et de soi-même ; enfin « Migrations, méditations », le plus souvent sous la forme du poème en prose, ou du récit poétique, sur son exil durement subi puis apprivoisé. Les deux premières sections ont été traduites par le grand Arabisant André Miquel juste avant sa disparition, et la troisième par l’auteur lui-même, qui y a ajouté des fragments écrits directement en français.

 

IRAN

 

Kavani Mina, Jean-Pierre Thibaudat (préf.), Dé-rangée, l’exil au bord des larmes, éd. Du Faubourg, 2025, 15 €

 

« Onze années ont passé, depuis mon dernier voyage chez moi, dans mon pays, l’Iran. Aujourd’hui, je suis une autre femme. Et pourtant, je n’ai pas changé. On me demande souvent : ‘ça ne te manque pas ?’. Et j’ai toujours du mal à répondre. J’imagine que si l’on posait cette question à une personne qui a perdu une jambe ou un bras, elle aurait la même difficulté à répondre. La question est tellement absurde. Le manque est tellement anormal, tellement contre-nature que je n’arrive même plus à situer la douleur. Simplement, je deviens anormale, hors norme, dérangée. Sans m’en rendre compte, j’essaie d’arrêter le temps, de ne pas voir ce temps qui coule, le temps qu’on me vole… Parce que si le temps passe, je rate des choses, des êtres, et rien que cette idée me rend malade. Je suis celle qui a fui et qui a raison d’avoir fui. » Un texte fort sur l’exil, ce sentiment « d’étrangeté » qui donne l’impression de n’être chez soi nulle part, et même, de n’être « soi » nulle part. Sortir des normes et se sentir dé-rangée.

 

Sharif Solmaz, Douanes, traduit de l’anglais (États-Unis) par Raluca Maria Hanea et François Heusbourg, Unes, 2023, 19 €

 

Sharif interroge ses racines iraniennes, qui ne sont que des racines inconnues, des souvenirs imaginés, un passé recomposé. Elle est « d’ailleurs », que ce soit à Shiraz, la ville de ses parents, ou en Californie, où elle vit. Solmaz Sharif revendique une poésie politique et une position de femme considérée comme une barbare dans un pays de colons. Passer une frontière est acquis pour les uns, impossible ou douloureux pour les autres. « Visa » vient de « voir » nous dit-elle, et c’est ce regard qu’elle démultiplie tout au long de ces Douanes : l’œil noir des caméras de surveillance, le regard d’un amant sur son corps nu ou celui des policiers quand elle se déshabille, les souvenirs dans le rétroviseur, les prisonniers politiques à la télévision, tout ce que notre origine sociale ou ethnique nous autorise à voir, ou nous oblige à imaginer. Elle retourne chercher tout ce qu’elle avait soustrait d’elle faute de pouvoir « supporter de le regarder ». L’exil peut-il prendre fin, lui qui vous touche jusque dans votre intimité, dans votre refus d’être touché, tant il vous habitue à « perdre même la perte », tant tout retour est impossible quand on vient de « nulle part » ?

 

ITALIE

 

Albera Dionigi, Lampedusa, une histoire méditerranéenne, Seuil, 2023, 21,50 €

 

Caillou aride aux confins de la Sicile, Lampedusa est aujourd’hui le symbole tragique de la crise des migrants en Europe. Derrière cette réalité tranchante, se révèle un microcosme où se croisent militants, pêcheurs, réfugiés, journalistes, touristes. Dionigi Albera s’est immergé dans la vie locale et a décelé les contradictions du lieu, entre forteresse et zone de passage. Et il remonte les strates du temps. Appuyé aux archives, aux récits des voyageurs et aux légendes, il repère Lampedusa jusque dans les confréries noires du Brésil colonial ou dans l’œuvre de Diderot. Creuser l’histoire de Lampedusa, c’est plonger dans l’épaisseur de la frontière, dans les échanges entre Orient et Occident, musulmans et chrétiens, empires ottoman et espagnol, Afrique du Nord et Europe. Car Lampedusa a toujours été une île-monde… 20 km2 perdus en mer où se condensent cinq siècles d’histoire méditerranéenne. Dans un récit haut en couleurs, Dionigi Albera saisit ainsi les temporalités longues, sous les oscillations nerveuses de l’histoire contemporaine.

 

Benacquista Tonino, Porca miseria, Gallimard, « Folio », 2022, 8,50 €

 

« Pour qui la réalité se prend-elle ? Se livrer au plaisir de l’extrapolation, c’est se consoler du talent que la vie n’a pas eu. » En 1954, la famille Benacquista quitte l’Italie pour s’installer en banlieue parisienne. Les parents, Cesare et Elena, connaîtront le sort des déracinés. Dans ce bouleversant récit des origines, leur petit dernier, Tonino, restitue avec fantaisie cette geste. Pour la première fois, il raconte sa propre histoire, sa conquête drôle et inattendue de la langue française, et trace la lumineuse trajectoire d’un autodidacte que l’écriture a sauvé des affres du réel.

 

Enia Davide, Brun Françoise (trad.), La Loi de la mer, Livre de Poche, 2020, 7,40 €

 

« Le ciel si proche qu’il vous tombe presque sur les épaules. La voix omniprésente du vent. La lumière qui frappe de partout. Et devant les yeux, toujours, la mer, éternelle couronne de joie et d’épines. Les éléments s’abattent sur l’île sans rien qui les arrête. Pas de refuge. On y est transpercé, traversé par la lumière et le vent. Sans défense. » Pendant plus de trois ans, à Lampedusa, Davide Enia a rencontré habitants, secouristes, exilés, survivants. En se mesurant à l’urgence de la réalité, il donne aux témoignages recueillis la forme d’un récit inédit.

 

Kerangal Maylis de,  À ce stade de la nuit, Verticales, 2015, 7,50 €

Lampedusa. Une nuit d’octobre 2013, une femme entend à la radio ce nom. Il fait rejaillir en elle la figure de Burt Lancaster – héros du Guépard de Visconti et du Swimmer de Frank Perry – puis, comme par ressac, la fin de règne de l’aristocratie sicilienne en écho à ce drame méditerranéen : le naufrage d’un bateau de migrants. Écrit à la première personne, cet intense récit sonde un nom propre et ravive, dans son sillage, un imaginaire traversé de films aimés, de paysages familiers, de lectures nomades, d’écrits antérieurs. Lampedusa, île de littérature et de cinéma devenue épicentre d’une tragédie humaine. Entre méditation nocturne et art poétique.

 

Kobelinsky Carolina et Furri Filippo, Relier les rives, sur les traces des morts en Méditerranée, La Découverte, 2024, 20 €

 

Sur le port de Catane (Sicile), des milliers de personnes débarquent, accompagnées des corps de celles qui n’ont pas survécu à la traversée. Dans un contexte d’indifférence générale et un environnement politique marqué par la criminalisation des migrants, un groupe d’habitants s’est mobilisé pour redonner un nom aux défunts et contacter leurs familles. Aucune autorité nationale ou européenne n’avait entrepris jusque-là de façon systématique un tel recensement. Au cours des visites répétées au cimetière, des lectures de dossiers administratifs et des enquêtes pour suivre les pistes susceptibles de relier un corps à une histoire, un attachement particulier à ces inconnus naît. Émaillé d’extraits de textes rédigés par des hommes et des femmes soucieux d’empêcher l’oubli, de poèmes et de chansons qui donnent sens à leur engagement, ce récit entend restituer la dimension sensible de leurs investigations. Il rend également perceptible la fragilité des liens invisibles et rarement mis en mots qui unissent des vivants à des morts dont ils ne savent (presque) rien.

 

Pfirsch Thomas, Familles sans frontières ? Le cas des nouvelles migrations italiennes à Paris, ENS, 2025, 26 €

Depuis la crise financière de la fin des années 2000, les jeunes adultes d’Europe du Sud – et d’Italie en particulier – ont repris la route de l’exil. Ces nouvelles migrations, encore peu étudiées, sont présentées dans les médias comme une fuite des cerveaux. À travers une enquête ethnographique menée auprès d’Italiens récemment arrivés à Paris, ce livre propose une autre approche, centrée sur le rôle de la famille. Les nouvelles migrations italiennes concernent en effet des jeunes diplômés issus d’une classe moyenne précarisée et dépendants du soutien de leur famille d’origine. Trois ménages italiens installés à Paris ont été suivis pendant deux ans, ainsi que les membres de leur « parenté pratique » mobilisés dans leur vie quotidienne, et résidant en Italie, en France et en Europe. Le livre revisite ainsi le concept de famille transnationale, habituellement étudié dans le cadre des migrations en provenance du Sud global, pour montrer les formes spécifiques que prend cette dernière dans le contexte de l’intégration européenne.

 

Plantagenet Anne, D’origine italienne, J’ai Lu, 2021, 7 €

 

« Je n’ai jamais entendu parler italien dans ma famille… Ces racines-là semblent avoir été arrachées. Tranchées net. Pourquoi ? Je l’ignore. M’ont-elles manqué ? Je n’ai pas cherché à le savoir, n’ai pas posé de questions. » Un matin, la narratrice décide d’interroger sa mère sur son grand-père, Placide Morselli, mort en 1994. De son enfance italienne dans le Frioul, puis de son exil en France à l’âge de douze ans, il n’a rien raconté, ou si peu. Pourtant, oublie-t-on jamais d’où l’on vient ? Au fil de leurs conversations, les lettres, les photos et les souvenirs resurgissent. Alors que l’histoire de ses aïeux italiens se dessine, Anne découvre aussi les secrets de sa mère et sa propre part d’Italie. Dans ce récit intime, Anne Plantagenet explore les ambiguïtés de la mémoire et comment elles façonnent nos vies, nos failles, nos forces.

 

Rackete Carola, Il est temps d’agir, J’ai lu, 2021, 6,90 €

 

On l’appelle « Capitaine Courage ». Carola Rackete a 32 ans. Le 29 juin 2019, aux commandes du Sea-Watch 3, elle a accosté à Lampedusa pour sauver 40 migrants en état de détresse. Elle a bravé l’interdiction de débarquer, au nom de ses convictions. « Ce n’était pas un acte de violence, seulement de désobéissance… » Dans ce livre-manifeste, elle nous alerte sur le sort des réfugiés et l’état de notre planète. Il n’y a plus un instant à perdre pour construire un monde plus juste. Un autre avenir est possible, « mais il faut du courage », écrit-elle. Elle en a.

 

LIBYE

 

Coste Stéphanie, Le Passeur, Gallimard, « Folio », 2022, 8 €

 

À trente ans, Seyoum est devenu l’un des plus gros passeurs de la côte libyenne. Chaque jour, il remplit des embarcations de plus en plus précaires de désespérés qui veulent rejoindre l’Italie. Mais Seyoum, pris en étau entre les gardes-côtes corrompus et la concurrence féroce d’autres passeurs tout aussi cruels que lui, sait que ses jours sont comptés. C’est alors que, parmi les derniers candidats à la traversée, il croit apercevoir Mahida. Dix ans plus tôt, Seyoum était encore capable d’aimer. Comment a-t-il perdu toute humanité ? Est-il encore temps de sauver quelque chose ?

 

Hayden Sally, Bienvenue aux enfers, Buchet-Chastel, 2024, 23 €

 

Sally Hayden est chez elle lorsqu’elle reçoit un message sur Facebook : « Bonjour, sœur Sally, nous avons besoin de votre aide. Si vous avez le temps, je vous raconterai toute l’histoire. » L’expéditeur est un réfugié érythréen détenu dans un centre libyen. Commence alors un récit glaçant : un travail unique et absolument remarquable, offrant un accès direct et sans précédent aux vies des détenus. Sally Hayden a rassemblé ses entretiens avec les réfugiés pris au piège des camps libyens où torture, viols, exécutions sont le quotidien. Elle condamne l’impuissance et le double jeu des institutions internationales et dénonce la corruption qui peut toucher les équipes chargées de l’aide humanitaire. Elle met aussi en lumière l’entraide qui existe entre les migrants et la grande résilience dont font preuve les humains.

