« A Dieulefit, nul n’est étranger »
Dieulefit a toujours été connectée au reste du monde, notamment à travers ses productions de draps et de poterie ; mais aussi par la présence de théologiens et pédagogues protestants, sans oublier la reconnaissance de son « bon air » par le monde médical qui en a fait une station climatique particulièrement prisée des curistes et villégiateurs à l’aube du XXe siècle.
Ces différentes activités ont favorisé différents mouvements migratoires au cours de l’histoire : ouvrier·ère·s des montagnes alentours, saisonnier·es italien·ne·s, réfugié·e·s espagnol·e·s, antifascistes de toute l’Europe et familles juives persécutées durant la Seconde Guerre mondiale. Ces dernier·ère·s furent accueilli·e·s et protégé·e·s en nombre, si bien que l’on parle du « miracle de Dieulefit » : parmi les 1500 personnes accueillies, aucune ne fut déportée.
Lieu privilégié, Dieulefit ressemble au Chambon-sur-Lignon avec un refuge fondu dans la population locale, pasteur et prêtre compris, gendarmes complices et secrétaire de mairie réalisant des faux-papiers en série. En 2014, en hommage à cette expérience, un mémorial à la résistance civile a été érigé avec l’inscription : « A Dieulefit, nul n’est étranger » formule empruntée au poète Pierre Emmanuel, qui a lui-même été réfugié à Dieulefit sous l’Occupation. À cette occasion, neuf personnes ont été honorées du titre de « Justes parmi les Nations » par l’État d’Israël et le Mémorial de Yad Vachem. On le voit, cette mémoire d’accueil et de résistance, gravée dans la pierre en 2014, participe de l’identité de Dieulefit et de ses habitant·e·s. Cette histoire est porteuse pour l’accueil d’aujourd’hui, mais pas suffisante. Nous voulons donner en partage et faire vivre ce « patrimoine éthique » à notre façon.
De nos jours, les politiques d’accueil de l’Europe et de la France en particulier, sont de plus en plus restrictives. C’est pourquoi, depuis cinq ans, au sein de l’association Passerelles[1], nous nous intéressons aux modalités de l’accueil qui découlent de ce contexte inédit, et tentons d’informer et de former le plus grand nombre de nos concitoyen·nes – en premier lieu les habitant·e·s du pays de Dieulefit.
Pour accueillir dignement, il nous parait essentiel que chacun·e de nos concitoyen·ne·s ait accès aux petites et grandes histoires de ces migrations dans lesquelles nous sommes tous·tes plongé·e·s. «
(Pour aller plus loin, voir l’article « L’accueil, au coeur de tous les écarts » de Chloé Peytermann et Aude Bertrand, publication prochaine dans la revue Ecarts d’identité.)