 

MAROC-TUNISIE

 

Bakir Zied, La Naturalisation, Grasset, 2025, 19,50 €

 

Tunis, 1987. Pendant que sa mère pleure la destitution du président Bourguiba, l’enfant Elyas Z’Beybi, circoncis la veille, pleure la perte de son prépuce. Des années plus tard, le voici étudiant à Paris. Tiraillé entre désir de grandeur et instincts plus prosaïques, il mène une vie de bohème, tout en nourrissant un grand espoir, se faire naturaliser français. Choisit-il les meilleurs moyens ? De communauté Emmaüs en hôpital dont il séduit la psychiatre, cet étrange étranger a l’art d’enchaîner les déroutes. Un roman chaplinesque où la légèreté le dispute constamment à la gravité.

 

Bakir Zied, L’Amour des choses invisibles, Grasset, 2021, 17,50 €

 

Le drôle de héros et narrateur est un jeune Tunisien sans papiers qui mène une vie de bohème à Paris. À la mosquée Arthur Rimbaud, M. de Sonvraynom, soixante-huitard converti, lui prodigue des conseils plus ou moins avisés. À la suite d’une déception amoureuse (car « La femme est l’avenir de l’homme, dit le poète. Surtout de l’immigré ») et d’un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, notre rêveur décide de revenir dans son pays d’origine, en profitant du « retour volontaire », dispositif mis en place par l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration pour encourager les sans-papiers à rentrer chez eux. Si le narrateur décide de rentrer chez lui, ce n’est pas pour y vivre mais pour marcher jusqu’à la Mecque. Il a l’idée chimérique d’inaugurer un chemin de pèlerinage pédestre vers la première ville sainte de l’Islam comme il en existe un vers Compostelle. Il lui faut pour cela traverser la Libye en pleine guerre civile. Qu’à cela ne tienne ! La mission du marcheur est sacrée. Il lui arrivera bien des ennuis, qu’il tentera de compenser par une philosophie de la vie faite d’amour de la poésie, d’un fatalisme qui n’empêche pas la combativité, et d’un humour à toute épreuve.

 

Ben Boubaker Hajar, Barbès Blues, une histoire populaire de l’immigration maghrébine, Seuil, 2024, 21 €

 

« L’histoire, si elle a été dure, n’a pas toujours été triste. Elle raconte des vies qui n’ont pas été cantonnées dans l’étroitesse d’une nation, ou pire encore d’une nationalité. Et alors que tant de choses étaient volontairement orientées vers la laideur, des hommes et des femmes les ont, plus d’une fois, dans un geste collectif, sublimées. J’en tiens toutes ces histoires pour preuve. » En déambulant dans Barbès, Hajar Ben Boubaker raconte les petits détails et les grands événements qui ont fait du quartier la « maison-mère des luttes de l’immigration » et l’une des places fortes de la musique maghrébine. Dans les cartons d’archives sur le premier quartier algérien dans le 5e arrondissement, dans les voix de vieux messieurs qui racontent l’habitude d’une ville ou dans les souvenirs imprécis de luttes contre le racisme, Barbès Blues ressuscite des personnages, des épopées, des anecdotes et des tragédies.

 

Dorchamps Olivier, Ceux que je suis, Pocket, 2020, 8,10 €

 

Cette nuit, Papa est mort. Des années, il a trimé. Sans vacances. Sans dimanches. Il n’avait pas soixante ans. Mais pourquoi donc Tarek, garagiste à Clichy depuis longtemps exilé en France, tenait-il à être enterré là-bas… à Casablanca ? Un pays, des racines, dont il n’a jamais ou très peu parlé à ses fils. Prof d’histoire-géo, parfaitement intégré, Marwan ne comprend pas. C’est pourtant lui qu’on a choisi pour accompagner le cercueil au bled. Double culture, non-dits et secrets de famille : c’est tout un pan de sa propre histoire que Marwan s’apprête à découvrir, sous les orangers.

 

Harchi Kaoutar, Comme nous existons, Babel, 2023, 7,40 €

 

Ce récit retrace le cheminement sensible, intellectuel et politique d’une enfant de l’immigration post-coloniale, née dans l’Est de la France en 1987. L’autrice y revisite son passé, les événements et expériences qui ont constitué sa pensée d’aujourd’hui, formé son existence sociale. Dans cette enquête intersectionnelle, Kaoutar Harchi, narratrice et personnage, raconte ce que grandir dans les années 1990 veut dire pour elle, son quartier, cette enfance tendre mais laborieuse entourée de parents aimants. Mais aussi leur décision à eux, soudain, de mettre leur fille à l’abri d’un danger qu’ils ne nommeront jamais en l’inscrivant dans un collège catholique de l’autre côté de la ville. C’est là qu’un double chemin de vie s’offre à elle. À la sortie du lycée, sans jamais tourner le dos aux siens et pour mieux les retrouver, Kaoutar Harchi se lance dans une formation d’intellectuelle critique. Celle qui va lui permettre de décrire aujourd’hui, dans ce texte nécessaire mû par un désir de justice et d’égalité, les rapports de pouvoir de classe, de genre et de race.

 

Slimani Leïla, J’emporterai le feu, Gallimard, 2025, 22,90 €

 

« Mehdi se sécha, enfila un tee-shirt propre et un pantalon de toile, et il chercha au fond de sa sacoche le livre qu’il avait acheté pour sa fille. Il poserait sa main sur son épaule, il lui sourirait et lui ordonnerait de ne jamais se retourner. ‘Mia, va-t’en et ne rentre pas. Ces histoires de racines, ce n’est rien d’autre qu’une manière de te clouer au sol, alors peu importent le passé, la maison, les objets, les souvenirs. Allume un grand incendie et emporte le feu’. » Enfants de la troisième génération de la famille Belhaj, Mia et Inès sont nées dans les années 1980. Comme leur grand-mère Mathilde, leur mère Aïcha ou leur tante Selma, elles cherchent à être libres chacune à sa façon, dans l’exil ou dans la solitude. Il leur faudra apprendre de nouveaux codes, affronter les préjugés, le racisme parfois. Leïla Slimani achève ici la trilogie du Pays des autres, fresque familiale emportée par un un souffle puissant.

 

MEXIQUE

 

Prud’homme Sylvain, Coyote, Minuit, 2024, 17 €

 

‌Sylvain Prud’homme a réalisé un reportage en parcourant la frontière mexicaine des États-Unis en autostop. Il relate les rencontres qu’il a faites et les conversations qu’il a échangées à cette occasion avec les automobilistes, des femmes et des hommes ordinaires, qui incarnent cette région limitrophe et liminaire. « Ay, Silvano ! Regarde ces couleurs sur le désert. Regarde comme c’est beau. On a le coucher de soleil pour nous. Tu veux que je te dise mon avis ? On a eu du bol de naître dans cette vie. ¿ Qué dices de la vida : bonita, no ? Elle est belle mais elle est courte, il faut la vivre bien. Suavemente. Doucement. Avec art. »

 

Xilonen Aura, Gabacho, traduit de l’espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine, éd. Liana Levi, « Piccolo », 2022, 12,50 €

 

Liborio n’a rien à perdre et peur de rien. Enfant des rues, il a fui son Mexique natal et traversé la frontière au péril de sa vie à la poursuite du rêve américain. Narrateur de sa propre histoire, il raconte ses galères de jeune clandestin qui croise sur sa route des gens parfois bienveillants et d’autres qui veulent sa peau. Dans la ville du Sud des États-Unis où il s’est réfugié, il trouve un petit boulot dans une librairie hispanique, lit tout ce qui lui tombe sous la main, fantasme sur la jolie voisine et ne craint pas la bagarre. Récit aussi émouvant qu’hilarant, Gabacho retrace l’histoire d’un garçon qui tente de se faire une place à coups de poing et de mots. Un roman d’initiation mené tambour battant et porté par une écriture ébouriffante.

 

OUTREMER

 

Chamoiseau Patrick, Frères migrants, Points, 2018, 6,80 €

 

« La poésie n’est au service de rien, rien n’est à son service. Elle ne donne pas d’ordre et elle n’en reçoit pas. Elle ne résiste pas, elle existe – c’est ainsi qu’elle s’oppose, ou mieux : qu’elle s’appose et signale tout ce qui est contraire à la dignité, à la décence. Quand un inacceptable surgissait quelque part, Édouard Glissant m’appelait pour me dire : ‘On ne peut pas laisser passer cela !’ Il appuyait sur le ‘on ne peut pas’. Je ne suis pas poète, mais, face à la situation faite aux migrants sur toutes les rives du monde, j’ai imaginé qu’Édouard Glissant m’avait appelé, comme m’ont appelé quelques amies très vigilantes. » P.C.

 

Oublié Jessica, Rousseau Marie-Ange, Péyi an nou, Steinkis, 2024, 23 €

 

Album. 1963. Une agence d’État est créée pour soutenir la relance de l’économie française. En vingt ans d’existence, le Bumidom aura organisé l’émigration de

160 000 personnes originaires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion. Péyi an nou est à la fois une enquête pour comprendre la politique et le fonctionnement du Bumidom, ses répercussions, son héritage et un hommage à ces Français contraints à l’exil dans un pays qu’ils pensaient être le leur, la France.

 

Samlong Jean-François, Un soleil en exil, Gallimard, 2019, 21 €

 

« On ne nous aimait pas, enfermés dans un milieu clos, sans marques d’affection ni la possibilité de fixer des repères. Nous étions dans le même guêpier, égarés dans un tunnel ou une voie sans issue, et à mesure que nous avancions, la neige effaçait les empreintes de nos bottes pour prouver que nous n’existions pas. » Dans chacun de ses romans, Jean-François Samlong ne cesse d’interroger la violence qui secoue La Réunion. Dans un style percutant, il nous convie à découvrir l’histoire des enfants de la Creuse. En fait, une véritable tragédie s’est déroulée entre 1962 et 1984, avec l’exil forcé en métropole de plus de 2 000 mineurs réunionnais. Mensonges. Fausses promesses. Trahisons. Harcèlement sexuel. Viols. Tentatives de suicide, et suicides. Séjours en hôpital psychiatrique. Une catastrophe invisible. Enfin, le 18 février 2014, l’Assemblée nationale a reconnu la responsabilité morale de l’État français dans la terrifiante transplantation des enfants. Ici, deux jeunes garçons, Tony et Manuel, et leur sœur, Héva, témoignent des vies séparées, suspendues, piégées au cœur du froid et du racisme.

 

POÉSIE – RECUEILS COLLECTIFS

 

Collectif, Ces mots traversent les frontières, anthologie, 108 poèmes réunis par Jean-Yves Reuzeau, Le Castor astral, 2023, 18 €

 

Cette anthologie du Printemps des Poètes réunit autour du thème des frontières les textes inédits d’une centaine de poétesses et poètes contemporains francophones. Elle est le témoin du foisonnement de la création poétique de l’année 2023. Ici, aucun courant poétique ni aucune doctrine littéraire ne font la loi. Le livre est dédié aux poètes disparus en 2023 : Jeanine Baude, Michel Deguy, Henri Deluy, Michelle Grangaud, René de Obaldia, Jean-Luc Parant.

 

Frontières, petit atlas poétique composé par Thierry Renard et Bruno Doucey, Bruno Doucey, 2023, 20 €

 

Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l’esprit. La première renvoie à l’image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l’on traverse parfois au risque de sa vie. L’autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l’existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l’autre, sans oublier ces seuils que l’on franchit jusqu’à son dernier souffle. La poésie n’est pas étrangère à tout cela. Qu’elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l’âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où 112 poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières.

 

POLITIQUE MIGRATOIRE

 

Le Courant Stefan, Agier Michel (préf.), Vivre sous la menace, Les sans-papiers et l’État, Seuil, 2022, 23 €

 

La politique de contrôle migratoire ne s’exerce pas uniquement aux frontières, sur le territoire national elle continue d’œuvrer en séparant celles et ceux qui bénéficient d’un séjour régulier des autres qui en sont dépourvus. Le spectre de la frontière hante le quotidien des personnes qui chaque jour risquent l’expulsion. Après une enquête de plusieurs années auprès d’une quarantaine de sans-papiers, l’auteur restitue leur expérience ; il raconte des vies façonnées par la crainte de l’arrestation ou de la dénonciation. La menace est pour celui qui l’exerce une manifestation de son pouvoir de nuire sans exécution immédiate. Obsédante pour celui qui la subit, elle pousse à privilégier la solitude et la méfiance ; elle transforme l’environnement proche en un monde de signes potentiellement redoutables – le ton d’une voix, la couleur d’un uniforme, la question d’un camarade – et d’indices qu’il devient crucial de savoir exploiter.

 

Leloup-Dassonville Marianne, France terre d’écueils, au cœur de la maltraitance administrative des étrangers, Rue de l’Échiquier, 2025, 13 €


Depuis le début des années 1980, tous les deux ans en moyenne, une nouvelle loi immigration est en cours d’élaboration ou de rédaction au Parlement français. Ces initiatives législatives instillent l’idée que nous serions dans un régime laxiste, incapable de réguler l’arrivée des personnes étrangères. La France serait ainsi un pays de cocagne, où le seul fait de poser un orteil sur le territoire octroierait, comme par enchantement, allocations et subsides divers, un logement et tout un tas de « privilèges » à l’origine d’un « appel d’air ». À cette idée fausse, Marianne Leloup-Dassonville n’oppose pas d’abord une morale humaniste, mais son expertise d’avocate en droit des étrangers. Elle fait pénétrer dans l’enfer administratif de celles et ceux qui cherchent à obtenir une régularisation, sans succès la plupart du temps, mais aussi de personnes qui, en situation régulière, ne parviennent pas à renouveler leur titre de séjour. Quand les réactionnaires se plaignent du nombre de sans-papiers qu’il y a dans le pays, ils oublient de préciser que c’est leur œuvre.

 

Montoyat Flore, Le Mauvais Rôle, Harper/Collins, 2025, 19,90 €

« Il faut commencer là où c’est le plus injuste. » C’est avec ce principe que Chloé choisit sa vocation et qu’elle entre, après de brillantes études, à la Cour nationale du droit d’asile en tant que rapporteur. Devenue en quelques mois incollable sur la violence du monde, la jeune femme présente aux juges les dossiers des réfugiés. Elle tente de maintenir son rôle d’experte en géopolitique. Mais comment demeurer imperturbable quand un récit insoutenable chasse l’autre ? Au fil des mois, les émotions de Chloé s’engourdissent, son corps se tend, ses rêves se muent en cauchemars – au point qu’elle doit lutter de toutes ses forces pour que son travail à la Cour ne l’engloutisse pas. Dans ce premier roman percutant, où les voix de réfugiés se mêlent à celle de la narratrice, Flore Montoyat questionne les failles de notre système d’accueil et ce qu’il anéantit de notre humanité. Passionnée de géopolitique, spécialiste du droit des réfugiés, Flore Montoyat a travaillé pour les Nations unies, puis passé quatre ans au cœur des décisions de la Cour nationale du droit d’asile.

 

Teitgen-Colly Catherine, Le Droit d’asile, Que sais-je ?, 2025, 10 €

 

D’abord conçu comme un droit de l’État souverain d’accorder, sur son territoire, sa protection à qui il le souhaitait, le droit d’asile s’est affirmé au Xxe siècle comme un « droit à l’asile ». Encadré par le droit européen, il est au cœur du débat politique où se confrontent la souveraineté nationale d’États, qui privilégient des logiques gestionnaire et sécuritaire dans leur politique migratoire au détriment de l’exercice du droit d’asile, et les valeurs des droits de l’homme, qui prônent des mesures de protection comme fondement du droit d’asile. Ce sont ces dynamiques et ces tensions que Catherine Teitgen-Colly s’attache à comprendre en retraçant l’histoire du droit d’asile et les diverses modalités de sa mise en œuvre, mais aussi en analysant les interrogations qu’il suscite, sans ignorer l’ampleur des débats qu’il provoque.

 

Thomas Lacroix, L’État sans frontières, comment les migrations transforment l’État, ENS, 2024, 34 €

 

Accords de double nationalité, externalisation des contrôles aux frontières, multiplication des ministères publics en charge des diasporas… Les États développent un nombre croissant d’instruments pour intervenir au-delà de leurs frontières. Comment les politiques ciblant les flux migratoires transforment-elles l’État ? Le présent ouvrage renouvelle un débat sur le transnationalisme qui, depuis plus de trente ans, anime les études migratoires. Thomas Lacroix explore la relation étroite entre « État transnational », c’est-à-dire l’ensemble des politiques et administrations d’un État destinées à réguler les flux transnationaux, et « société transnationale », soit l’écheveau des institutions sociales permettant de maintenir des liens, des pratiques et des relations par-delà les frontières. L’auteur propose ainsi la première théorie globale de l’État transnational en lien avec une théorie sociale de la société transnationale. S’appuyant sur plus de vingt ans de recherches sur des terrains variés, ce livre fournit une boîte à outils conceptuelle permettant d’appréhender aussi bien les pratiques des migrants que les politiques d’État.

 

Vallaud-Belkacem Najat, Benjamin Michallet, Réfugiés, ce qu’on ne nous dit pas, Stock, 2025, 20,50 €

 

Loin d’une réalité pour l’essentiel faite d’étudiants internationaux, de travailleurs venus occuper un emploi ou de mariages mixtes, l’image désormais associée au mot « migrants » est celle de pauvres hères épuisés sur des bateaux de fortune. Les experts en exploitation du malheur exploitent ; les défenseurs des droits humains comptabilisent impuissants les morts ; les chercheurs tentent, en vain, de raisonner… Et nos rétines de citoyens, elles, enregistrent, anxieuses, indifférentes ou révoltées, toujours dépassées. Cette image-là a beau être loin de dire la migration dans toute sa complexité, elle n’en correspond pas moins à une réalité : celle des déplacés forcés. Et pose la question de ce que signifie les accueillir. Ce phénomène n’ayant aucune raison de s’éteindre de lui-même, il est temps de sortir du dialogue de sourds et de la tétanie dans lesquels nous enferment les charlatans. Parce que les citoyens valent mieux que leur caricature, le parti pris de ce livre est de les informer, totalement. Le meilleur moyen de contrer la manipulation autour des migrants, des demandeurs d’asile, des réfugiés, n’est pas de débunker après coup la désinformation à l’œuvre. Mais bien de fournir à la société d’accueil de quoi juger par elle-même.

 

Wihtol de Wenden Catherine, Immigration, indifférence, indignation, déshumanisation, Autrement, 2025, 19 €

 

« La souffrance de ceux qui ont eu le malheur de naître dans un pays pauvre et mal gouverné est considérée comme un fait acquis. L’absence de droits qui en découle aussi. » Comment penser un monde qui repose sur les mobilités quand la question de l’immigration donne lieu à tant de crispations sociales et identitaires ? Coups d’État, catastrophes environnementales, flux de migrants économiques et de réfugiés de pays en guerre : les crises se multiplient et s’installent dans un paysage politique marqué par la peur de l’Autre. Indifférent à ceux qui meurent aux frontières, le choix des approches sécuritaires s’affirme. Coupée des réponses humanitaires, économiques et démographiques, cette politique ignore et dénigre les propositions réelles des chercheurs et des associations. Catherine Wihtol de Wenden réunit le politique, le savant et l’opinion publique.

 

Witter Louis, La Battue, L’État, La Police et les étrangers, Points, 2024, 6,90 €

 

« Zéro point de fixation » De Calais à Dunkerque, c’est l’expression employée par les autorités pour définir la politique de la France en matière d’immigration à la frontière franco-britannique. Caractérisée par des chasses à l’homme organisées toutes les 48 heures, cette gestion policière des campements d’exilés a pour but de dissuader les personnes de s’installer et de se regrouper. Louis Witter a passé dix-huit mois, sur place, à enquêter sur cette stratégie de politique intérieure. À mi-chemin entre l’enquête et l’essai, ce livre montre comment la politique locale, le droit, les politiques institutionnelles et les pratiques policières œuvrent de concert pour légitimer toujours plus de violences envers les personnes étrangères. Un phénomène qui témoigne d’un rapport inquiétant et renouvelé que la police et l’État entretiennent avec les étrangers et la citoyenneté.

 

RACISME

 

Agier Michel, Racisme et Culture, Explorations transnationales, Seuil, 2015, 21,50 €

Longtemps, on a pensé que faire silence sur la race permettait de la conjurer. Mais peut-on lutter contre le racisme sans mener des enquêtes sur ce qu’il produit ? À rebours de ceux qui refusent de se confronter aux réalités sociales, l’anthropologue des mobilités et du cosmopolitisme Michel Agier étudie les formes multiples que prend, ici et ailleurs, cette conception fondamentalement inégalitaire des relations humaines. Revenant sur son parcours d’ethnographe en Afrique, en Amérique latine et en France, il décrit aussi bien les violences du racisme que les manières dont s’en saisissent ceux et celles qui en sont les sujets en relisant ses prédécesseurs qui, de Claude Lévi-Strauss à Colette Guillaumin, de Frantz Fanon à Stuart Hall, ont voulu libérer l’humanité de ce maléfice. Il montre en particulier que mettre en scène d’autres images de soi, d’autres récits et d’autres mondes désirés, dans des performances carnavalesques, poétiques ou théâtrales, c’est s’emparer de la contrainte du racisme, face aux autres, toutes couleurs et toutes « races » confondues, pour ne pas la laisser agir en paix.

 

Agier Michel, La Peur des autres, essai sur l’indésirabilité, Rivages, 2022, 16 €

 

La peur des autres – proches ou lointains – se transforme en repli sur soi, souvent en mépris, rejet. Plus encore, elle fonde des politiques. C’est ainsi que naît l’indésirable, image spectrale et effrayante de celle ou celui qui peut être chassé à la frontière, nationale ou urbaine, voire abandonné à la mort. Il n’y a pas de compromis possible avec ces politiques de la peur et de la haine des autres. Une autre description du monde, un autre horizon des possibles et d’autres imaginaires sont nécessaires pour redonner à chacun et chacune le sens et le courage de la vie commune.

 

Belsakri Yahia, Lettre ouverte à ceux qui se sentent envahis et à ceux qui veulent

tout détruire au nom de leur croyance étriquée, Le Réalgar, 2018, 4,50 €

 

« Ces dernières années, ici et là en Europe s’élèvent des voix pour appeler au dialogue des cultures car se profilerait un ‘choc des civilisations’ qui opposerait la civilisation occidentale, moderne, développée, à la civilisation ‘de l’islam’, dit-on aujourd’hui, qui serait rétrograde, dangereuse, un choc entre le Nord et le Sud de la Méditerranée. Les porte-voix des tenants de cette théorie s’emploient, avec moult démonstrations, études, publications, à légitimer ce choc en occultant les faits, lorsqu’ils ne sont pas travestis, pour finir par proposer une révision en règle de l’histoire de l’Europe expurgée de tout apport venu du Sud. »

 

Gemmene François, On a tous un ami noir, Hachette Pluriel, 2022, 9 €

 

Collectivement, on a accepté de penser les migrations à partir des questions posées par l’extrême droite. Quant à nous, chercheurs, nous en sommes souvent réduits à débusquer rumeurs et mensonges. Nos sociétés resteront malades de ces questions tant qu’elles continueront à les envisager sous l’unique prisme des idéologies. C’est toute l’ambition de ce livre : montrer qu’il est possible de penser ces sujets de manière rationnelle et apaisée, en les éclairant de réflexions et de faits, trop souvent absents des débats. Les questions d’identité collective doivent être des enjeux qui nous rassemblent, plutôt que de nous opposer. À condition de reconnaître et d’affronter les problèmes structurels de racisme dans nos sociétés.

 

IMAGE DES PERSONNES EN EXIL

 

André Jean-Michel, Wilfried N’Sondé, Borders, Actes Sud, 2021, 39 €


Le point de départ de ce projet se situe dans la jungle de Calais, à la veille de l’évacuation du bidonville en 2016. Jean-Michel André a poursuivi ce travail photographique pendant trois ans, en France, en Italie, en Espagne et en Tunisie. Partout, il a rencontré des réfugiés qui cherchaient un abri. Des femmes, des enfants et des hommes réunis dans l’espoir de réaliser la dernière traversée. Ce projet nous invite à un cheminement, celui de l’exil, de l’errance mais aussi de l’espérance et de la résistance. L’écriture de Jean-Michel André et de Wilfried N’Sondé questionne le rapport à l’autre et interroge les notions de frontière réelle et imaginaire.

 

Cabanes Bruno, Un siècle de réfugiés, photographier l’exil, Seuil, 2019, 34 €

 

Le XXe siècle a été le siècle du déplacement et de l’exode. Depuis la fin de la Guerre froide, la crise mondiale des réfugiés est toujours d’actualité. En fait, à la suite des récents conflits en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique centrale, le nombre de réfugiés est en augmentation régulière.

 

Collectif, L’Intérêt à agir, Lorelei, 2024, 10 €

 

Avec un intérêt commun, celui d’agir depuis le champ de l’art face aux violences des politiques migratoires, les co-auteur·trices de ce livre ont élaboré des travaux performatifs qui font se répondre droit des étrangers et droit d’auteur. Alors que le droit des étrangers, associé à une politique des frontières, rend clandestin, exploite, laisse mourir, le droit d’auteur est ici saisi pour exercer le droit commun d’œuvrer, en défendant l’intégrité d’oeuvres qui ne peuvent exister sans la présence physique de l’ensemble des co-auteur·trices qui les performent.

 

Fréchuret Maurice, Images de l’exil, Presses du réel, 2021, 25 €

 

Les images de la fuite, de l’errance, de l’exil et de l’exclusion dans l’histoire de l’art, de la peinture classique à la production la plus contemporaine. Leur diffusion fut assurée par les contes et les légendes, par les chants, les prières et les comptines mais aussi par des représentations visuelles qui, au fil du temps, en ont précisé les contours. Les religions ont fourni les récits nécessaires pour que s’édifie une puissante iconographie de l’exil. Adam et Ève chassés du Paradis, La Fuite en Égypte, L’Exode, sont autant d’exemples que Duccio, Giotto, Masaccio ou Fra Angelico… vont peindre sur les murs des églises ou des monastères. Dans les temps modernes, émerge une iconographie considérable de la fuite, de l’errance et de l’exclusion, provoquées par les guerres, les régimes de terreur ou la pénurie. Les peintres et les photographes s’emparent du sujet et accueillent dans leurs œuvres ces « rayés de l’histoire ». Les vidéos et les installations de nombreux artistes contemporains interrogent très opportunément aujourd’hui ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Mona Hatoum, Francis Alÿs, Kimsooja, Adrian Paci, Mohamed Bourouissa, Barthélmy Toguo, Zineb Sedira et bien d’autres produisent des œuvres riches de sens dans lesquelles les notions de frontières et d’identité font l’objet d’un traitement qui peut fluctuer entre le documentaire et le récit fictionnel et poétique.

 

Ghoussoub Sabyl, J’exile, revue The Eyes, 2025, 25 €

 

The Eyes invite l’écrivain d’origine libanaise Sabyl Ghoussoub à approfondir la réflexion sur le lien entre la photographie et l’exil. Ce numéro invite à réfléchir sur la manière dont l’art peut aider à reconstruire une identité fragmentée. Ce nouveau numéro de la revue The Eyes propose une approche multidimensionnelle de l’exil. Exil comme nom commun, comme état, comme condition mais aussi, et surtout, comme verbe. L’exilé est acteur de son destin, il a la capacité de transformer sa vie et d’influencer son parcours.

 

ROMS

 

Le Marcis, Katia Lurbe i Puerto, Endoétrangers, exclusion, reconnaissance et expériences des Rroms et gens du voyage en Europe, Academia, 2012, 32 €

 

Depuis 2005, les « endoétrangers » sont reconnus par le Conseil de l’Europe comme « minorité ethnique ». Cette appellation unique masque une population hétérogène connue sous les catégories « Rroms », « Manouches », « Gitans », « gens du voyage », dont les situations et expériences sont liées à l’histoire, au politique, à l’économique. Cet ouvrage rassemble les travaux de sociologues, anthropologues, politologues et d’intervenants sociaux qui travaillent avec et auprès de ces populations au quotidien.

 

Mascaro Alain, Avant que le monde ne se ferme, J’ai Lu, 2023, 7,60 €

 

Anton Torvath est tzigane et dresseur de chevaux. Né au cœur de la steppe kirghize peu après la Première Guerre mondiale, il grandit au sein d’un cirque, entouré d’un clan bigarré de jongleurs, de trapézistes et de dompteurs. Ce « fils du vent » traverse la première moitié du « siècle des génocides », devenant à la fois témoin de la folie des hommes et mémoire d’un peuple sans mémoire. Accompagné de Jag, l’homme au violon, de Simon, le médecin philosophe, et de la mystérieuse Yadia, ex-officier de l’Armée rouge, Anton voyage dans une Europe où le bruit des bottes écrase tout. Sauf le souffle du vent.

 

SANTÉ MENTALE

 

Louis Camille, La Conspiration des enfants, PUF, 2021, 22 €

 

Ils s’appellent Anna, Ashkan ou Julia. Ils vivent dans une banlieue industrielle de Londres, dans un camp de réfugiés en Grèce ou un terrain vague réservé aux gens du voyage aux portes de Paris. Ce sont des enfants. Et ils sont malades. Tous souffrent de saturnisme – cette maladie du plomb qui coupe la respiration. Chacun dans leur coin, ils sont les témoins d’un monde qui a choisi de cultiver l’irrespirable : les usines pharmaceutiques anglaises et leurs fumées toxiques, la politique européenne qui rejette les migrants dans des zones où personne ne devrait devoir vivre, les autorités françaises qui cherchent à toutes forces à sédentariser les nomades sur les terrains d’anciennes décharges. Derrière la maladie des enfants, c’est donc celle du présent qui se dresse – une maladie dont Camille Louis, en un geste sensible, dresse le profil terrifiant autant que plein d’espoir. Car, même différents, même isolés, même relégués dans les tréfonds de l’anormalité ou de l’indésirabilité, les enfants dont elle raconte les aventures livrent une leçon inattendue : celle d’une nouvelle manière de respirer ensemble.

 

Kerloc’h Mélanie, Renard Léa, Je ne suis pas venu ici pour manger des sandwichs, cas cliniques dessinés, Érès, 2024, 20 €

 

Mélanie Kerloc’h, psychologue clinicienne, et Léa Renard, dessinatrice, ont pris part  à une expérience saisissante : partager des séquences de psychothérapies dessinées menées auprès d’un public singulier, celui des mineurs non accompagnés en recours. Ces jeunes nés à l’étranger sont venus seuls en France avec le plus souvent des papiers attestant de leur minorité, mais celle-ci pas été reconnue par notre pays, les plongeant dans un trou noir. Ils ne sont ni mineurs ni majeurs et ne disposent des droits d’aucune de ces deux catégories : ni protégés, ni expulsables. Peut-on imaginer une situation plus pathogène pour des jeunes dont le parcours est émaillé de violences subies – parfois au pays, toujours pendant le voyage, souvent en France –, de deuils, de séparations ? Aboubacar, Noor, Tahirou, Seïba viennent du Mali, de Guinée ou d’Afghanistan… Ils parlent français, soninké, bambara, dari… Dans les séances de psychothérapie menées souvent avec l’aide d’interprètes, ils tentent de dénouer les nœuds de leurs histoires singulières.

 

Saglio Yatzirmisky Marie-Caroline, Les Voix de ceux qui crient, rencontres avec des demandeurs d’asile, Albin Michel, 2018, 19,90 €

 

Si des hommes et des femmes demandent l’asile à la France, c’est parce qu’ils cherchent un lieu inviolable où se réfugier. Depuis 2010, à l’hôpital Avicenne de Bobigny, Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky rencontre ces hommes et ces femmes à bout de souffle. Elle rapporte ici les paroles qui lui ont été confiées dans le vif de la consultation. Et révèle comment, dans ce cadre, les demandeurs d’asile cherchent à retrouver leur voix. Conquérant peu à peu la capacité de raconter leur vie, ils regagnent alors celle d’en avoir une. Le migrant n’est pas une figure transitoire de notre société. Sa présence questionne la mise en pratique de nos valeurs. Par son ampleur éclairante, la pensée de l’anthropologue et psychologue clinicienne s’impose pour aborder la question du lien social et politique et celle de la place de l’étranger dans la France du XXIe siècle.

 

Van der Kolk Bessel A., Le Corps n’oublie rien, le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme, Pocket, 2021, 9,95 €

 

Le traumatisme fait partie de la vie. Et le corps en garde les traces et une mémoire qui imprègne nos émotions. Le psychiatre Bessel van der Kolk a passé quarante ans à soigner des survivants. En racontant les histoires vécues par ses patients (vétérans, femmes et enfants maltraités, victimes d’accidents ou d’agressions), il entraîne le lecteur dans un parcours à travers les méandres du syndrome du stress post-traumatique.

 

SYRIE

 

Al-Masri Maram, Elle va nue la liberté, éd. Bruno Doucey, 2020, 15 €

 

« L’avez-vous vu ? Il portait son enfant dans ses bras et il avançait d’un pas magistral la tête haute, le dos droit… Comme l’enfant aurait été heureux et fier d’être ainsi porté dans les bras de son père… Si seulement il avait été vivant. » Née à Lattaquié en Syrie, Maram Al-Masri entreprend des études à Damas, avant de s’exiler à Paris où elle connaît une situation difficile. En 2003, Cerise rouge sur un carrelage blanc la révèle au public francophone. Sa poésie, saluée par la critique des pays arabes et traduite dans de nombreuses langues, fait d’elle une des grandes voix féminines du Moyen-Orient.

 

Al-Saleh Yassin, Sur la liberté, la prison, l’exil… et le monde, Catherine Coquio (préf.), L’Arachnéen, 2025, 16 €

 

Ce recueil s’ouvre sur trois textes ayant pour thème central les dimensions relatives de la liberté, analysée au prisme du « moi », de la « maison », de la prison (une « prison consentie », gage d’une certaine forme de liberté), de l’exil, et des formes multiples de « l’illiberté » : « la liberté dont jouit le monde de l’exception au-dessus de la loi ». Ces textes relèvent d’une réflexion philosophique et politique complexe, mais sont écrits dans une langue simple. Puis, dans un long entretien, Yassin al-Haj Saleh répond aux questions précises et informées de Catherine Coquio et Nisrine Al-Zahre. Avec, en arrière-plan constant de sa réflexion, « l’hermétique absence de Samira » (son épouse, enlevée avec trois autres militants des droits de l’homme dans la zone insurgée de Douma le 9 décembre 2013) et la dévastation de son pays par la guerre et la dictature des Assad, il aborde des questions diverses : l’apparition en Syrie d’une nouvelle écriture, masculine et féminine, directement issue de l’expérience de la guerre et de la prison ; son espoir dans l’avènement d’une communauté qui donne du sens à la souffrance ; la nécessité de combattre le nihilisme du pouvoir dictatorial comme celui des islamistes ; l’analogie de l’organisation de la révolution syrienne avec celle de la Commune ; sa lecture critique d’Hannah Arendt ou de Giorgio Agamben ; l’impératif d’écrire une « tragédie de l’oubli ».

 

Chapuis Mathilde, Nafar, éd. Liana Levi, 2019, 18 €

 

Une nuit d’octobre, c’est sur la rive turque du Meriç, le fleuve-frontière qui sépare l’Orient de l’Europe, qu’une mystérieuse narratrice arrête son regard. Et plus précisément sur l’homme épuisé qui, dans les buissons de ronces, se cache des soldats chargés d’empêcher les clandestins de passer du côté grec. Car celui qui s’apprête à franchir le Meriç est un nafar : un sans-droit, un migrant. Retraçant pas à pas sa périlleuse traversée, la narratrice émaille son récit d’échappées sur cette région meurtrie par l’Histoire et sur le quotidien de tous les Syriens qui, comme l’homme à la veste bleue se préparant à plonger, cherchent coûte que coûte un avenir meilleur loin de la dictature de Bachar al-Assad. Elle est celle qui témoigne des combines et des faux départs, imagine ce qu’on lui tait, partage les doutes et les espoirs.

 

Diab Saleh, Poésie syrienne contemporaine, bilingue, Le Castor astral, 2018, 20 €

 

La poésie n’est pas inscrite dans un temps et un lieu circonscrits, elle n’est pas de circonstance, elle dépasse les conjonctures, elle se réfère au temps et à l’espace humains. N’est-ce pas dans les œuvres des poètes syriens, qui ont pris la poésie comme un dialogue incessant entre soi et le monde, comme politique dont l’objet est l’amour, que se dessine le visage de la Syrie ? Cette anthologie est un panorama des divers courants qui ont agité le mouvement moderniste, non seulement de la poésie syrienne, mais de la poésie arabe dans son ensemble, du début du XXe siècle à nos jours.

 

Mohammad Hala, Prête-moi une fenêtre, éd. Bruno Doucey, 2018, 18 €

 

« La maison a beaucoup changé / après ton départ / J’ai changé / La Syrie a changé… » Les mots par lesquels s’ouvre le recueil d’Hala Mohammad laissent entendre qu’il y a un avant et un après, un ici et un ailleurs. Plus encore, un billet aller qui ne laisse à l’exilée que peu d’espoir de retrouver indemne le pays qu’elle a laissé. De poème en poème, l’auteure cartographie l’absence et son cortège de chagrins. Une révolution avortée, la guerre, les routes de l’exil, les dures conditions de vie des gens qui ont parfois tout perdu mais qui continuent à vivre et à aimer. Car ce sont eux qui intéressent la poète-documentariste, qui progresse caméra au poing. Avec un sens inné du court-métrage, elle défie la peur et nous livre un texte d’une force rare « contre la géographie de la tyrannie ».

 

Mohammad Hala, Les Hirondelles se sont envolées avant nous, éd. Bruno Doucey, 2021, 16 €

 

« Du haut des montagnes les hirondelles / Se sont jetées sur notre balcon Elles ont construit leur nid avec la paille du silence / Et lorsque la famille fut au complet, elles s’envolèrent. Voilà leur histoire. »

 

Regnard Céline, En transit, les Syriens à Beyrouth, Marseille, Le Havre, New York (1880-1914), Anamosa, 2022, 26 €

 

L’historienne des migrations Céline Regnard, après des années de recherche tant dans les archives françaises qu’américaines, s’intéresse à un temps du parcours migratoire jusque-là peu exploré : celui du transit, ce moment et ces lieux de l’entre-deux. À partir de l’exemple des Syriens, ou Levantins, de la fin du XIXe siècle, c’est aussi une histoire incarnée qui s’écrit ici, à hauteur d’hommes et de femmes. Pleinement inscrit dans le renouvellement historiographique d’une histoire mondiale et connectée des migrations, cet ouvrage met l’accent sur les circulations et, grande originalité, sur le temps et les lieux du transit, ce « temporaire » plus ou moins long, cet entre-deux, dans l’expérience migratoire. Outre les migrants, c’est aussi une multitude d’acteurs, un monde institué et/ou parallèle dans les villes-ports concernées, qui entrent en scène : logeurs, passeurs, pisteurs, bateliers, mais aussi médecins et policiers.

 

TÉMOIGNAGES – RECUEILS COLLECTIFS

 

Collectif, Celle que j’ai laissée, Boris Cyrulnik (préf.), Actes Sud, 2021, 10 €

 

« Qui ou quoi te manque le plus ? » C’est la question que nous avons posée à des mineurs isolés étrangers, filles et garçons, pour qu’ils racontent ce qu’il y a derrière leur prénom ou leur origine géographique : une histoire qui a commencé bien avant leur départ. Une histoire d’amour, d’attachement et de tendresse qui ne les a pourtant pas empêchés de se lancer à 13 ou 15 ans sur des chemins dangereux où ils savaient qu’ils pouvaient perdre la vie pour un monde qu’ils pensaient meilleur. « Ma maman », a répondu une très large majorité d’entre eux. Écoutez Ellis, Mohamed, Cynthia, Abdoul, Yassir, Kadi.

 

Collectif, Je voulais une chance de vivre : récits de mineurs étrangers isolés, Jacques Toubon (préf.), L’Atelier, 2020, 16 €

Enfants ou adolescents, majoritairement issus de l’Afghanistan, de la République démocratique du Congo (RDC) et de la Guinée, ils ont fui la guerre, les violences ou les discriminations. Ils ont mis leur vie en danger lors de parcours périlleux. 11 récits personnels leurs donnent visage et voix. Dans ces témoignages, ils livrent des fragments de leur histoire : leur vie quotidienne dans leur pays d’origine, la situation qui a déclenché le départ, leur parcours, leur arrivée en France, leurs rencontres. Malmenés par l’exil et le labyrinthe administratif français, ils parviennent parfois, petit à petit, à se reconstruire, à être de simples adolescents, à ne plus avoir peur. 11 récits des jeunes via un planisphère, en choisissant un des points de départ géographique. À la fin de chaque chapitre une cartographie narrative dynamique permet de rendre visibles les grandes étapes de leur itinéraire, parfois fou.

 

Couval Sylvie, Quand j’ai quitté la Syrie, j’ai cassé mon stylo, Réfugiés, chemins de vie, Zonaires éditions, 2024, 18 €

 

Les migrants en période de crise deviennent trop souvent des boucs émissaires, désignés comme responsables, entre autres, des difficultés économiques du pays qui les reçoit. Comment réagir autrement que par l’indignation quand on entend parler de « grand remplacement », de « faux réfugiés », du soi-disant flot incessant de migrants débarquant en France et menaçant notre sécurité, notre identité, notre économie, nos valeurs ? Le témoignage émouvant de 25 personnes, issues de divers pays, qui ont fait le choix de demander l’asile en France, afin d’entrevoir la richesse et la spécificité des parcours des personnes rencontrées, leur force, leur courage, leur désir profond de s’intégrer, de reconstruire leur vie.

 

Gabard Mathieu, 115 propos d’hommes séquestrés, Les Lisières, 2019, 12 €

Sur la base d’entretiens réalisés en Centres de Rétention Administrative (CRA) entre 2016 et 2019, Mathieu Gabard donne voix à des hommes séquestrés et à leurs familles.

 

Hallouche Omar, Éclats de silence, Christian Delorme (préf.), Libel, 2023, 20 €

 

Des textes écrits il y a vingt ans à partir d’entretiens réalisés auprès d’hommes immigrés, autour de leurs mémoires migratoires. Originaires de pays anciennement colonisés, d’Arménie, d’Espagne ainsi que des campagnes françaises, ils vivaient à Vaulx-en-Velin, dans le quartier de la Guillotière, mais aussi dans les foyers de travailleurs migrants de l’agglomération lyonnaise. Difficulté de la transmission, héritage douloureux que doit porter la seconde génération. Aujourd’hui encore, leurs paroles résonnent et rendent palpable la réalité crue et complexe des problèmes auxquels ces transplantés ont dû, et doivent encore faire face. Ces témoignages, toujours d’actualité, n’ont rien perdu de leur force émotionnelle et de leur pertinence.

 

Paroles de migrants, Jean-Pierre Guéno (dir.), J’ai Lu, 2023, 3 €

 

Que nous soyons français d’origine ou d’adoption, le fruit de l’exode rural ou de l’immigration, nous portons tous en nous les traces d’une certaine forme de déracinement. Par centaines, les auditeurs de Radio France ont répondu à l’appel : qu’ils aient quitté leur terre, leur village ou leur pays d’origine, ils nous racontent l’émotion des grandes transhumances qui ont fait la France d’aujourd’hui. Leur histoire, celle de leurs enfants, de leurs parents ou de leurs grands-parents, nous rappelle que nos racines ne peuvent perdurer, renaître et prospérer que dans le brassage et le métissage des êtres et des peuples.

 

Quintane Nathalie, Les Enfants vont bien, POL, 2018, 18 €

 

« Coucou ! J’ai installé une carte du Monde sur le mur d’une des 2 salles, où chacun a pu mettre une étiquette autocollante à son nom et reliée à son pays, voire sa ville, d’origine. » Automne 2016 : des Centres d’Accueil et d’Orientation s’ouvrent un peu partout en France, à la suite du démantèlement de la Jungle de Calais. Les Enfants vont bien commence là. Présidents de la République, ministres, textes de loi, presse régionale, animateurs du CAO, réseau d’aide… Tout le monde a quelque chose à dire des réfugiés, et c’est chaque parole, chaque phrase, de chacun, sur chaque page, que ce livre recueille.

 

Skalova Marina, Abadie Nadège (phot.), Silences d’exils, éd. D’en bas, 2020, 25 €

 

Une expérience humaine et poétique. De 2016 à 2019, Nadège Abadie et Marina Skalova proposent des ateliers d’écriture et de photographie à des hommes et femmes exilés en Suisse. Une recherche autour de la langue et sa perte, la parole et son absence, le mutisme et la disparition. Dans ce tissage subtil, les éclats de voix plurilingues convoquent les souvenirs de l’auteure et le regard de la photographe. Leurs gestes artistiques se rencontrent pour garder trace des passages, dire le manque. Tout en posant la question : qu’est-ce qui reste ?

 

Thanh Nguyen Viet, Les Déplacés, 20 récits d’écrivains exilés, Massot, 2019, 20,90 €

Voici les récits de vingt écrivains originaires du monde entier. Leur point commun ? Tous ont été, à un moment de leur vie, des réfugiés. Vietnamien, Afghan, Chilien, Iranien, Ukrainien ou Éthiopien d’origine, ils relatent le traumatisme de l’exil, l’inévitable fracture familiale, l’improbable voyage vers l’inconnu pour fuir la guerre, les persécutions, la misère, mais aussi les travaux forcés, l’embrigadement des enfants soldats, l’épuration ethnique. Être déplacé, c’est faire l’expérience douloureuse de l’altérité, du rejet, de la perte d’identité. C’est aussi affronter la difficulté d’être invisible – ou trop visible – dans un pays qui ne veut pas de vous. Ces écrivains, aujourd’hui en sécurité, s’interrogent : comment leurs parents ont-ils survécu et qu’auraient-ils fait à leur place ? L’écrivain déplacé n’a-t-il pas un devoir de mémoire à honorer ? Comment décrire l’indicible ?

 

TRAVAIL

 

Brahim Nejma, 2 € de l’heure, la face cachée de l’« intégration » à la française, Seuil, 2024, 19 €

 

Tous trois, comme les autres témoins dont les récits structurent 2 € de l’heure, sont en situation irrégulière et se battent, affrontant la violence administrative, pour obtenir des papiers. Nejma Brahim a rencontré des centaines de travailleurs de l’ombre, partout en France. Elle dévoile un système d’exploitation étendu et installé, et dresse un tableau à rebours de tous les fantasmes, sur ces étrangers qui bénéficieraient des « aides sociales » sans rien faire. Au contraire, ils et elles travaillent, souvent beaucoup et la plupart sans contrat, pour, parfois, pas plus de 2 € de l’heure. Ce document donne à voir ce qu’est véritablement « l’intégration à la française » : une main-d’œuvre qui n’est pas concernée par le droit du travail et qui soutient pourtant de nombreux pans de notre économie. Comment les employeurs, parfois les plus gros, profitent-ils de cette situation ? Pourquoi et combien l’État accepte-t-il de perdre ? En bref, à qui profitent les sans-papiers ?

 

Millet Audrey, L’Odyssée d’Abdoul, enquête sur le crime organisé, Les Pérégrines, 2024, 20 €

 

Deux ans d’investigation, 150 témoins, la culpabilité des États. « Juin 2022, Italie : Abdoul et moi nous rencontrons devant un magasin de mode made in China. ‘Vous parlez français ?’, me demande-t-il. À Prato, jamais vous n’entendrez la voix d’immigrés africains. Partout, leur exil se prolonge’. » En cherchant à monter son atelier de confection, Abdoul, tailleur ivoirien, a pris sans le savoir la route de l’esclavage en 2015. Exploité au Burkina Faso puis au Niger, il se retrouve dans un camp de travail libyen où l’on affame, torture, prostitue. Jeté à moitié mort dans une embarcation en route vers l’Italie, il finit par arriver à Prato, cité textile en proie aux mafias italienne, nigériane et chinoise. À travers son histoire, Audrey Millet décortique les réseaux mondiaux de trafics – d’armes, de drogue, d’organes, d’êtres humains – dans lesquels tant de migrants se retrouvent piégés. Un essai-enquête salutaire qui analyse un système inextricable dont les enjeux politiques et sociétaux ne peuvent plus être ignorés. La lueur d’espoir viendra d’Abdoul, figure d’humanité invaincue. Audrey Millet, historienne et chercheuse étudie les liens entre made in Italy et crime organisé.

 

Véron Daniel, Le Travail migrant, l’autre délocalisation, La Dispute, 2024, 15 €

 

Daniel Véron s’intéresse au travail migrant à travers deux de ses figures : les travailleurs sans papiers et les travailleurs détachés. Il met en lumière une variété de dispositifs institutionnels et économiques qui favorisent la mise au travail des personnes migrantes dans des conditions moins favorables et plus intensives que celles qui ont cours sur un marché du travail donné et montre ainsi les conditions sociales, politiques et historiques qui rendent possible une surexploitation du travail migrant.

 

TURQUIE

 

Günday Hakan, Encore, traduit du turc par Jean Descat, Le Livre de poche, 2017, 8,10 €

 

Gazâ a neuf ans et vit sur les bords de la mer Égée. Il travaille avec son père Ahad, passeur de clandestins. Ils entreposent dans un dépôt les individus qui viennent de parcourir plusieurs milliers de kilomètres. Un jour, Gazâ cause la mort d’un jeune Afghan. Dès lors, le garçon ne cesse de penser à lui et conserve précieusement la grenouille en papier qu’il lui avait donnée – ce qui ne l’empêche pas de devenir le tortionnaire des clandestins qui ont le malheur de tomber entre ses mains. Un soir, tout bascule, et c’est désormais à Gazâ de trouver comment survivre. Regard sans concession sur le monde contemporain et insolence de ton.

 

Hikmet Nâzim, C’est un dur métier que l’exil, anthologie traduite du turc et publiée par Charles Dobzynski, Le Temps des cerises, 2020, 15 €

 

« Comme le scorpion, mon frère, tu es comme le scorpion dans une nuit d’épouvante. Comme le moineau, mon frère, tu es comme le moineau dans ses menues inquiétudes. Comme la moule, mon frère, tu es comme la moule enfermée et tranquille. Tu es terrible, mon frère, comme la bouche d’un volcan éteint. Et tu n’es pas un, hélas, tu n’es pas cinq, tu es des millions. Tu es comme le mouton, mon frère, quand le bourreau habillé de ta peau, quand le bourreau lève son bâton tu te hâtes de rentrer dans le troupeau et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier. Tu es la plus drôle des créatures, en somme, Plus drôle que le poisson qui vit dans la mer sans savoir la mer. Et s’il y a tant de misère sur terre c’est grâce à toi, mon frère, si nous sommes affamés, épuisés, si nous sommes écorchés jusqu’au sang, pressés comme la grappe pour donner notre vin, irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non, mais tu y es pour beaucoup, mon frère. »

 

UKRAINE

 

Chapeye Artem, Loin d’ici, près de nulle part, traduit de l’ukrainien par Justine Donche-Horetska, éditions Bleu et Jaune, 2021, 22 €

 

Partir travailler à l’étranger ! Voilà une solution qui est censée améliorer la vie d’une famille ukrainienne moyenne, les Tkatchouk : Youriï, Olia et leurs deux enfants. Lui choisit les États-Unis d’où il rentre sans un sou. Elle devient badante, esclave des temps modernes, en Italie. Tous deux croient pourtant qu’ils sont très différents des autres travailleurs migrants et qu’une vie meilleure est encore possible. Dans un style immédiat et direct, ce roman cherche à répondre à la question : « Pourquoi tant d’hommes et de femmes dans le monde décident-ils de tout quitter – patrie, famille, amis – et de partir dans un pays lointain où tout est étranger, et où l’avenir est si inconnu et incertain ? »

 

Kumeda Maryna, Olivier Weber (préf.), Journal d’une Ukrainienne, L’Aube, 2023, 18 €

 

Ce livre est le récit, sous forme de journal intime, de grands moments de transition vécus par une famille ukrainienne – ainsi que par des millions de leurs concitoyens : lors de la chute du régime soviétique d’abord, avec un passage à ce que l’auteure appelle « nouvelle réalité » ; lors de plusieurs révolutions ensuite, et, enfin, avec la guerre actuelle. Émigration, allers-retours dans une société qui cherche à se redéfinir au gré des bouleversements… Ce texte nous raconte la vie d’une Ukrainienne, de son enfance durant les dernières années de la République socialiste soviétique d’Ukraine (Perestroïka, Tchernobyl, chute de l’URSS) à aujourd’hui, alors que l’Ukraine se bat et que l’identité ukrainienne se (re)définit avec une force rarement égalée.

 

Kurovska Olga et Sascha, Elisa Mignot, Le Journal d’Olga et Sascha, Ukraine années 2022-2023, Actes Sud/Solin, 2023, 23 €

 

C’est un journal intime d’un genre particulier : il est intime et public à la fois. Ce journal de bord a été écrit à quatre mains par deux sœurs ukrainiennes – l’une à Paris, l’autre à Kyiv – pendant toute la première année de la guerre en Ukraine déclenchée le 24 février 2022. Pour la journaliste Elisa Mignot, à l’origine de ce projet, c’est à la fois une façon d’accompagner son amie dans l’épreuve et d’informer autrement sur l’agression de la Russie contre l’Ukraine, en assumant une subjectivité, une incarnation très forte, afin de faire vivre au lecteur, par procuration, les déflagrations intimes occasionnées par la guerre.

 

Matyusha Pavlo et Viktoriya, Doan Bul, Lettres d’amour et de guerre, L’Iconoclaste, 2024, 20,90 €

 

Dans l’intimité d’un couple séparé par la guerre. Séparés par la guerre en Ukraine, Viktoriya et Pavlo Matyusha ont décidé de s’écrire des lettres, à l’heure des WhatsApp et des Facetime. Lui est romancier, et bien qu’il ne soit pas mobilisable – à 40 ans et père de quatre enfants –, il s’est enrôlé dès l’invasion russe. Viktoriya, agente littéraire et interprète, trouve refuge en France. Seule avec ses enfants dans un pays étranger, elle ne comprend pas que Pavlo reste au front. Cette correspondance devient pour eux un exutoire. Doan Bui, grand reporter à L’Obs et d’origine vietnamienne, trouve dans leurs dialogues un écho à l’histoire de ses parents, eux aussi déchirés par la guerre. Elle vient greffer sa voix off à leurs lettres, qui parlent de violence, de deuil, du chagrin des guerres, mais pas seulement.

 

Pavloff Franck, Par les soirs bleus d’été, Albin Michel, 2020, 17,90 €

 

Dans le lieu-dit la Montagne perdue, Détélina, une jeune femme hantée par la mémoire des mineurs de fond, veille sur son fils Léo, un enfant hors du commun, qui ne s’exprime que par un rituel minutieux de dessins et de couleurs. Quand arrive du Donbass, terre de combats, un étranger sur un side-car d’une autre époque, l’enfant se laisse peu à peu approcher. Mais que cherche cet homme qui bouscule leurs habitudes, ce frère d’exil qui rend leur quotidien plus lumineux ?

 

VIETNAM

 

Thanh Nguyen Viet, Les Réfugiés, traduit de l’anglais (États-Unis) par Clément Baude, 10-18, 2020, 8 €

 

« Dans un pays où tout était affaire de possessions, nous ne possédions rien d’autre que nos histoires. » Vietnamiens, ils ont fui le communisme à la fin des années 1970 pour s’exiler de l’autre côté du Pacifique, en Californie. Ils vivent entre deux rives, entre pays d’adoption et pays de naissance, pas encore américains, plus tout à fait vietnamiens. Certains sont figés dans le passé, hantés par les fantômes, effarés par l’hédonisme occidental ; d’autres veulent aller de l’avant, pour eux, pour les enfants, pour la possibilité d’une autre vie. Pour n’être plus simplement des réfugiés. Viet Thanh Nguyen livre un recueil de nouvelles d’une justesse, d’une acuité et d’une élégance peu communes, et offre sa voix à tous les déracinés.

 

BANDES DESSINÉES – ROMANS GRAPHIQUES

 

Castex Aurélie, Les Nouveaux Venus, immersion dans une classe accueillant les enfants du monde, éd. du Faubourg, 2024, 21 €

Dans cette école élémentaire parisienne, la classe de Sophie réunit des enfants venus du monde entier. La plupart d’entre eux ne parlent pas du tout français. Chacun, chargé de son histoire et riche de sa culture, va apprendre dans cette classe nommée « UPE2A » à s’approprier la langue à son rythme, afin de pouvoir intégrer peu à peu une classe générale, comme tous les écoliers de France. Chaque semaine durant une année scolaire, Aurélie Castex s’est rendue dans cette classe pour observer, dessiner et recueillir les mots de ces élèves qui tentent de trouver leur place à l’école.

Daum Pierre, Clément Baloup, Les Linh Tho, immigrés de force, Benjamin Stora (préf.), La Boîte à outils, 2017, 14 €

 

Mars 2004, Camargue. Alors qu’il couvre le conflit provoqué par la fermeture annoncée de l’usine Lustucru d’Arles, Pierre Daum, journaliste, découvre que cette usine ne fabrique pas seulement des pâtes : elle conditionne également le riz cultivé par des producteurs locaux. Il décide alors de se renseigner sur les conséquences de cette fermeture pour ces petits producteurs. À l’occasion de ses recherches, il visite un Musée du riz où certaines photos l’interpellent : des Vietnamiens seraient venus planter du riz en Camargue pendant la Seconde Guerre mondiale ? Pourquoi ce fait est-il si peu connu ? Il entame alors une enquête pour retrouver des témoins de cette époque. Il découvre que 20 000 travailleurs indochinois ont été forcés dans les années 1940 à venir travailler en métropole pour participer à l’effort de guerre. Une enquête prenante entre deux continents, qui s’attache à un pan volontairement oublié de l’Histoire.

 

Galandon Laurent, Paolo Castaldi, Le Dernier Costume n’a pas de poche, Futuropolis, 2025, 23 €

 

« Je ne comprends pas. Tu as une famille, des amis, un travail. Pourtant tu dépenses ton argent et ton temps, pour des gens que tu ne connais pas, pour ce cimetière des inconnus. Pourquoi tu fais tout ça ? Parce que le dernier costume n’a pas de poche, mon jeune ami. » Inspirés par des personnes réelles, dont Shamezzedine, Laurent Galandon et Paolo Castaldi nous conduisent à Zarzis en Tunisie. Dans un récit choral, ils nous entraînent auprès de personnages qui luttent au quotidien pour apporter humanité et dignité à des gens qui fuient leurs pays, auprès de familles endeuillées ou séparées de leurs proches ou d’autres encore qui rêvent de quitter les rives tunisiennes dans l’espoir d’un meilleur avenir.

 

Halpern Jake, Michaël Sloan, Bienvenue dans votre nouvelle vie, Buchet Chastel, 2022, 23,90 €

 

Une nouvelle vie, c’est ce qui attend les Aldabaan quand, arrachés à leur pays, la Syrie, à leurs proches et à leurs repères, les parents et les cinq enfants s’installent dans une petite ville américaine. S’ils n’ont plus à craindre les bombardements et la torture, enfants comme adultes doivent tout apprendre et bâtir une nouvelle vie. Parlant à peine anglais, sans amis et encore moins d’argent, ils s’efforcent de reconstruire un quotidien tout en rencontrant mille difficultés dans les gestes les plus simples, en dépit de la bonne volonté des bénévoles qui les accompagnent.

 

Henry Gaël, Natacha Appanah, Tropique de la violence, Sarbacane éditions, 2019, 23,50 €

 

Mayotte, cent-unième département fiançais. Mer et cocotiers de carte postale, mais taux de chômage et de criminalité record… Une nuit d’orage, une très jeune femme fuit les Comores sur un kwassa-kwava et confie son bébé à Marie, jeune infirmière en mal d’enfant. Elle l’abandonne, parce qu’elle est pauvre, parce qu’elle est une migrante… et parce qu’il a les yeux vairons, « les yeux du djinn », qui portent malheur. Moïse grandit élevé par Marie. Et puis, Marie meurt. Moïse a 15 ans, le voilà seul. Tout son monde bascule alors, avec brutalité.

 

Kleist Reinhard, Rêve d’Olympe, le destin de Samia Yusuf Omar, La Boîte à bulles, 2024, 18 €

 

« Je souhaite, à travers ce livre, rendre hommage à Samia Yusuf Omar et espère que son histoire contribuera à maintenir notre conscience éveillée, afin que nous nous souvenions que, derrière ces entrefilets évoquant la politique de lutte contre l’immigration clandestine, se cachent des destins et que derrière l’abstraction des chiffres se dissimulent des vies humaines. »

 

Krug Nora, Heimat, loin de mon pays, traduit de l’allemand par Emmanuelle Casse-Castric, Gallimard, 2018, 32,50 €

 

Depuis longtemps, Nora Krug ressent que le simple fait d’être citoyenne allemnde la relie à l’Holocauste, lui interdisant tout sentiment de fierté culturelle. Après douze ans passés aux États-Unis, et alors qu’un non-dit plane sur la participation de sa famille à la guerre, elle part à la recherche de la vérité… Entre bande dessinée et album photo, une enquête intime stupéfiante au cœur de l’Allemagne nazie.

 

Lam Kei, Les Saveurs du béton, Steinkis, 2021, 20 €

 

Kei a 6 ans lorsque sa famille arrive de Hong Kong pour s’installer à Paris, où son père rêve de devenir artiste peintre. De chambres de bonne en appartements partagés avec d’autres immigrés chinois, Kei et ses parents finissent par passer de l’autre côté du périph’ pour devenir propriétaires. Ce nouveau déménagement coïncide avec un autre grand changement, l’adolescence. Entre collège et centre commercial, Kei vit pleinement les années 1990 et s’enrichit de ce métissage culturel. Mais la vie dans ce grand ensemble ne manque pas d’interroger l’enfant qu’elle fut autant que l’adulte qu’elle est.

 

Lapière Denis, Eduard Torrents, Le Convoi, 2e partie, Dupuis, 2024, 27,95 €

 

La « Retirada », un drame occulté. Celui de Républicains espagnols venus se réfugier en France en 1939 qui eurent le triste honneur d’être les premiers déportés dans les camps de concentration d’Argelès, d’Angoulême, ou pire, de Mauthausen. Montpellier, 1975. Angelita, fille de réfugiés espagnols, alors qu’elle avait promis de ne pas retourner à Barcelone tant que Franco serait encore vivant, part à la redécouverte de son passé, celui de la Retirada. Inspiré par des faits réels, dont certains ont touché la famille du d’Eduard Torrents, le scénariste Denis Lapière a écrit un récit en deux actes sur le deuil, la vie qui doit continuer et le bonheur capable de renaître en dépit de tout. Édition intégrale complétée d’un dossier historique exclusif.

 

Lessault David, Damien Geffroy, Village global, Steinkis, 2019, 20 €

 

Mazé, petite commune paisible… jusqu’à ce que le maire annonce la rénovation de la vieille chapelle dans le but d’accueillir des réfugiés ! Les réactions ne tardent pas. Bien décidés à s’opposer à cette décision, certains habitants fondent le G.R.I.N.C (Groupe de Résistance à l’Invasion de Nos Campagnes) tandis que d’autres organisent l’accueil. Toute ressemblance, ou similitude avec des personnages et des faits existants ou ayant existé, ne serait que pure coïncidence !

 

Lodewick Clara, Moheeb sur le parking, Dupuis, 2025, 29,95 €

 

Un bout de parking, pas loin de Bruxelles. C’est là que Moheeb, un ado afghan réfugié, vit sa vie sur un banc. Un quotidien précaire, mais égayé par les parties de foot avec son pote Hugo et les discussions avec Qaïs, migrant comme lui et tombé amoureux d’une jeune Belge. Soutenu par Souad, membre d’une association, ainsi que par la maman d’Hugo, un ado qui lui complique bien la vie, Moheeb le taiseux semble profiter des journées d’été, malgré les papiers qui n’arrivent pas, les agressions et les menaces de la police. À moins qu’un feu secret ne le consume de l’intérieur. Car si on ignore déjà ce qu’il y a dans la tête d’un ado avec un toit et une famille, comment savoir ce qui se passe dans celle de Moheeb ?

 

Makaremi Chowra, Parciboula Maythieu, Prisonniers du passage, Steinkis, 2019, 20 €

 

Dans les aéroports existent des espaces insoupçonnés pour les vacanciers que nous sommes. Les « zones d’attente » sont des lieux de détention, où les étrangers sont enfermés jusqu’à vingt-six jours avant d’être admis en France, de devenir demandeurs d’asile ou d’être refoulés.

 

Mechner Jordan, Replay : mémoires d’une famille, traduit de l’anglais par Nicolas Bertrand, Delcourt, 2023, 29,95 €


Franzi, 7 ans, est séparé de ses parents et devient réfugié dans la France occupée de 1940. Son père, autrichien menacé par le nazisme, a vécu la Première Guerre, connu le Front russe et doit fuir son pays pour l’Amérique. 80 ans plus tard, le fils de Franzi, Jordan Mechner, raconte leurs histoires grâce aux carnets tenus par chacun d’entre eux et y mêle son expatriation professionnelle des États-Unis en France.

 

Meybeck Benoît, CRA, Centre de rétention administrative, Des ronds dans l’eau, 2014, 17 €

 

En 2012, à Toulouse-Cornebarrieu, Meybeck participe à la campagne « Ouvrez les portes » organisée par Migreurop et Alternative Européenne, campagne visant à obtenir l’accès des journalistes et de la société civile aux centres de rétention pour lesquels nous n’avons pratiquement aucune information, ni sur ce qui s’y passe, ni sur le traitement réservé migrants, ni sur le respect de leurs droits. Magnifique documentaire avec des témoignages de migrants et d’associations intervenantes.

 

Pendanx Jean-Denis, Perrine Corcuff, L’Œil du marabout, éd. Daniel Maghen, 2024, 26 €

 

Dans le camp de Bentiu, au Soudan du Sud, il y a un mot pour désigner les retrouvailles d’un enfant avec sa famille : « réunification ». Nialony, une fillette de 6 ans, rejoint ses parents et son frère Georges dans cet endroit coupé du monde bâti pour accueillir les réfugiés fuyant la guerre civile. C’est l’aventure de deux enfants : elle, timide, déterminée, et Georges, protecteur, débrouillard et parfois sans pitié, vont peu à peu se retrouver et traverser ensemble les épreuves et les espoirs de leur nouvelle vie.

 

Pralong Isabelle, Irene De Santa Ana, Je suis au pays avec ma mère, Atrabile, 2019, 18 €

 

C’est dans le cadre d’une psychothérapie qu’Irene de Santa Ana a rencontré Cédric. Jeune requérant, il sort de plusieurs mois d’errance, dormant dans des parcs après un premier refus à sa demande d’asile. Le statut de « débouté » le prive de bien des droits accordés aux êtres humains, et le plonge dans des limbes administratives, mais également existentielles. Au pays, plus rien ne l’attend ; en Suisse, l’espoir de pouvoir rester est plus que ténu. De cette psychothérapie, Irene de Santa Ana a fait un article, Isabelle Pralong s’en est emparée, s’intéressant particulièrement aux rêves de Cédric, qu’elle met en images. Le texte de l’article, complètement repensé, vient commenter voire compléter les pages dessinées. Éminemment métaphorique, porteuse de sens, cette matière onirique rend compte à sa façon de l’état psychologique dans lequel doit évoluer et (sur)vivre Cédric, la complexité de son ressenti, de ses sentiments. Ce livre singulier s’immisce dans des territoires politiques et sociaux sans une once de misérabilisme et tente d’aborder autrement une question de société irrésolue.

 

Rizzo Marco, Lelio Bonaccorso, À bord de l’Aquarius, traduit de l’italien par Hélène Dauniol, Futuropolis, 2019, 19 €

 

Un récit documentaire à bord de l’Aquarius, un bateau humanitaire qui parcourt la Méditerranée pour secourir des migrants. En juin 2018, l’Italie et la France lui refusaient d’accoster condamnant le navire à une errance de 9 jours, mettant ainsi en lumière les ambiguïtés des gouvernements européens sur la politique d’accueil des réfugiés.

 

Seidou, Xavier Bétaucourt, En quête d’asile, Steinkis 2021, 18 €

 

L’histoire d’un homme qui a combattu pour les droits de son peuple, a dû fuir son pays et se retrouve aujourd’hui dans l’attente. Il s’appelle Seidou. Pour sauver sa peau, à 33 ans, il a quitté son pays, la Guinée. Après des études supérieures et avec un boulot d’agent commercial, il vivait heureux, à l’aise financièrement. Mais après les élections présidentielles et les persécutions dont furent victimes les Peuls, il devient l’un des meneurs d’un mouvement de protestation réprimé par le pouvoir. Devenu un homme à abattre, il décide de s’enfuir. Il pense attendre à Bamako que les choses se tassent puis rentrer. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Niger, Libye, Sicile… son parcours est tristement classique. Sur le sol européen, c’est une autre épopée qui débute, souvent passée sous silence.

 

Siddiqui Taha, Hubert Maury, Dissident Club, Glénat, 2023, 29 €

 

En 2018, après avoir été victime d’une tentative d’assassinat dans son pays d’origine, le journaliste d’investigation Taha Siddiqui trouve refuge en France. Quand les parents de Taha ont quitté le Pakistan pour l’Arabie Saoudite, c’était dans l’espoir d’une vie meilleure. Le quotidien du petit Taha était déjà régi par un islam rigoriste mais quand son père s’est radicalisé, les choses se sont corsées. C’est en l’an 2000 qu’une brèche s’ouvre… La famille s’est réinstallée au Pakistan où l’armée avait pris le pouvoir. Taha a découvert une Société faite d’interdits que la jeunesse s’efforçait de contourner. Jamais il ne s’était senti aussi libre malgré l’insécurité ambiante, il allait progressivement s’émanciper et trouver sa voie, devenir journaliste et débuter sa carrière sur une chaîne « hérétique ». Sa détermination, sa foi en son métier et son engagement politique feront de lui une cible comme tant d’autres condisciples. Dissident Club retrace avec un humour décomplexé le quotidien d’un jeune homme aux prises avec les fondamentalistes religieux ainsi que son combat pour un accès à l’information et la liberté d’expression.

 

Vaughan Brian K., François Giraudet, Barrier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jeremy Manesse, Urban comics, 2019, 25 €

 

Liddy est une propriétaire texane. Oscar fuit le Honduras et cherche à passer la frontière mexicaine. Mis en joue par la jeune femme alors qu’il pénètre sur ses terres. Oscar, incapable de s’exprimer est anglais. vit peut-être ses derniers instants. Au moment où leurs trajectoires semblent se rejoindre en une sordide tragédie, l’impensable se produit. Liddy et Oscar se retrouvent alors embarqués dans une odyssée au cours de laquelle ils apprendront que ce qui les séparait est aussi ce qui les rapprochera le plus face à l’inconnu.

 

Viodé Didier, Yao : visa refusé, L’Harmattan, 2019, 13,90 €

 

Cet album évoque, sous forme d’histoires courtes, tous les obstacles et péripéties rencontrés par Yao pour l’obtention de son visa. Un style caricatural et humoristique qui dénonce les difficultés et les inégalités pour l’obtention d’un visa et les conditions précaires des artistes en Afrique.

 

Vollenweider Nacha, Notes de bas de page, iLatina, 2019, 20 €

 

Notes de bas de page est un roman graphique qui parvient à combiner l’expérience de l’auteur en Allemagne, la dictature militaire argentine des années 1970, la crise des migrants en Europe et l’émigration de son arrière-grand-père suisse dans un même récit où tout est fluide et simple. C’est le tour de force auquel parvient Nacha Vollenweider. Son premier roman graphique est construit comme une dérive de la mémoire, une suite de digressions graphiques et narratives qui expliquent des liens inimaginables jusqu’alors et qui deviennent évidents.

 

Zabus, Hippolyte, Les Ombres, Dargaud, 2020, 20,50 €

Une fable contemporaine sincère et émouvante qui raconte l’exil et l’émigration sous un angle métaphorique.

 

JEUNESSE

 

Bessone Magali, Les Races, ça existe ou pas ?, Gallimard-Jeunesse, 2018, 10 €

 

On pense, on vit, on agit comme si les races existaient vraiment. Le nier, c’est refuser de voir qu’elles organisent réellement le monde qui nous entoure, alors que les identités sont multiples, faites de multiples brins, tissant ainsi cet écheveau dont on ne maîtrise rien, et qu’on appelle l’humanité. C’est cette réalité qu’il faut transformer, pour combattre les discriminations raciales et le racisme.

 

Billioud Jean-Michel, Sterckeman Michäel (ill.), Catherine Wihtol de Wenden (préf.), Quand on arrive en France, histoire de l’immigration, Casterman, 2024, 16,95 €

 

Un livre d’histoire essentiel destiné aux ados pour combattre les idées reçues et le racisme. De 1830 à nos jours, cet ouvrage retrace dans une chronologie précise l’histoire de l’accueil des étrangers en France, sous l’angle original de leurs représentations à travers les époques. Agrémenté d’images d’archives, d’illustrations, de citations de journaux, d’épisodes-clés racontés en BD, de récits de vie de migrants, d’idées reçues décryptées, ce documentaire limpide met en lumière le rôle que les immigrés ont joué dans l’histoire de France, comme l’a rappelé l’actualité récente avec la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, et prouve que les stéréotypes, préjugés ou menaces brandies par l’extrême-droite, comme celle du grand remplacement, n’ont jamais été fondés.

 

Chiesa Mateos Mariana, Les Migrants, Le Sorbier, 2010, 14,20 €

 

Un album sans parole relatant deux histoires sur l’émigration. La première remonte au début du XXe siècle, période où des bateaux chargés d’Italiens, d’Espagnols, d’Allemands, de Polonais, d’Irlandais et de Français rejoignent l’Amérique. La seconde évoque les migrations actuelles de Nord-Africains, Érythréens, Kurdes, Yéménites ou Pakistanais qui tentent de partir pour l’Europe.

 

Davisse François, Carl Aderhold, Anne-Hélène Dubray (ill.), Histoires d’une nation, Nathan Jeunesse, 2019, 14,95 €

 

Aujourd’hui, un quart de la population française a au moins un de ses grands-parents venu d’ailleurs. Savoir ce qu’ont vécu nos familles, c’est autant de l’Histoire que de suivre les grands personnages des livres d’école. De Michel Cymes à Camélia Jordana, de Djorkaeff à Ramzy, des personnes connues ou moins connues nous racontent leur histoire, petit morceau de notre histoire : celle de toutes ces générations venues faire leur vie dans un nouveau pays, la France. La France est un pays d’immigration. Ce livre nous aide à mieux comprendre qui nous sommes, d’où l’on vient, et comment mieux vivre ensemble. Il propose aussi d’ouvrir le dialogue en famille : « Et toi alors, c’était comment quand tu es arrivé ? »

 

Dumontet Astrid, Le Racisme, Milan Jeunesse, 2019, 9,50 €

 

C’est quoi exactement, le racisme ? A-t-il toujours existé ? Comment peut-on s’y opposer ? À l’heure où le vivre-ensemble est au cœur de toutes les pédagogies à l’école, 16 questions-réponses sur un thème qui, d’hier à aujourd’hui, a été et est encore à l’origine d’injustices, de mauvais traitements et de guerres.

 

Fontanel Béatrice, Massamba : le marchand de tours Eiffel, Gallimard-Jeunesse,

2018, 14,90 €

 

Arrivé à Paris au terme d’un voyage éprouvant, Massamba doit s’improviser marchand de souvenirs pour touristes. Quand il découvre, en vrai, la tour Eiffel dont il a tant entendu parler… quel choc ! Devant lui elle s’élance, phénoménale, telle une fusée d’acier qui transperce les nuages. Vendre des tours Eiffel miniatures sous la grande au début, il trouve ça trop fort. Mais il doit rester aux aguets.

 

Fontenaille-N’Diaye Élise, Thomenn Sandrine, L’Extraordinaire voyage du chat de Mossoul raconté par lui-même, Gallimard-Jeunesse, 2018, 13 €

 

Il était une fois un chat extraordinaire, et ce chat, c’est moi ! Je vivais à Mossoul chez ma maîtresse, Samarkand, et je ronronnais à longueur de journée : le chat le plus heureux du monde ! Mais un jour, les hommes en noir ont envahi la ville. Nous nous sommes enfuis, nous avons traversé des frontières et moi, pour la première fois, j’ai vu la neige et la mer. Oui mais voilà : je me suis perdu ! Et bien croyez-moi ou pas : c’est très loin tout au nord que j’ai retrouvé ma famille. De l’Irak à la Norvège, ça en fait un bout de chemin, mais c’est ce qui s’est vraiment passé ! Et moi je suis toujours le chat le plus heureux du monde !

 

Gudol et Haerang, Qu’est-ce qu’une frontière ?, Sungyup Lee (trad.), La Partie, 2024, 18 €

 

Le monde est divisé en plus de 200 pays délimités par des frontières. Ce documentaire s’intéresse à toutes les sortes de frontières. Qu’elles soient dangereuses ou non, les humains les franchissent depuis toujours : pour explorer, se mettre à l’abri, envahir, commercer ou trouver un emploi ou un sens à leur vie. Quant aux oiseaux et aux poissons, ils se fichent bien des frontières, comme les ondes, l’air ou la pollution.

 

Laboucarie Sandra, Les Migrants, Milan Jeunesse, 2019, 9,50 €

 

Depuis quand y a-t-il des migrants ? Qui sont les réfugiés ? A-t-on le droit de vivre où on veut ? 16 questions-réponses pour comprendre pourquoi quitter son pays peut être un choix ou une nécessité dans une société où les guerres et l’urgence climatique font plus que jamais l’actualité.

 

Lamoureux Sophie, Amélie Fontaine (ill.), Planète Migrants, Actes Sud Jeunesse, 2016, 14 €

 

Un livre indispensable pour comprendre un des principaux enjeux actuels. Depuis la fin du XXe s., les flux de migrations se sont multipliés. Aujourd’hui, on estime qu’un humain sur trente a quitté son pays de naissance. Il n’existe plus un endroit sur Terre qui ne soit pas concerné. Ces mouvements de population suscitent de nombreux débats dans les pays d’accueil. Ce documentaire propose un rappel historique de ce phénomène et détaille les questions et enjeux auxquels les pays développés doivent répondre.

 

Martins Minhos Isabel, P. Carvalho Bernardo, traduit par Marcel Cottier, Halte, on ne passe pas !, Notari, 2019, 16 €

 

Un livre est un monde dans le monde. Pour passer de l’un à l’autre, on traverse une frontière invisible. Mais dans le livre lui-même, il y a d’autres frontières, par exemple celle qui sépare la page de gauche de la page de droite, rendue visible par le pli de la reliure. Ainsi le livre est-il un objet idéal pour dire quelque chose sur les notions de frontière, de passage, de pouvoir, de liberté de circulation et bien sûr… de pensée. Les caractéristiques physiques du livre traitent de façon magistrale cette problématique à partir d’une idée très simple et d’une grande efficacité : un général du genre dictateur  décide d’interdire à quiconque de passer de la page de gauche à la page de droite. Pour cela, il place un milicien à la frontière, c’est-à-dire au niveau de la reliure.
Soucieux d’appliquer la consigne « à la lettre », celui-ci interdit strictement le franchissement de la ligne de démarcation. Conséquence : peu à peu les passants s’accumulent sur la page de gauche, tandis que celle de droite reste absolument vierge. « Absolument », à l’image de ce pouvoir absolu qui dicte sa volonté de façon arbitraire. Et l’absurdité d’une telle décision, grâce au dispositif graphique, saute littéralement aux yeux de n’importe quel lecteur. Mais que va-t-il se passer à partir du moment où des enfants qui jouent sur la page de gauche vont lancer leur ballon par mégarde dans la zone blanche de la page de droite ? Serait-ce le début de la révolution ?

 

Milner Kate, Réfugié n’est pas mon nom, traduit par Olivier Adam, La Martinière Jeunesse, 2023, 14,50 €

 

Un jeune garçon raconte le voyage qu’il s’apprête à faire avec sa mère. Ils vont quitter leur ville, explique-t-il, ce sera triste mais aussi un peu excitant. Ils devront dire au revoir à leurs amis et à leurs proches, et ce sera difficile. Ils devront marcher et marcher et marcher, et même s’ils verront beaucoup de choses nouvelles et intéressantes, ce sera parfois difficile aussi. Une thématique sociétale importante, traitée à hauteur d’enfant.

 

Ngueno Gyslain, Peau rouge, L’Oiseau parleur, 2024, 16 €

 

Au tournant des années 2000, Mme Doumbey et ses deux enfants, Maéline et Benny, le narrateur, bourlinguent de chambres d’hôtel miteux en chambres chez l’habitant peu scrupuleux. Avec lucidité et tendresse, le narrateur rend leur dignité à toutes les mères étrangères qui, comme la sienne, se débattent pour donner à leur progéniture une vie d’enfant et un avenir possible dans la France qu’elles ont choisie.
On suit avec gravité et humour le destin du jeune garçon entre ses 11 ans et la sortie de l’adolescence, ses amitiés, son amour de la danse et le choix qu’il fait d’être un Peau-Rouge qui ne se laissera pas exterminer par les Visages Pâles. Une plongée dans le monde des sans-papiers qui se font discrets au milieu de nous, pour faire comme « ceux-qui-sont-là-depuis-toujours ».

 

Passagers d’exil, anthologie établie par Pierre Kobel, éd. Bruno Doucey, 2017, 8,50 €

 

Cette anthologie destinée aux adolescents ne se contente pas de rassembler des textes sur le thème de l’exil. Elle étaye un propos, construit une réflexion, facilite une prise de conscience. Être né quelque part. Devoir fuir son pays. Traverser la mer au risque de sa vie. Arriver en terre inconnue. Chercher un toit, du travail, des papiers. Devenir l’étranger, l’apatride, le migrant puis voir une main se tendre. De Nelly Sachs à Mahmoud Darwich, d’Ananda Devi à Laurent Gaudé, 60 poètes du monde entier disent leur sens de l’hospitalité et offrent leurs mots comme autant de mains tendues.

 

Petit Xavier-Laurent, Le Fils de l’Ursari, L’École des Loisirs, 2022, 7,50 €


Quand on est le fils d’un montreur d’ours, d’un Ursari comme on dit chez les Roms, on sait qu’on ne reste jamais bien longtemps au même endroit. Harcelés par la police, chassés par des habitants, Ciprian et sa famille ont fini par relâcher leur ours et sont partis se réfugier à Paris où, paraît-il, il y a du travail et plein d’argent à gagner. À peine arrivés dans le bidonville, chacun se découvre un nouveau métier. Daddu, le montreur d’ours, devient ferrailleur, M’man et Vera sont mendiantes professionnelles, Dimetriu, le grand frère, est « emprunteur » de portefeuilles et Ciprian, son apprenti. Un soir, Ciprian ne ramène rien de sa « journée de travail ». C’est qu’il a découvert le paradis, le jardin du Lusquenbour où il observe en cachette des joueurs de tchèquématte. Le garçon ne connaît rien aux échecs mais s’aperçoit vite qu’il est capable de rejouer chaque partie dans sa tête. C’est le début d’une nouvelle vie pour le fils de l’Ursari. Entre 12 & 16 ans.

 

Peyroux Olivier, Marie Mignot (ill.), Les Mondes Roms, Gallimard Jeunesse, 2022, 14,90 €

 

Une plongée passionnante au sein des mondes Roms à travers leur histoire, leur culture, leur façon de regarder la vie. Qui sont les Roms ? Pourquoi tous ces noms Gitans, Roms, Manouches, Tsiganes, Bohémiens ? De quel pays viennent-ils ? Que veulent dire leurs habits ? Pourquoi semblent-ils différents ? Présents dans notre quotidien, dans les films et les reportages, les Roms demeurent largement méconnus et carricaturés. Il est donc important de découvrir l’histoire, la diversité et la culture des Roms pour mieux combattre les préjugés.

 

Ressouni-Demigneux Karim, Karine Maincent (ill.), Frontières, Kilowatt, 2024, 23 €


Les frontières délimitent les pays. Sur une carte de géographie, tout paraît clair et ordonné. Mais en réalité, c’est bien différent. Pourquoi les frontières nous séparent-elles ? Depuis quand existent-elles ? Et quelles curiosités peuvent-elles bien cacher ?

 

Taxil Bérangère, Lenain Émilie, Qui sont les migrants et les réfugiés ? et toutes les questions que tu te poses pour comprendre les migrations dans le monde, Fleurus, 2019. 9,50 €

 

Ça fait longtemps, qu’il y a des migrants ? Comment protège-t-on les réfugiés ? Les enfants, ils migrent aussi ? Migrants, réfugiés, sans-papiers… un livre pour lutter contre les idées fausses et les préjugés, comprendre l’actualité et changer notre regard sur « les autres ».

 

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